AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Mirak France, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 décembre 1993 par la cour d'appel de Paris (3e chambre, section A), au profit :
1°/ de la société Nauticlub de Paris, actuellement société Aquaboulevard, société anonyme, dont le siège est ...,
2°/ de M. Michel X..., demeurant ...,
3°/ de la Société auxiliaire d'entreprise (SAE), dont le siège est ...,
4°/ de la société Setebra, dont le siège est ...,
5°/ de la société Tennis club forest hill, dont le siège est ... la Forêt,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 15 octobre 1996, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Nicot, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre;
Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de Me Vincent, avocat de la société Mirak France, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Nauticlub de Paris, actuellement société Aquaboulevard, de M. X..., de la Société auxiliaire d'entreprise, de la société Setebra et de la société Tennis club forest hill, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 14 décembre 1993) que, par acte du 15 janvier 1985, plusieurs sociétés et plusieurs personnes physiques, parmi lesquelles M. X..., ayant formé le projet de créer un parc de loisirs aquatique à Marcq-en-Baroeul, ont convenu de la constitution d'une société anonyme pour la réalisation de ce projet, en définissant le rôle de chacune des parties ainsi que les modalités du financement; qu'aux termes de l'article 8 de cette convention, il était prévu que les signataires s'engageaient "respectivement les uns envers les autres à se tenir informés de tous autres projets de parcs aquatiques dont ils pourraient avoir connaissance, (et) à proposer le maintien du même tour de table pour la réalisation desdits autres projets dont ils seraient les initiateurs, chacun se réservant expressément la faculté d'accepter ou non d'y participer pour tout ou partie"; que la société prévue par la convention a été créée le 29 juillet 1985, sous la forme d'une société anonyme dénommée "Nauticlub forest hill", M. X... étant désigné président de son conseil d'administration; que l'un des signataires de la convention du 15 janvier 1985, la société Mirak France (la société Mirak), titulaire d'une partie du capital de la société Nauticlub forest hill, ayant appris que M. X... et plusieurs autres associés de celle-ci avaient créé, le 27 février 1987, une société dénommée "Nauticlub de Paris", ayant pour objet la réalisation et l'exploitation d'un parc de loisirs aquatiques à Paris, devenu depuis lors "L'Aquaboulevard", les a assignés, le 20 avril 1988, en réparation du préjudice que lui aurait causé le fait de n'avoir pu entrer dans le capital de la nouvelle société, lors de sa constitution;
Attendu que la société Mirak fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en relevant d'office, sans inviter préalablement les parties à formuler leurs observations, le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas eu la surface financière suffisante pour participer au projet, si la possibilité lui en avait été donnée, de sorte que la faute contractuelle commise par ses cocontractants n'était pas en relation de cause à effet avec le préjudice subi par elle, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile; alors, de deuxième part, qu'en décidant que la société Mirak était tenue de se manifester dès lors qu'elle avait eu fortuitement connaissance du projet litigieux, après avoir constaté qu'aux termes de l'article 8, alinéa 2, du contrat du 15 janvier 1985, il appartenait à ses cocontractants de lui offrir de participer à la réalisation du projet, la société Mirak ayant alors la faculté d'accepter ou non, mais sans que celle-ci ait été tenue de s'informer par elle-même des conditions de ce projet, ni de demander spontanément à y participer, la cour d'appel a ajouté à la convention des parties une condition qui n'y figurait pas, en violation des articles 1134 et 1147 du Code civil; alors, de troisième part, qu'en affirmant que, s'il avait été proposé à la société Mirak de participer à la réalisation du projet litigieux, celle-ci n'aurait pu accepter, dans la mesure où elle
n'en aurait pas eu les moyens financiers, la cour d'appel, qui ne pouvait avoir aucune certitude sur ce point, l'hypothèse était expressément contestée par la société Mirak, a statué par des motifs purement hypothétiques, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; et alors, enfin, qu'en décidant que la faute commise par les cocontractants de la société Mirak n'avait causé à celle-ci aucun préjudice, alors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que cette faute l'a privée d'une chance de participer à la réalisation du projet litigieux, qui a été bénéficiaire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de provoquer les observations des parties, dès lors qu'elle vérifiait si les conditions du bien-fondé de la responsabilité invoquée étaient réunies, a, par des motifs non hypothétiques et sans méconnaître la loi du contrat, retenu que, si les cocontractants de la société Mirak avaient commis une faute en attendant le début de l'année 1988, après "la fixation du marché", pour proposer à cette société de s'associer au projet, tandis qu'ils avaient l'obligation de le faire dès la phase "de réflexion et d'études", avant toute certitude de réalisation, cette méconnaissance des dispositions contractuelles avait été sans conséquence pour la société Mirak dont le comportement, de 1986 à 1988 avait prouvé qu'elle n'avait ni la volonté, ni la surface suffisante pour financer les études préliminaires très onéreuses effectuées pour la réalisation du projet d'Aquaboulevard; que l'absence de préjudice consécutif à la faute relevée résultant de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;
PAR CES MOTIFS,
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mirak France aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique , et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre mil neuf cent quatre-vingt-seize.