AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Poujaud, dont le siège social est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 20 mai 1994 par la cour d'appel de Lyon (3e Chambre civile), au profit :
1°/ de la société Yonne isolation, dont le siège social est ...,
2°/ de la société Shell française, dont le siège social est ..., défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 11 mars 1997, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Bourrelly, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bourrelly, conseiller, les observations de Me Luc-Thaler, avocat de la société Poujaud, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de la société Yonne isolation, de Me Pradon, avocat de la société Shell française, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 mai 1994), que la société Poujaud a donné à bail des échafaudages à la société Yonne isolation; que ce matériel a été immobilisé par décision judiciaire à la suite d'un incendie sur les lieux où il était entreposé; que la société Yonne isolation ayant refusé de régler les loyers, la société Poujaud a demandé sa condamnation à paiement ;
Attendu que la société Poujaud fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen, "1°) que la force majeure s'entend de l'impossibilité pour le débiteur d'exécuter son obligation; que l'obligation de payer des loyers pesant sur la société Yonne isolation tant que le contrat de location n'était pas résilié est une obligation de donner une somme d'argent qui, par nature, ne peut se heurter à aucune force majeure; qu'en exonérant cependant la société Yonne isolation de son obligation de payer le prix de la location, la cour d'appel a violé les articles 1148 et 1728 du Code civil ;
2°) que le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur des troubles de jouissance auquel il est étranger; qu'en exonérant le locataire de son obligation de payer les loyers durant le cours du contrat pour le motif qu'il n'aurait pas pu jouir de la chose louée par suite d'une décision judiciaire plaçant sous main de justice l'ensemble du périmètre où ce matériel était entreposé, pour les besoins d'une information pénale à laquelle le bailleur était totalement étranger, la cour d'appel a violé l'article 1725 du Code civil" ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que le matériel loué avait été placé sous main de justice dès le lendemain de sa livraison, de sorte que, sans faute de sa part et par cas fortuit, la société Yonne isolation n'avait pu en jouir et en assurer la restitution, la cour d'appel a justement retenu que les loyers n'étaient pas dus ;
Attendu, d'autre part, que la société Poujaud n'ayant pas invoqué devant la cour d'appel l'application des dispositions de l'article 1725 du Code civil, le moyen est, de ce chef, nouveau, mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Poujaud aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Poujaud à payer à la société Yonne isolation la somme de 9 000 francs et à la société Shell française la somme de 5 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.