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12/02/1997 | FRANCE | N°96-80879

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 février 1997, 96-80879


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la société Delfa, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 18 janvier 1996, qui, dans les poursuites exercées contre Alain X... pour infraction à la réglementation relative aux marchés d'intérêt national, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 5, 6 et 10 de l'ordonnance du 22 septembre 1967, 60 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, L. 411-1 du Code du travail

, 2 et 3 du Code de procédure pénale, 593 de ce Code, ensemble défaut de motif...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la société Delfa, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 18 janvier 1996, qui, dans les poursuites exercées contre Alain X... pour infraction à la réglementation relative aux marchés d'intérêt national, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 5, 6 et 10 de l'ordonnance du 22 septembre 1967, 60 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, L. 411-1 du Code du travail, 2 et 3 du Code de procédure pénale, 593 de ce Code, ensemble défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré l'Unigros recevable en son action civile et a condamné la société Delfa à lui verser une somme de 500 000 francs à titre de dommages et intérêts ;
" aux motifs qu'Alain X..., dirigeant de la société Delfa, ayant été reconnu coupable d'avoir pratiqué, à titre autre que de détail, des ventes de produits interdits dans le périmètre de production du marché d'intérêt national (MIN) de Rungis, et principalement des ventes de viandes, l'Unigros est en droit de se porter partie civile et de demander réparation du préjudice direct résultant pour elle de l'infraction, le délit constaté constituant une atteinte directe à cet intérêt collectif et un syndicat ayant toujours la possibilité de défendre un tel intérêt ; que sa constitution doit être déclarée recevable, étant observé qu'elle a le devoir de défendre les intérêts des opérateurs du MIN et qu'elle a seule qualité pour le faire, ce droit lui ayant été reconnu dans l'action intentée devant le tribunal de commerce de Bobigny ;
" alors, d'une part, que sauf dérogation législative, l'action civile ne peut être exercée devant les juridictions répressives que par celui qui a subi un préjudice personnel prenant directement sa source dans l'infraction poursuivie ; qu'en déclarant recevable l'action de l'Unigros, qui n'est ni un syndicat professionnel ni une association privilégiée à laquelle le législateur aurait conféré les droits reconnus à la partie civile pour la défense des intérêts collectifs mais une simple association type loi de 1901, et en lui faisant application des dispositions concernant exclusivement l'action civile des organisations syndicales professionnelles, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du Code du travail, 2 et 3 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, que l'Unigros s'était statutairement interdit d'agir personnellement pour la défense des intérêts collectifs des professionnels qu'elle regroupe puisqu'elle s'est donné pour objet de "permettre aux organismes qui la composent... d'élaborer des solutions au problème qui résulte de l'implantation de grossistes sur le MIN de Rungis... de représenter et de défendre ces solutions devant toutes les juridictions compétentes," l'article 3 des statuts précisant également que "chaque syndicat participant conserve son autonomie en ce qui concerne la représentation et la défense des intérêts qui lui sont propres" ; que, si elle pouvait ainsi faciliter l'action personnelle des organismes la composant qui justifiaient d'un préjudice direct né de l'infraction poursuivie, l'Unigros, qui n'a pas subi un tel préjudice et qui n'a pas été mandatée par l'un quelconque de ses membres, est donc irrecevable en sa constitution de partie civile ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a donc violé les textes susvisés ;
" alors, de troisième part, que l'infraction poursuivie n'ayant concerné que la vente des viandes interdites dans le périmètre protégé du MIN, la constitution de partie civile de l'Unigros, qui n'était pas limitée à ce seul secteur d'activité puisqu'elle agissait au nom de tous les commerçants de ce marché, était nécessairement irrecevable ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel n'a pas donc pas légalement justifié sa décision ;
" alors, enfin, que l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Bobigny faisant droit à une action engagée par cette association tendant à ce que la société Delfa soit condamnée sous astreinte à cesser son activité a été frappée d'appel et n'a donc pas acquis l'autorité de la chose jugée ; qu'en se fondant néanmoins sur cette décision pour reconnaître à l'Unigros le droit d'agir personnellement pour défendre l'ensemble des intérêts de ses membres, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale l'action civile en réparation du dommage causé par un crime ou un délit n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l'infraction ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Alain X..., dirigeant de la société Delfa, a été poursuivi pour avoir procédé à des ventes en gros de viandes à l'intérieur du périmètre de protection institué autour du marché d'intérêt national de Paris-Rungis, délit prévu et réprimé par les articles 6 et 10 de l'ordonnance du 22 septembre 1967 relative aux marchés d'intérêt national ; que la société Delfa a été citée en qualité de civilement responsable ; que l'Union générale des syndicats de grossistes du marché d'intérêt national de Paris-Rungis, association dénommée Unigros, s'est constituée partie civile aux fins d'obtenir, selon ses conclusions, réparation de l'atteinte portée par le délit à l'intérêt collectif de la profession qu'elle aurait pour mission de défendre ;
Attendu que les premiers juges ont retenu l'infraction à la charge du prévenu mais ont déclaré la partie civile irrecevable en son intervention au motif, notamment, qu'elle ne justifiait pas, au regard de ses statuts, d'un préjudice personnel découlant des faits poursuivis ;
Attendu que, saisis du seul appel d'Unigros, les juges du second degré, pour infirmer cette décision sur les intérêts civils et condamner solidairement Alain X... et la société Delfa à lui payer une indemnité de 500 000 francs, énoncent que l'infraction a directement porté atteinte à l'intérêt collectif qu'un syndicat peut défendre ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la partie civile, association régie par la loi du 1er juillet 1901, ne constitue pas une union de syndicats au sens des articles L. 411-21 et suivants du Code du travail, jouissant des droits conférés aux syndicats professionnels, et que, en l'absence de dispositions légales dérogatoires, la recevabilité de son action civile est soumise aux règles de droit commun, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 18 janvier 1996 ;
Et attendu que l'intérêt d'une bonne administration de la justice commande que, par application de l'article 612-1 du Code de procédure pénale, la cassation ait effet à l'égard d'Alain X..., condamné par le même arrêt et ne s'étant pas pourvu en cassation ;
DIT que la cassation prononcée aura effet tant à l'égard de la demanderesse qu'à l'égard d'Alain X... ;
Et, pour qu'il soit jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-80879
Date de la décision : 12/02/1997
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Recevabilité - Association - Association de syndicats de grossistes - Intérêt collectif de la profession - Préjudice direct.

1° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Marché d'intérêt national - Action civile - Recevabilité - Association de syndicats de grossistes.

1° Aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, et sauf dispositions légales dérogatoires, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime ou un délit n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l'infraction. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, dans des poursuites exercées pour ventes en gros illicites dans le périmètre de protection d'un marché d'intérêt national, reçoit l'action civile d'une association de syndicats de grossistes, régie par la loi du 1er juillet 1901, au motif que l'infraction a porté atteinte à l'intérêt collectif qu'un syndicat peut défendre(1).

2° CASSATION - Effets - Annulation - Portée.

2° L'annulation, sur le pourvoi du civilement responsable, d'un arrêt ayant déclaré recevable et fondée la demande de partie civile, doit, par application de l'article 612-1 du Code de procédure pénale, dans l'intérêt de l'ordre public et d'une bonne administration de la justice, avoir effet à l'égard du prévenu, condamné au paiement de l'indemnité mais qui ne s'est pas pourvu(2).


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 2
Code de procédure pénale 612-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 janvier 1996

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1990-03-06, Bulletin criminel 1990, n° 104, p. 270 (rejet et cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1990-01-16, Bulletin criminel 1990, n° 24, p. 58 (rejet), et les arrêts cités. A rapprocher : Chambre criminelle, 1970-01-22, Bulletin criminel 1970, n° 37, p. 80 (rejet)

arrêt cité ;

Chambre criminelle, 1973-06-16, Bulletin criminel 1973, n° 279, p. 660 (cassation)

arrêt cité. CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1993-11-17, Bulletin criminel 1993, n° 343, p. 861 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1994-01-10, Bulletin criminel 1994, n° 11 (2), p. 20 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi)

arrêt cité ;

Chambre criminelle, 1994-06-13, Bulletin criminel 1994, n° 231 (2), p. 559 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 fév. 1997, pourvoi n°96-80879, Bull. crim. criminel 1997 N° 57 p. 187
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 57 p. 187

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.80879
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