AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Coopamat, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 8 février 1994 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des urgences), au profit de M. X... demeurant ..., pris en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Polyvac,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 novembre 1996, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Armand-Prevost, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. Armand-Prevost, conseiller, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société Coopamat, de la SCP Urtin-Petit et Rousseau Van-Troeyen, avocat de M. X..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu, selon l'arrêt déféré (Grenoble, 8 février 1994), que la société Coopamat a consenti à la société Polyvac plusieurs contrats de crédit-bail portant sur divers machines et matériels d'exploitation;
qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société Polyvac, la société Coopamat a déclaré à M. X..., liquidateur, sa créance et l'a informé de son intention de déposer une requête en revendication;
que cette requête n'ayant pas été déposée, le liquidateur a obtenu du juge-commissaire une ordonnance autorisant la vente aux enchères publiques des biens objet du crédit-bail;
que sur opposition de la société Coopamat, le Tribunal en a ordonné la restitution au crédit-bailleur;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches réunies :
Attendu que la société Coopamat fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en revendication des meubles objet du contrat de crédit-bail, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les lois de procédure s'appliquent aux instances en cours devant la Cour de Cassation;
que la loi du 10 juin 1994, modifiant la procédure de revendication de propriété d'un bien pendant la procédure collective, est venue préserver les droits du propriétaire dont le droit est publié et qui ne peut plus désormais se voir opposer le délai préfix de trois mois au terme duquel il ne pouvait plus, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, recouvrer son bien; qu'en l'espèce, le contrat de crédit-bail conclu entre la société Coopamat et la société Polyvac le 25 février 1991, a été publié le 11 juillet 1991;
que la loi du 10 juin 1994, loi de procédure d'application immédiate aux instances en cours, est entrée en vigueur et doit être appliquée dans la présente instance devant la Cour de Cassation;
que pour avoir statué comme il pouvait le faire à cette date, sur le fondement de la loi du 25 janvier 1985, l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale par application de la loi du 10 juin 1994; et alors, d'autre part, que l'article 1er du Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme pose en principe que chaque homme a le droit d'exiger le respect de sa propriété;
que le droit de propriété fait ainsi partie des "droits protégés" par la Convention européenne;
que la loi du 10 juin 1994, permettant au crédit-bailleur, ayant publié son droit, d'exercer sa revendication sans se voir opposer la forclusion, est venue mettre en conformité le système national avec les principes posés par la Convention européenne des droits de l'homme; d'où il suit qu'une telle loi est recognitive et doit être appliquée de façon immédiate aux instances en cours; que la loi du 10 juin 1994, entrée en vigueur à ce jour, doit être appliquée dans la présente instance devant la Cour de Cassation;
que pour avoir appliqué, comme il pouvait le faire à cette date, la loi du 25 janvier 1985 et l'ancien article 115 de cette loi, l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale par application de la loi du 10 juin 1994;
Mais attendu, d'une part, que la loi du 10 juin 1994 prévoit, en son article 99, que ses dispositions entreront en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er octobre 1994 et que la loi n° 94-679 du 8 août 1994 a complété ce premier texte en ajoutant que ses dispositions seront applicables aux procédures ouvertes à compter de cette date;
qu'il n'y a en conséquence pas lieu de faire application des dispositions de la loi nouvelle à la présente instance;
Attendu, d'autre part, que c'est sans méconnaître les dispositions du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la cour d'appel, en l'état des textes alors en vigueur, a débouté la société Coopamat de ses demandes;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Coopamat reproche à l'arrêt d'avoir statué ainsi qu'il a fait, alors, selon le pourvoi, que l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 n'est applicable qu'aux seules actions en revendication exercées par les vendeurs d'un bien qui n'ont pas reçu paiement du prix au jour où le débiteur est mis en redressement judiciaire;
qu'ainsi l'article 115 susvisé ne s'applique pas aux crédit-bailleurs qui demeurent propriétaires de leur bien donné à bail et qui n'exercent qu'une action en restitution ;
qu'en opposant à la société Coopamat, crédit-bailleresse, la forclusion édictée par l'article 115, la cour d'appel a violé ledit article par fausse interprétation;
Mais attendu que la cour d'appel a énoncé à bon droit que les dispositions de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, dans leur rédaction alors en vigueur, sont applicables à toute revendication de meubles quels que soient la cause juridique ou le titre invoqué à l'appui de celle-ci;
que le moyen n'est pas fondé;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Coopamat aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X...;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique , et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.