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29/04/1997 | FRANCE | N°95-12759

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 avril 1997, 95-12759


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 1994), que sur instructions de sa cliente la société des Automobiles Peugeot, la BNP a ouvert un crédit documentaire irrévocable à l'ordre de la société Facon Deutschland ; que, par cessions de créances, celle-ci a transmis ses droits sur le crédit documentaire à la Deutsche Bank, et à la Bank für Gemeinwirtschaft ; qu'invoquant des fraudes " commerciales " de la part de la société Facon, dont les livraisons, pour près de la moitié d'entre elles, portaient sur des matériels incomplets ou endommagés, la société des Autom

obiles Peugeot a demandé la résolution de la vente et celle du crédit ...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 1994), que sur instructions de sa cliente la société des Automobiles Peugeot, la BNP a ouvert un crédit documentaire irrévocable à l'ordre de la société Facon Deutschland ; que, par cessions de créances, celle-ci a transmis ses droits sur le crédit documentaire à la Deutsche Bank, et à la Bank für Gemeinwirtschaft ; qu'invoquant des fraudes " commerciales " de la part de la société Facon, dont les livraisons, pour près de la moitié d'entre elles, portaient sur des matériels incomplets ou endommagés, la société des Automobiles Peugeot a demandé la résolution de la vente et celle du crédit documentaire, ainsi que l'opposabilité des exceptions aux cessionnaires de créances ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses cinq branches :

Attendu que la société des Automobiles Peugeot fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes contre les banques, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en constatant que la société Facon avait adressé sciemment des marchandises défectueuses afin de profiter du crédit documentaire ouvert par la BNP, et qu'elle avait remis des documents tronqués aux banques chargées de faire fonctionner le crédit, tout en refusant de prononcer, à l'égard de cette société, la résolution pour fraude de ce crédit documentaire dont elle constate qu'il n'avait pas encore été entièrement exécuté par la BNP au jour où la société Peugeot en poursuivait la résolution la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil et le principe " Fraus omnia corrumpit " ; alors, d'autre part, que la résolution du contrat de base entraîne par voie de conséquence celle du crédit documentaire dès lors que celui-ci n'a pas été entièrement exécuté par la banque émettrice ; qu'en prononçant la résolution pour fraude du contrat de vente, tout en refusant, à l'égard de la société Facon, d'étendre l'effet de cette résolution au crédit documentaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés et l'article 1131 du Code civil ; alors, en outre, que la cession, suivant les modes du droit commun, d'un crédit documentaire non transférable ne permet pas au cessionnaire d'opposer au donneur d'ordre ou à la banque émettrice du crédit le principe de l'inopposabilité des exceptions ; qu'en l'espèce la Deutsche Bank n'avait payé la société Facon, ni en vertu d'un mandat donné par la BNP, ni en qualité de banque confirmatrice du crédit documentaire, mais en exécution d'une cession de créance de droit commun que la société Facon lui avait consentie en contrepartie d'avances faites à cette société pour financer son activité ; qu'en jugeant que la fraude commise par la société Facon dans l'exécution du contrat de base, et la résiliation du crédit documentaire qui en était la suite, n'étaient pas opposables à la Deutsche Bank dès lors qu'elle n'avait pas participé à la fraude, la cour d'appel a violé l'article 1690 du Code civil et l'article 55 des " règles et usances " uniformes de la Chambre de commerce internationale ; alors, encore, qu'en jugeant de même que la BFG, simple cessionnaire des droits que la société Facon tenait de la convention de crédit documentaire, ne pouvait se voir opposer la fraude commise par le bénéficiaire dans l'exécution du contrat de base que le crédit documentaire avait pour support, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; et alors, enfin, qu'en déclarant que les banques n'avaient pas participé à la fraude commise par la société Facon ni agi " sciemment " au préjudice de la société Peugeot, sans rechercher si en accordant des crédits " anormaux " à la société Facon qu'elles savaient dans une situation obérée, tout en prenant soin de se faire céder la totalité des crédits documentaires dans le but de se garantir contre le risque de non-remboursement de leur avances, les banques cessionnaires n'avaient pas eu conscience d'agir au détriment du débiteur du crédit documentaire, ce qui suffisait à écarter l'application à leur profit de la règle de l'inopposabilité des exceptions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la fraude a porté sur l'exécution de la vente, mais aucunement sur la mise en place ou l'exécution du crédit documentaire, pour laquelle ont été produits des documents conformes aux prévisions, et qui n'était pas subordonnée à la production d'un certificat de conformité des matériels livrés ; qu'il retient également que les banques étaient cessionnaires du crédit documentaire et en déduit que seules les exceptions inhérentes à cette opération pouvaient leur être opposées ; qu'il retient encore que ces banques n'étaient pas informées des pratiques fautives de la société Facon et ne pouvaient prévoir que les garanties prises par elles sur la société Facon auraient pour effet de priver la société Peugeot d'exceptions qui seraient nécessairement opposées au fournisseur ; que la cour d'appel a, dès lors, décidé à bon droit que la résolution du contrat de vente pour fraude n'entraînait pas celle du crédit documentaire, ni l'opposabilité d'exceptions découlant de l'exécution de la vente aux cessionnaires du crédit, et a procédé à la recherche prétendument omise quant à l'éventuelle responsabilité de ces banques en conséquence de l'effet de leurs interventions pour la société Peugeot ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la Bank für Gemeinwirtschaft fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande d'intérêts moratoires en surplus d'une partie du montant du crédit documentaire, qui avait été judiciairement consignée à la BNP, alors, selon le pourvoi, que la consignation aux mains d'un séquestre, par suite d'une saisie-arrêt dont l'irrégularité a été définitivement constatée, ne vaut pas paiement ; qu'ainsi, en décidant que les intérêts devaient cesser de courir à dater de leur remise entre les mains du séquestre, l'arrêt attaqué a violé les articles 1247 et 1153 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la BNP n'avait retenu la somme litigieuse qu'en qualité de séquestre, désigné par une décision de justice, à la suite d'une instance engagée à l'initiative de la société Peugeot et au profit de celle-ci, la cour d'appel a pu décider que cette banque n'était pas tenue aux intérêts à compter de la mise sous séquestre ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-12759
Date de la décision : 29/04/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° BANQUE - Crédit documentaire - Obligations du banquier - Paiement - Vente frauduleuse - Résolution - Effets - Crédit - Résolution (non).

1° BANQUE - Crédit documentaire - Obligations du banquier - Paiement - Vente frauduleuse - Résolution - Opposabilité - Cessionnaire du crédit (non).

1° La résolution d'une vente pour fraude n'entraîne pas celle du crédit documentaire consenti à l'occasion de ce contrat, ni l'opposabilité, aux cessionnaires du crédit, d'exceptions découlant de l'exécution de la vente, dès lors que la fraude a porté sur l'exécution de la vente et non sur la mise en place ou l'exécution du crédit documentaire.

2° BANQUE - Crédit documentaire - Obligations du banquier - Paiement - Rétention - Qualité de séquestre - Obligation - Intérêts moratoires (non).

2° Ayant relevé qu'une banque n'avait retenu le montant d'un crédit documentaire qu'en qualité de séquestre, désigné par décision de justice à la suite d'une instance engagée à l'initiative de sa cliente et au profit de celle-ci, une cour d'appel a pu décider que cette banque n'était pas tenue aux intérêts à compter de la mise sous séquestre.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 décembre 1994

A RAPPROCHER : (1°). Chambre commerciale, 1987-10-07, Bulletin 1987, IV, n° 213, p. 159 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 avr. 1997, pourvoi n°95-12759, Bull. civ. 1997 IV N° 107 p. 92
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 IV N° 107 p. 92

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Leclercq.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Gatineau, M. Choucroy, la SCP Peignot et Garreau, M. Vincent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.12759
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