Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 394, alinéa 3, et L. 397 du Code de la santé publique ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action en recouvrement de cotisations formée par le conseil départemental de l'Ordre des médecins de la Haute-Savoie contre M. Paul X..., docteur en médecine, le jugement attaqué, statuant sur renvoi après cassation, retient que les délibérations de ce conseil n'étant pas publiques, le texte de ses décisions ne doit pas faire mention de l'opinion de ses membres et que l'indication selon laquelle une de ces décisions a été prise à l'unanimité révèle cette opinion ; que la sanction de cette prohibition est la nullité de cette décision ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'énoncé des conditions dans lesquelles une décision a été prise par un conseil départemental de l'Ordre des médecins n'a pas pour effet de rendre publique la délibération qui l'a précédée, le Tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que le Tribunal a dit que le conseil de l'Ordre était débouté des poursuites concernant les cotisations pour 1982, 1985, 1986, 1987 et 1988, le jugement rendu le 21 novembre 1994, entre les parties, par le tribunal d'instance d'Annecy ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Chambéry.
MOYEN ANNEXE
Moyen produit par M. Guinard, avocat aux Conseils pour le conseil départemental de l'Ordre des médecins de Haute-Savoie.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir dit les délibérations du conseil départemental de l'Ordre des médecins de la Haute-Savoie des 26 février 1987 et 27 septembre 1989 (lire : 29 juin 1989) entachées de nullité et déclaré irrecevables les poursuites en recouvrement des cotisations ordinales des années 1982, 1985, 1986, 1987 et 1988 ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'article L. 394 du Code de la santé publique, le conseil départemental de l'Ordre des médecins, entre autres attributions autorise son président à ester en justice ; que l'article L. 397 du même Code dispose que les délibérations du conseil départemental de l'Ordre des médecins ne sont pas publiques ;
Que la Cour de Cassation, dans son arrêt du 16 février 1994 n'infirme pas le fait que la mention de l'unanimité apparaissant dans une délibération du Conseil qui n'est pas de nature juridictionnelle, n'est pas soumise à la règle d'ordre public du secret du délibéré en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires le prévoyant expressément ; que la règle du secret des délibérations constitue un principe général du droit français s'imposant à toutes les juridictions à moins d'exceptions formelles constatées par la loi ;
Que la délibération du conseil départemental de l'Ordre des médecins constitue une décision administrative et non juridictionnelle, ce que le docteur Paul X... a pu reconnaître lui-même aux termes de ses propres écritures ;
Que cependant, la loi, aux termes de l'article L. 397 du Code de la santé publique, prévoit expressément que ces délibérations (et ce, quelle que soit leur nature) ne sont pas publiques ; qu'il résulte de cette disposition législative et d'elle seule, que le texte des décisions ne doit pas faire mention de l'opinion des membres du Conseil ; qu'ainsi, l'indication selon laquelle une décision a été prise " à l'unanimité " qui révèle l'opinion de chacun des membres est prohibée ; que la sanction de cette prohibition selon une règle constante en droit privé comme en matière administrative est la nullité de la décision ;
Que du fait de la nullité des décisions de poursuites en paiement des 26 février 1987 et 27 septembre 1989 (lire : 29 juin 1989) relatives aux cotisations des années 1982, 1985, 1986, 1987 et 1988, le recouvrement n'a pas été régulièrement engagé et les demandes à ce titre doivent être déclarées irrecevables (jugement, p. 4 et 5) ;
ALORS QUE l'autorisation d'ester en justice constituant non une décision juridictionnelle mais une décision de nature administrative, une telle délibération, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires le prévoyant expressément, n'est pas soumise au principe d'ordre public du secret du délibéré ; qu'en déclarant nulles les délibérations du conseil de l'Ordre des médecins autorisant le président de l'Ordre à exercer des poursuites contre M. X..., pour la seule raison qu'elles indiquaient avoir été prises à l'unanimité, le tribunal d'instance a violé les articles L. 394 et L. 397 du Code de la santé publique.