AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Excelsior publications, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 11 mai 1994 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section C), au profit de M. Olivier Y..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 mars 1997, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire rapporteur, MM. Carmet, Chagny, conseillers, Mme Lebée, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd et Baudin, avocat de la société Excelsior publications, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Y..., employé par la société Excelsior publications, en qualité de rédacteur en chef d'une revue, a été licencié le 5 juillet 1993 avec un préavis d'un mois; qu'estimant être en droit de bénéficier d'un préavis de trois mois, il a saisi la juridiction prud'homale statuant en référé; qu'une ordonnance du 21 septembre 1993 a accueilli sa demande; que la société a interjeté appel; que le salarié a, à nouveau, saisi la juridiction des référés afin d'obtenir notamment un complément de prime d'ancienneté pour la période de juillet à octobre 1993, correspondant au préavis, et un prorata de 13e mois afférent au préavis; qu'une seconde ordonnance du 6 décembre 1993 a déclaré cette dernière demande irrecevable au motif qu'il s'agissait de demandes nouvelles devant être présentées dans le cadre de la première instance lorsqu'elle serait évoquée par la cour d'appel; que la société a également interjeté appel de la seconde ordonnance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 1994) d'avoir fixé la durée du préavis à trois mois, alors, selon le moyen, d'une part, que la cour d'appel statuant en référé, qui a constaté que, pour la détermination de la durée du préavis, les parties invoquaient chacune une convention collective, puis, a relevé que l'applicabilité de la convention collective invoquée par le salarié soulevait une contestation sérieuse sans se déclarer incompétente, a violé l'article R. 516-30 du Code du travail; alors, d'autre part, qu'en relevant le moyen tiré d'un prétendu usage fixant à trois mois le délai-congé bénéficiant à un cadre, sans inviter les parties à s'expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile; alors, enfin, que la convention collective précise les usages, même si ces derniers sont plus favorables aux salariés; que, dès lors, en déclarant faire application d'un usage, d'office et sans débat contradictoire, après avoir constaté que, pour la détermination de la durée du préavis, chacune des parties se prévalait d'une convention collective et, de surcroît, relevé que la convention collective nationale des journalistes liait l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 132-2 et suivants du Code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que dans ses conclusions d'appel, le salarié invoquait l'existence d'un usage constant pour les cadres fixant la durée du préavis à trois mois; que le moyen manque en fait en ses deux dernières branches ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui s'est fondée sur l'existence de cet usage, a statué dans les limites de sa compétence; que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer un complément d'indemnité de préavis représentant un prorata de prime de 13e mois et un complément de prime d'ancienneté avec intérêts de droit à compter du jour de la première demande alors, selon le moyen, d'une part, qu'il est interdit au juge sous couvert d'interprétation, de modifier une décision dépourvue d'imprécision ou d'ambiguïté; qu'en l'espèce, le juge des référés s'était borné, par sa première ordonnance, à déclarer que "le contrat du salarié (cesserait) au terme d'un préavis de trois mois" et à condamner "en tant que de besoin, l'employeur à verser l'indemnité de préavis correspondante" en l'absence de toute demande du salarié tendant au paiement d'une indemnité compensatrice déterminée ;
que, dès lors, en faisant droit à la demande en paiement du salarié dans la seconde instance, la cour d'appel a violé l'article 461 du nouveau Code de procédure civile; alors, d'autre part, qu'une créance contractuelle ne produit intérêts qu'à compter de la demande en justice valant mise en demeure ;
qu'en l'espèce, il ressort de la première ordonnance que le salarié n'avait formé aucune demande en paiement d'une indemnité compensatrice; que, dès lors, en fixant le point de départ des intérêts des sommes allouées par infirmation de la seconde ordonnance, à compter du jour de la première demande en référé, la cour d'appel a violé l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, statuant dans les deux instances et infirmant la seconde ordonnance, a exactement décidé qu'était due au salarié, au titre de l'indemnité de préavis, l'intégralité des éléments de sa rémunération, et souverainement fixé le point de départ des intérêts au jour de la première demande; que le moyen ne peut être accueilli
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Excelsior publications aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Excelsior publications à payer à M. X... Vinay la somme de 10 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.