Attendu, selon l'arrêt déféré (Fort-de-France, 18 novembre 1994), que, par deux actes des 16 septembre 1986 et 24 juin 1987, M. X... s'est porté, envers la Société générale de banque aux Antilles françaises (la banque), caution solidaire des dettes de la société Fabrique martiniquaise de matelas (la société), à concurrence respectivement de 200 000 et 700 000 francs " de principal " ; que, par un acte du 17 novembre 1988, qui " annule et remplace " celui du 24 juin 1987, il s'est porté, envers la banque, caution solidaire de la société, à concurrence de 900 000 francs de principal, outre les frais, intérêts et accessoires ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société, un jugement du tribunal mixte de commerce du 14 avril 1992 a fixé le montant de la créance de la banque sur la société à 1 823 582,80 francs ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la banque le montant de la dette de la société, à concurrence de 200 000 francs de principal, au titre de l'acte du 16 septembre 1986, et de 900 000 francs de principal, outre les frais et accessoires, au titre de l'acte du 17 novembre 1988, alors, selon le pourvoi, que la caution, même solidaire, peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette ; qu'en l'espèce les juges ont dit que les exceptions soulevées par la caution n'étaient pas recevables car elle ne lui étaient pas personnelles, mais pouvaient appartenir au débiteur principal ; que, pourtant, les exceptions soulevées étaient inhérentes à la dette et non personnelles au débiteur principal ; qu'ainsi les juges ont subordonné la recevabilité des exceptions soulevées par la caution à une condition non prévue par la loi, en violation de l'article 2036 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la caution invoque la faute de la banque " en ce que celle-ci aurait permis la survie artificielle de la société et favorisé l'accroissement de ses dettes " ; qu'agissant ainsi, en dehors du cadre de l'article 2037 du Code civil, la caution ne pouvait agir en responsabilité à l'encontre de la banque, pour faute de cette dernière envers la société, que par voie de demande reconventionnelle et non pas, comme elle a fait, par voie d'exception ; que, par ce motif de pur droit, qui se substitue en tant que de besoin à ceux de la cour d'appel, l'arrêt, qui déclare irrecevable le moyen de défense de la caution, se trouve justifié ;
Et sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, réunis :
Attendu que M. X... fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée que s'il est constaté une identité d'objet, de cause et de parties ; qu'en l'espèce les juges ont opposé à la caution l'autorité de la chose jugée attachée à une procédure devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France qui a fixé le montant de la créance due par le débiteur principal, procédure à laquelle la caution n'était pas partie puisque la demande dirigée contre elle avait été jugée irrecevable ; qu'ainsi, en invoquant l'autorité de la chose jugée contre la caution, autorité attachée à une décision à laquelle elle n'était pas partie, les juges méconnaissent les conditions légales et, au mépris des droits de la défense, empêchent la caution de faire valoir ses moyens, en violation des articles 1351 du Code civil et 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que les juges, qui ont constaté que le courrier d'information de la caution, émanant de la banque, en date du 15 mars 1990, ne faisait référence qu'au seul acte de cautionnement du 17 novembre 1988, déterminant l'engagement de la caution à 900 000 francs, ont néanmoins dit que ce courrier n'avait aucune incidence sur la teneur des engagements de la caution, ignorant la substitution que ce courrier consacrait de ce cautionnement aux deux premiers actes de 1986, pour 200 000 francs et de 1987 pour 700 000 francs ; qu'ainsi, les juges n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, en violation de l'article 1134 du Code civil et de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ; et alors, enfin, que le juge est tenu de répondre aux moyens des parties qui articulent fait et déduction d'une conséquence juridique de nature à influer sur la solution du litige ; qu'en l'espèce les juges ont ignoré les conclusions de M. X... qui soutenait que la banque avait fait pratiquer à son profit une saisie-arrêt sur ses comptes et que les sommes saisies (plus de 200 000 francs) devaient venir en déduction des sommes éventuellement mises à la charge de la caution ; qu'ainsi, en ne répondant pas à ce moyen, les juges ont violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que le jugement du 14 avril 1992, devenu irrévocable, avait arrêté le montant de la créance de la banque sur la société, ce dont il résulte qu'il est opposable de ce chef à tout codébiteur solidaire, l'arrêt retient à bon droit qu'il est opposable à la caution solidaire ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que l'acte du 17 novembre 1988 laisse subsister celui du 16 septembre 1986, l'arrêt retient souverainement que la lettre de la banque du 15 mars 1990, qui " se réfère expressément à l'acte du 17 novembre 1988 ", n'a " aucun effet sur l'existence de l'engagement du 16 septembre 1986 " ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre au moyen inopérant dont fait état la troisième branche, dès lors que la saisie-arrêt pratiquée sur le compte de M. X... constituait une simple mesure conservatoire et qu'il n'était pas allégué que le jugement en validité était intervenu ;
D'où il suit que la cour d'appel a légalement justifié sa décision, sans méconnaître aucun des textes visés au moyen ; que celui-ci n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.