AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Isabelle X... épouse Y..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 9 septembre 1993 par la cour d'appel de Rouen (2e chambre civile), au profit de M. Norbert Z..., demeurant ..., "Bonfruit", 77220 Mormant, défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 février 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Nicot, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de Mme Y..., de Me Blanc, avocat de M. Z..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Rouen, 9 septembre 1993) que, par ordonnance du 4 octobre 1989, prise au visa des articles 1405 à 1425 du nouveau Code de procédure civile, le président du tribunal de commerce a enjoint à Mme Isabelle X... de payer à M. Norbert Z... la somme de 44 952,79 francs, correspondant en principal au montant de deux chèques impayés ainsi qu'aux frais et dépens exposés par ce dernier; que, par jugement du 20 mars 1990, le tribunal de commerce, retenant que les chèques avaient été émis pour régler la fourniture de marchandises diverses, a rejeté l'opposition formée par Mme X... contre cette ordonnance ;
Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement précité, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article 1405 du nouveau Code de procédure civile que le recouvrement d'un chèque impayé ne peut être poursuivi suivant la procédure d'injonction de payer; que le président du tribunal de commerce, qui a fait droit à la requête d'injonction de payer de M. Z... dirigée contre Mme X..., pour obtenir paiement par elle de deux chèques émis à son nom, a méconnu les dispositions de l'article précité; que ni l'opposition, ni l'appel formé par Mme X... n'ont pu couvrir le vice fondamental entachant la procédure; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1405 du nouveau Code de procédure civile; alors, d'autre part, que le recouvrement d'une créance ne peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer que lorsque la créance a une cause contractuelle ou résulte d'une obligation de caractère statutaire et s'élève à un montant déterminé ou résulte d'une lettre de change ou d'un billet à ordre; qu'en matière contractuelle, la détermination de la créance doit être faite en vertu des stipulations du contrat; qu'en condamnant Mme X... au paiement de la somme de 44 952,79 francs au profit de M. Z... sans avoir déterminé cette somme en vertu de stipulations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 1405 du nouveau Code de procédure civile; et alors, enfin, qu'il était établi que M. Z... avait reçu pour le paiement des livraisons litigieuses deux chèques émis frauduleusement par Mme X... au nom de sa fille et à l'insu de celle-ci; que la cour d'appel a d'ailleurs constaté que M. X... avait été condamné par jugement devenu irrévocable pour ces faits; qu'en condamnant pourtant Mme X... au paiement des livraisons qui avaient donné lieu à l'émission de faux chèques par son père sans avoir constaté, ni qu'elle avait passé commande des marchandises litigieuses, ni qu'elle en avait effectivement reçu livraison, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que le moyen tendant à faire déclarer irrégulière une procédure d'injonction de payer pour avoir été engagée hors des cas prévus par l'article 1405 du nouveau Code de procédure civile, constitue une exception de procédure; qu'à ce titre, il ne peut être présenté pour la première fois, devant la Cour de Cassation ;
Attendu, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que la condamnation prononcée au profit de M. Z... porte en principal sur la somme de 44 303,67 francs; qu'ayant relevé que cette somme correspondait exactement au montant global de quatre factures émises par ce dernier à l'ordre du commerce exploité par Mme X..., la cour d'appel s'est déterminée, pour fixer le montant de la créance, en vertu de stipulations contractuelles ;
Attendu, enfin, qu'ayant relevé que les chèques litigieux et les factures susmentionnées étaient contemporains, que Mme X... entretenait des relations d'affaires avec M. Z..., ayant donné lieu à la création par ce dernier d'autres factures dont certaines avaient été réglées, qu'elle entretenait également des relations d'affaires, qualifiées d'étroites, avec son père et qu'elle n'avait soutenu que tardivement ne pas avoir reçu les marchandises facturées, la cour d'appel a décidé que la preuve de la réalité de la créance de M. Z... avait été rapportée par celui-ci ;
D'où il suit, qu'irrecevable en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.