Statuant tant sur le pourvoi principal que sur le pourvoi incident :
Attendu, selon le jugement attaqué, que la société Guyenne et Gascogne (la société) a demandé la restitution du droit de mutation de 1,20 % qu'elle avait acquitté à l'occasion de la fusion effectuée en 1988 avec elle-même des sociétés Distribution Libourne alimentation, Distribution du Sud-Ouest, Jonzac Distribution et Montoise de Distribution ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que le Directeur général des Impôts reproche au jugement d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, que, relative au remboursement d'une imposition dont l'incompatibilité avec les directives de la Communauté économique européenne des 17 juillet 1969 et 10 juin 1985 n'a pas été constatée par la Cour de Luxembourg, la demande formulée par la société entrait dans les prévisions de l'article L. 190, 1er alinéa, du Livre des procédures fiscales et, partant, s'agissant d'une imposition payée sans l'émission préalable d'un titre, relevait des seules dispositions de l'article R. 196-1, alinéa 1 b du même Livre ; qu'ainsi, en déclarant recevable cette demande, déposée le 19 août 1993, soit après le 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement de l'impôt contesté, intervenu le 31 juillet 1987, le Tribunal a violé par refus d'application les dispositions susvisées ;
Mais attendu que, dans un arrêt du 25 juillet 1991 (Emmott), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le droit communautaire s'opposait à ce que les autorités compétentes d'un Etat membre invoquent les règles de procédure nationales relatives aux délais de recours dans le cadre d'une action engagée à leur encontre par un particulier devant les juridictions nationales, en vue de la protection des droits directement conférés par une directive, aussi longtemps que cet Etat membre n'a pas transposé correctement les dispositions de cette directive dans son ordre juridique interne ; que les dispositions de la directive du Conseil 85-303 du 10 juin 1985, supprimant tout droit d'apport des opérations de fusion à compter du 1er janvier 1986, précises et inconditionnelles, n'ont été introduites en droit français que par la loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993 ; que c'est donc à compter de l'entrée en vigueur de cette loi que court le délai de réclamation de l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales, seule disposition applicable en l'espèce ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que le Directeur général des Impôts reproche aussi au jugement d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que le droit visé à l'article 816-1.2° ancien du Code général des impôts est un substitut d'impôt de distribution perçu selon les techniques des droits d'enregistrement ; que, comme l'Administration l'a soutenu devant les juges du fond, il n'est pas visé par les directives européennes susvisées qui ne concernent que le droit d'apport ordinaire perçu sur les apports effectués à titre pur et simple ; qu'en énonçant le contraire le Tribunal a violé l'article 816-1-2 précité, ainsi que l'article 7-1 de la directive 69-335-CEE du 17 juillet 1969 modifié par la directive 85-303-CEE du 10 juin 1985 ; et alors, d'autre part, qu'à supposer que ce droit entre dans le champ d'application de la directive précitée, l'article 9 de la directive prévoit que certaines catégories d'opérations ou de sociétés de capitaux peuvent faire l'objet d'exonérations, de réductions ou de majorations de taux pour des motifs d'équité fiscale ou d'ordre social ou pour mettre un Etat membre en mesure de faire face à des situations particulières ; qu'en application de cet article, la France s'est vue reconnaître le droit d'appliquer une majoration de taux qu'il prévoit ; qu'ainsi, le Tribunal a violé l'article 9 de la directive 69-335-CEE du 17 juillet 1969 modifiée ;
Mais attendu, d'une part, que, par un arrêt du 13 février 1996 (société Bautiaa), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que l'article 7, § 1 de la directive 69-335-CEE du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, tel qu'il a été modifié par la directive 73-80 du 9 avril 1973 concernant la fixation des taux communs du droit d'apport applicable au 1er janvier 1976, puis par la directive 85-303-CEE du 10 juin 1985, applicable à compter du 10 juin 1986, s'oppose à l'application d'une législation sur les apports mobiliers effectués dans le cadre d'une fusion ; que c'est donc à bon droit que le Tribunal a jugé que l'article 816-I-2 du Code général des impôts, alors en vigueur, était incompatible avec les directives 73-80 et 85-303 ;
Attendu, d'autre part, que dans l'arrêt précité, la Cour de justice des Communautés européennes a relevé que la dérogation dont se prévaut le Gouvernement français ne porte pas sur le taux du droit frappant les opérations visées à l'article 4, paragraphe 1 sous-c, et à l'article 7, paragraphe 1 sous-b, de la directive qui comprennent les opérations de fusion ; que, par ce motif de pur droit, le jugement se trouve justifié ;
Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses deux branches ;
Mais sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi incident de la société Guyenne et Gascogne :
Vu l'article L. 208 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les intérêts moratoires des sommes perçues indûment par l'administration des Impôts et dont le remboursement est ordonné courent du jour du paiement ;
Attendu qu'en fixant le point de départ de ces intérêts à la date de l'assignation le jugement a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen unique :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à la date de l'assignation le point de départ des intérêts moratoires dus par l'Administration, le jugement n° 94-1068 rendu le 3 octobre 1994, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Bayonne ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
STATUANT à nouveau, fixe ce point de départ au jour du paiement des sommes dont la restitution a été ordonnée par le jugement attaqué.