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10/06/1997 | FRANCE | N°95-85149

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 juin 1997, 95-85149


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GUERDER, les observations de la société civile professionnelle Alain MONOD et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- BAUDOIN A...,

- CHEMINADE ou Z... Adèle, épouse B...,

parties civiles, contre l'arrêt de la co

ur d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 11 septembre 1995, qui, après avoir relaxé Sad...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GUERDER, les observations de la société civile professionnelle Alain MONOD et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- BAUDOIN A...,

- CHEMINADE ou Z... Adèle, épouse B...,

parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 11 septembre 1995, qui, après avoir relaxé Sadia X... du chef d'outrage envers des dépositaires de l'autorité publique dans l'exercice de leurs fonctions, les a déboutés de leurs demandes ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 433-5 du nouveau Code pénal, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Sadia X... des fins de la poursuite et a débouté Pierre Y... et Z... Adèle, épouse B..., parties civiles, de leurs demandes ;

"aux motifs qu'il ressort de la procédure que les propos visés aux poursuites sont précisément les suivants : "Vous faites un délit de faciès.. vous faites de la ségrégation... vous êtes racistes, vous n'auriez pas contrôlé cette personne si elle avait été blonde aux yeux bleus"; que ce sont les propos qui ont été consignés dans le rapport adressé le 13 août 1994 par le gardien de la paix Pierre Y... au commissaire chargé de la voie publique dans le 17ème arrondissement, puis confirmés au cours de l'enquête par les fonctionnaires; que, cependant, Sadia X... a contesté avoir tenu de tels propos, et a affirmé qu'après avoir assisté au contrôle d'identité, qui venait de se dérouler sous ses yeux, elle s'était contentée de faire part à sa soeur de son appréciation personnelle concernant la politique menée en France à l'égard des ressortissants étrangers et les conséquences pouvant découler, selon elle, de cette politique au regard d'autres périodes de l'histoire française; que les parties civiles, et tout particulièrement le gardien de la paix Pierre Y..., ont fait état, lors de l'audience des débats devant la Cour, de l'embarras sur la conduite à tenir qui avait été provoqué à leur endroit par les propos tenus par Sadia X..., et susceptibles, bien qu'adressés à la soeur de la prévenue, d'avoir été perçus par les personnes présentes sur les lieux ;

qu'il ressort des déclarations de Adèle B... en cause d'appel que celle-ci a dit ne pas avoir compris immédiatement la teneur des propos de Sadia X...; qu'il en résulte qu'elle n'a pas personnellement entendu d'outrages visant Pierre Y... ou elle-même;

qu'il existe un doute sur l'existence même des termes outrageants concernant les parties civiles, et que dans ces conditions, la poursuite excluant, à l'égard de la prévenue, les propos d'ordre général s'inscrivant dans le cadre de la liberté d'expression que garantissent les articles 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, la prévention n'est pas établie ;

"alors, d'une part, que la cour d'appel retient qu'il existe un doute sur l'existence même des propos visés par la prévention, desquels il ressort que la prévenue se serait adressée aux deux policiers en ces termes : "Vous faites un délit de faciès, vous faites de la ségrégation... vous êtes racistes, vous n'auriez pas contrôlé cette personne si elle avait été blonde aux yeux bleus..."; que, cependant, Sadia X... a reconnu avoir dit, dans un procès-verbal de confrontation avec les deux policiers, Adèle Z..., épouse B..., et Pierre Y..., en date du 13 août 1994, que "si la personne contrôlée avait été blonde aux yeux bleus, elle n'aurait pas été forcément contrôlée", ce qui suffisait, comme le soutenaient les exposants, à porter atteinte à leur dignité en leur imputant une discrimination fondée sur l'apparence physique; qu'en prononçant malgré tout ainsi, la cour d'appel a dénaturé ce procès-verbal de confrontation et entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

"alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué constate que Sadia X... a reconnu avoir dit : "il y a cinquante ans, les contrôles sur les juifs ont commencé comme cela"; que cette comparaison entre le contrôle effectué par les parties civiles et les contrôles des juifs pendant la seconde guerre mondiale était, à elle seule, de nature à porter atteinte à la dignité des policiers, ainsi que ces derniers le soutenaient dans leurs conclusions; qu'ainsi, en refusant de considérer comme outrageants ces propos sur lesquels Sadia X... a été en mesure de s'expliquer, au prétexte qu'exclus de la poursuite, ils n'excédaient pas le droit d'expression reconnu à chaque citoyen, la cour d'appel a violé l'article 433-5 du nouveau Code pénal, ensemble l'article 388 du Code de procédure pénale ;

"alors, enfin, que l'outrage visé à l'article 433-5 du nouveau Code pénal peut résulter de paroles, d'attitudes, de gestes qui ne sont ni grossiers, ni offensants en eux-mêmes, s'ils sont de nature à porter atteinte à l'autorité morale de la personne visée, à diminuer le respect dû à sa fonction et à le gêner dans sa mission; que l'arrêt constate que les parties civiles, et tout particuli rement le gardien de la paix Pierre Y..., ont fait état, lors de l'audience des débats devant la Cour, de l'embarras sur la conduite à tenir qui avait été provoqué à leur endroit par les propos tenus par Sadia X..., et susceptibles, bien qu'adressés à la soeur de la prévenue, d'avoir été perçus par les personnes présentes sur les lieux; qu'ainsi, en se fondant, pour relaxer la prévenue, sur le motif qu'il existait un doute sur l'existence des seuls termes outrageants visés par la prévention, sans rechercher si les propos d'ordre général que la prévenue a reconnu avoir adressés à sa soeur, et sur lesquels elle a été en mesure de s'expliquer, n'avaient pas gêné les parties civiles dans l'exercice de leur mission, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé, et de l'article 388 du Code pénal" ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Sadia X... a été poursuivie, sur procès-verbal de convocation devant le tribunal correctionnel, pour outrages par paroles envers des personnes dépositaires de l'autorité publique en raison des propos suivants, qui lui étaient imputés : "vous faites un délit de faciès" ;

"vous faites de la ségrégation"; "vous êtes racistes, vous n'auriez pas contrôlé cette personne si elle avait été blonde aux yeux bleus" ;

Attendu que, pour relaxer la prévenue et débouter les parties civiles de leurs demandes, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués, dès lors qu'en admettant le doute sur la matérialité des faits incriminés par l'acte de poursuite, les juges n'ont fait qu'user, dans les limites de leur saisine, de leur pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve contradictoirement débattus ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Guerder conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, conseillers de la chambre, M. Desportes conseiller référendaire appelé à compléter la chambre, Mme Karsenty conseiller référendaire ;

Avocat général : M. le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-85149
Date de la décision : 10/06/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11ème chambre, 11 septembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 jui. 1997, pourvoi n°95-85149


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.85149
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