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14/01/1997 | FRANCE | N°96-81233

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 janvier 1997, 96-81233


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller Françoise SIMON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle de CHAISEMARTIN et COURJON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Z...;

Statuant sur les pourvois formés par :

- A... Jean-Paul,

- Y... Catherine

, épouse LARNAUDIE,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle,...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller Françoise SIMON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle de CHAISEMARTIN et COURJON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Z...;

Statuant sur les pourvois formés par :

- A... Jean-Paul,

- Y... Catherine, épouse LARNAUDIE,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 24 janvier 1996, qui, pour travail clandestin, les a condamnés, le premier, à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 40 000 francs d'amende, la seconde, à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire ampliatif produit commun aux demandeurs et le mémoire en défense;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 362-3, L. 362-4, L. 362-5, L. 143-3, L. 143-5, L. 630-3 du Code du travail, 121-2 et 121-4 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Paul A... coupable de travail clandestin par dissimulation de salariés;

"aux motifs que les époux X... avaient pris leurs fonctions le 1er février 1994 non pas dans le cadre de la SCI dont Jean-Paul A... était le gérant, mais pour celui de l'association des Trois Poètes et de la maison de retraite dont Catherine Duluc était la présidente; que leur activité se résumait exclusivement à la préparation de la totalité des repas des pensionnaires de l'association;

"alors, d'une part, que seul est l'auteur de l'infraction la personne qui commet les faits incriminés; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'activité des époux X... avait consisté à préparer les repas de pensionnaires et du personnel de la maison de retraite dont Catherine Duluc était la présidente alors que Jean-Paul A... était le gérant de la SCI le Château des Trois Poètes, organe juridique distinct de l'association; que ces constatations, qui excluent que les époux X... aient travaillé pour le compte de la SCI le Château des Trois Poètes, excluent aussi que la SCI ait pu être l'employeur desdits époux et que Jean-Paul A... ait pu commettre les faits qui lui étaient reprochés; qu'en le retenant néanmoins dans les liens de la prévention, la cour d'appel a prononcé une condamnation illégale;

"alors, d'autre part, que le contrat de travail supposant une intégration dans un service organisé sous l'autorité hiérarchique de l'employeur, l'énonciation selon laquelle Jean-Paul A... avait reconnu que les époux X... avaient exercé quelques activités au sein du château pour le compte de l'association, personne morale distincte de la SCI, et qu'ils étaient chargés d'acheter l'alimentation destinée aux pensionnaires de cette association et de préparer les repas, ne caractérise pas le lien de préposition ou de subordination nécessaire à l'existence d'un contrat de travail entre la SCI dont il était gérant et les époux X...; que ce motif inopérant ne donne aucune base légale à la déclaration de culpabilité;

"alors, de troisième part, et subsidiairement, que la responsabilité pénale de Jean-Paul A... ne pouvait, le cas échéant, être retenue que s'il avait assuré la gérance de fait de l'association; que l'énonciation des premiers juges selon laquelle Jean-Paul A... avait joué un rôle actif et occulte au sein de l'association des Trois Poètes ne caractérise nullement une gestion de fait de cette association; que, faute d'avoir caractérisé des circonstances établissant que Jean-Paul A... assurait la gestion de fait de l'association, la cour d'appel a prononcé une déclaration de culpabilité illégale;

"alors, enfin, que l'infraction de travail clandestin n'est constitutive d'un délit qu'autant qu'elle est intentionnelle; qu'il n'est nullement établi que Jean-Paul A... ait jamais voulu ou eu l'intention d'employer les époux X... en qualité de salariés sans respecter les dispositions du Code du travail; que manifestement il existait un malentendu entre le prévenu et les époux X... quant aux conditions de leur présence au Château des Trois Poètes, malentendu qui était exclusif de toute intention délictuelle; que faute d'avoir expressément constaté cette intention, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision";

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 362-3, L.362-4, L. 362-5, L. 143-3, L. 143-5, L. 630-3 du Code du travail, 121-1, 121-2 et 121-4 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Catherine Larnaudie coupable de travail clandestin par dissimulation de salariés;

"aux motifs que les époux X... avaient pris leurs fonctions le 1er février 1994 pour le compte de l'association des Trois Poètes et de la maison de retraite dont Catherine Duluc était la présidente; que leur activité se résumait exclusivement à la préparation de la totalité des repas des pensionnaires de l'association ;

que, dans le cadre d'un travail indépendant, les époux X... n'auraient pas manqué de présenter régulièrement des factures en paiement de leurs prestations de service; que les éléments du dossier accréditaient la thèse d'un travail salarié effectué par les époux X..., en attendant la réalisation promise par Jean-Paul A... de l'hôtel-restaurant; que l'infraction était encore constituée par le fait qu'ils n'avaient pas reçu de bulletins de paie et n'avaient pas été déclarés aux organismes sociaux;

"alors, d'une part, que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants; que, par ailleurs, au sein de la personne morale, seul est auteur de l'infraction la personne qui commet les faits incriminés; qu'il ne résulte d'aucune des constatations de l'arrêt attaqué que Catherine Larnaudie, née Duluc, présidente de l'association du Château les Trois Poètes, ait, postérieurement au 1er mars 1994, employé les époux X... en tant que salariés de l'association; que, faute d'avoir caractérisé les circonstances établissant que Catherine Larnaudie avait employé les époux X... en qualité de cuisiniers salariés de l'association postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 121-2 nouveau du Code pénal, la cour d'appel a prononcé une déclaration de culpabilité illégale;

"alors, d'autre part, que, en vertu du principe consacré antérieurement au 1er mars 1994, selon lequel l'on n'était responsable que de son fait personnel, la responsabilité pénale de Catherine Larnaudie ne pouvait être recherchée que si elle était l'auteur des faits poursuivis, soit à titre principal, soit à titre de complice; qu'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué ne constate que Catherine Larnaudie, présidente de l'association du Château des Trois Poètes, ait recruté ou fait recruter les époux X... en tant que salariés de l'association; que, faute d'avoir caractérisé les circonstances établissant que Catherine Larnaudie avait recruté les époux X... en qualité de cuisiniers salariés de l'association à compter du 1er février 1994, la cour d'appel a prononcé une déclaration de culpabilité illégale;

"alors, de troisième part, que tout contrat de travail suppose une intégration dans une structure organisée sous l'autorité hiérarchique de l'employeur et implique, par conséquent, l'existence d'un lien de subordination entre l'employeur et le salarié; que ni le fait que Catherine Larnaudie ait signé deux chèques d'un montant de 5 500 francs chacun remis aux époux X..., l'un en février et l'autre en mars, ni celui que l'activité des époux X... ait consisté à préparer les repas des pensionnaires et du personnel de la maison de retraite géré par l'association des Trois Poètes, ne sont de nature, en l'absence d'autres circonstances propres à le caractériser, à établir que les époux X... avaient exercé leur activité sous l'autorité hiérarchique de Catherine Larnaudie ou d'un membre de l'association leur donnant ordres ou instructions; qu'en l'état de ces motifs, la déclaration de culpabilité est illégale;

"alors, de quatrième part, que la Cour qui constate qu'il est établi qu'un accord contractuel avait été passé, le 23 décembre 1993, entre la SCI et les époux X..., aux termes duquel un restaurant devait être ouvert à tout public au Château des Trois Poètes à Castetis, propriété de la SCI, ne pouvait, sans s'en expliquer davantage, affirmer que les époux X... avaient exercé leur activité dans les locaux de l'association; qu'en tout état de cause, l'exercice d'une activité dans des locaux n'est pas de nature à caractériser l'existence d'un contrat de travail; que cette énonciation ne donne aucune base légale à la déclaration de culpabilité;

"alors, enfin, que l'infraction de travail clandestin n'est constitutive d'un délit qu'autant qu'elle est intentionnelle; qu'il n'est nullement établi que Catherine Larnaudie ait jamais voulu ou eu l'intention d'employer les époux X... en qualité de salariés sans respecter les dispositions du Code du travail; que, manifestement, il existait un malentendu entre la prévenue et les époux X... quant aux conditions de leur présence au Château des Trois Poètes, malentendu qui était exclusif de toute intention délictuelle; que, faute d'avoir expressément constaté cette intention, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision";

Les moyens étant réunis ;

Attendu que Jean-Paul A... et Catherine Larnaudie ont été poursuivis du chef du délit de travail clandestin pour avoir, le premier en qualité de dirigeant de fait de l'association, et la seconde en qualité de présidente de celle-ci, employé les époux X... en omettant volontairement d'effectuer les formalités prévues aux articles L. 143-3, L. 143-5 et L. 620-3 du Code du travail; que, pour les déclarer coupables, les juges, après avoir exposé le rôle actif et occulte joué par Jean-Paul A... au sein de l'association gérant la maison de retraite, et constaté que les conditions dans lesquelles les époux X... travaillaient pour le compte de celle-ci, caractérisaient une activité salariée, ont relevé que Catherine Larnaudie avait entériné les décisions prises par Jean-Paul A... concernant leur emploi et qu'elle avait signé les chèques établis à leur profit, sans avoir reçu de factures de prestations de services;

Qu'en prononçant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, relevant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de travail clandestin dont elle les a déclarés coupables; que l'élément intentionnel de ce délit se déduit de l'omission volontaire par ces derniers de l'accomplissement des formalités prévues par les articles L.

143-3, L. 143-5 et L. 620-3 du Code du travail;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Françoise Simon conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pinsseau, Joly, Mme Chanet, M. Blondet conseillers de la chambre, Mme Fossaert-Sabatier, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-81233
Date de la décision : 14/01/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Travail clandestin - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Constatations suffisantes.


Références :

Code du travail L143-3, L143-5 et L620-3

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, 24 janvier 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 jan. 1997, pourvoi n°96-81233


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.81233
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