Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société TIAT, à laquelle les sociétés Cegelec et SPIE Batignolles (les sociétés) avaient sous-traité diverses prestations dans le cadre d'un marché de travaux, a été mise en redressement judiciaire le 10 avril 1986 ; que l'administrateur, mis en demeure, a opté pour la poursuite du contrat et qu'il a, avec son administrée, assigné en paiement d'une certaine somme les sociétés qui, sur les factures émises après le jugement d'ouverture, avaient opéré diverses retenues en considération des acomptes déjà versés ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de les avoir condamnées solidairement à payer au liquidateur de la société TIAT la somme de 2 426 837,68 francs dont 894 143,65 francs au titre d'acomptes sur travaux non effectués, outre les intérêts légaux, alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans leurs conclusions, les sociétés avaient indiqué et démontré que la cession de créance intervenue avait porté sur un montant supérieur (10 000 000 de francs) à celui des créances de la société TIAT au titre du marché ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a laissé ce moyen sans réponse, méconnaissant ainsi les exigences de motivation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et violé l'article 1315 du Code civil en dispensant les demandeurs de la charge de la preuve qui leur incombait ; et alors, d'autre part, qu'en se bornant à affirmer que la totalité des créances n'avait pas été cédée, sans rechercher quelles créances avaient effectivement fait l'objet d'une cession ni s'expliquer sur une prétendue caducité de la convention Dailly avant la réclamation des demandeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, 5 de la loi du 2 janvier 1981 et 31 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'à la date de la notification aux sociétés des cessions de créance la société TIAT n'avait perçu qu'une somme inférieure au montant du marché et que les travaux supplémentaires effectués et les clauses " d'inoccupation des salariés " et de révision ont généré des créances, de sorte que l'administrateur était habile à agir contre les sociétés les 13 et 14 août 1986 au titre des travaux exécutés après la date d'ouverture du redressement judiciaire, dans le cadre d'un contrat à exécution successive en cours à cette date et continué par lui ; qu'ainsi, la cour d'appel a, par là même, répondu en les écartant aux conclusions invoquées et procédé à la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles 37, 50 et 53 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que, pour condamner les sociétés au paiement de la somme de 2 426 837,68 francs, l'arrêt, après avoir relevé que la société TIAT avait perçu (entre octobre 1983 et octobre 1985), conformément à l'article 8-1-1 du contrat, un acompte de 25 %, le solde étant payable sur certificat mensuel en fonction de l'avancement des travaux, retient qu'en effectuant des retenues sur les factures de travaux exécutés après le 10 avril 1986, donc en continuant à pratiquer une sorte d'amortissement progressif et proportionnel des acomptes perçus par la société TIAT avant le jugement de redressement judiciaire, les sociétés ont enfreint les règles spécifiques de la loi de 1985 en compensant pour partie leur créance antérieure non déclarée et depuis éteinte avec leur dette envers l'administrateur, résultant de prestations effectuées dans le cadre du contrat continué ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, l'administrateur ayant opté pour la poursuite du contrat, l'imputation des acomptes payés avant le jugement d'ouverture sur des factures émises postérieurement constituait une modalité d'exécution du contrat continué, de sorte que les créances correspondant au versement de ces acomptes n'étaient pas soumises à déclaration, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les sociétés Cegelec et SPIE Batignolles à payer au liquidateur judiciaire de la société TIAT la somme de 2 426 837,68 francs, l'arrêt rendu le 30 septembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.