AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ M. Henri X..., demeurant ...,
2°/ M. Paul Y..., ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. Henri X..., demeurant 37, place des Otages, 29600 Morlaix,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 avril 1994 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre), au profit :
1°/ de la compagnie d'assurances Groupe Zurich France, dont le siège est ...,
2°/ de M. Loïc Z..., demeurant ...,
3°/ de la CFTA, dont le siège est gare de Carhaix, 29270 Carhaix Plouguer,
4°/ de la compagnie Uni Europe, dont le siège est ...,
5°/ de la DASD Services Généraux AMH, département du Finistère Quimper, dont le siège est 29196 Quimper cedex,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, en l'audience publique du 15 janvier 1997, où étaient présents : M. Zakine, président, M. Chevreau, conseiller rapporteur, MM. Pierre, Dorly, Colcombet, Mme Solange Gautier, conseillers, M. Tatu, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. Chevreau, conseiller, les observations de Me Blondel, avocat de M. X... et de M. Y..., ès qualités, de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la compagnie d'assurances Groupe Zurich France, de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de la CFTA et de la compagnie Uni Europe, les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X..., circulant sur une route prioritaire, est entré en collision avec un tracteur et sa remorque, conduit par M. Z..., qui traversait la chausée; qu'ayant été blessé, M. X... a assigné, d'une part M. Z..., l'employeur de celui-ci, la CFTA et la compagnie d'assurance Uni Europe, en réparation de son préjudice, d'autre part la compagnie Zurich France près de laquelle il avait souscrit une assurance personnelle;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir limité le droit à réparation de M. X..., alors, selon le moyen, d'une part, que selon l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, d'interprétation stricte s'agissant d'un texte limitant le droit à indemnisation, la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur ne peut limiter le droit à réparation que si elle est en relation de causalité avec le préjudice souffert; qu'en limitant le droit à indemnisation de M. X... de moitié, infirmant de ce chef le jugement qui avait retenu une causalité exclusive, en l'état de la faute du chauffeur du poids lourd qui avait "grillé" une priorité, sans s'interroger, eu égard aux conclusions demandant la confirmation du jugement, sur le point de savoir si le fait de rouler à 70 Km/heure au lieu de 60 Km/heure avait pu contribuer en fait à la réalisation du dommage, cependant, que la cour d'appel a estimé que l'état alcoolique n'avait pas eu de rôle causal, celle-ci prive sa décision de base légale au regard du texte précité; d'autre part, que la cour d'appel, qui retient que le taux d'alcoolémie de la victime était sans relation de causalité avec l'accident, n'a pu légalement faire état de fautes commises par M. X... pour limiter de moitié son droit à réparation, cependant, qu'une seule était susceptible d'être retenue : le fait d'avoir circulé à 70 Km/h au lieu de 60 Km/h; qu'ainsi, l'arrêt qui ne tire pas de ses constatations et appréciations les conséquences qui en découlaient, viole l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. X... conduisait sous l'empire d'un état alcoolique, qu'il circulait à vitesse excessive et qu'après avoir quitté son couloir de marche, il avait percuté la semi-remorque au milieu de la chaussée, alors que le tracteur achevait la traversée de la route nationale;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciatons, qui caractérisent les fautes commises par M. X..., en relation de causalité tant avec l'accident qu'avec le dommage, la cour d'appel a légalement justifié sa décision;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande dirigée contre la compagnie Zurich France, en paiement d'indemnités jounalières, l'arrêt énonce que l'accident se serait produit même si l'état alcoolique n'avait pas existé;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 12 b du contrat liant les parties stipule que la garantie ne joue pas en cas de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alccoolique à moins qu'il ne soit prouvé que l'accident se serait tout de même produit si cet état alcoolique n'avait pas existé, la cour d'appel a dénaturé le contrat et violé le texte susvisé;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... dirigée contre la compagnie Zurich France, l'arrêt rendu le 5 avril 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes du CFTA et de la compagnie Uni Europe;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.