AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'association hospitalière de la Vallée de l'Orne, dont le siège est ...,
en cassation d'un jugement rendu le 9 juillet 1993 par le conseil de prud'hommes de Thionville (section activités diverses), au profit de Mme Bernadette X..., demeurant ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 octobre 1996, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Monboisse, Finance, Texier, Chagny, conseillers, MM. Boinot, Richard de la Tour, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre;
Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les observations de Me Cossa, avocat de l'Association hospitalière de la Vallée de l'Orne, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que Mme X..., manipulatrice radio au service de l'Association hospitalière de la Vallée de l'Orne, soumise à la convention collective nationale des établissements hospitaliers et d'assistance privée à but non lucratif, ayant été en arrêt de travail pour maladie 5 jours en avril 1987, 9 jours en mai 1988, 20 jours en mars 1989, 19 jours en avril 1989, 7 jours en avril 1990, 4 jours en juin 1991, a demandé la condamnation de son employeur, par application de l'article 616 du Code civil local, à lui verser une somme représentant la perte de son salaire subie du fait de la retenue par l'employeur du délai conventionnel de carence de 3 jours dans le versement de sa garantie de salaire, outre une somme au titre d'un rappel de congés payés;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Thionville, 9 juillet 1993) d'avoir fait partiellement droit à la demande de la salariée relative au paiement d'une somme représentant la perte de salaire subie par l'intéressée lors d'absences pour cause de maladie, alors, selon le moyen, de première part, qu'il ressort des dispositions de l'article 616 du Code civil local que c'est au salarié intéressé qu'il appartient d'établir la réalité de l'empêchement ayant motivé son absence, ainsi que son caractère insurmontable; que, dès lors, en statuant comme il l'a fait, sans cependant rechercher, ni préciser, quels étaient les éléments de faits produits par Mme X..., de nature à démontrer que ces absences étaient effectivement justifiées par des motifs personnels sérieux et non fautifs, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des dispositions du texte susvisé; alors, de deuxième part, qu'en application des dispositions de l'article 616 du Code civil local, le juge saisi doit apprécier si, compte tenu des circonstances de chaque espèce, l'absence d'un salarié constitue un temps relativement sans importance pour lequel il conserve son droit à son entier salaire; qu'il est constant que Mme X... exerce la fonction de manipulatrice radio au sein d'un établissement hospitalier n'en comportant que deux autres, et dont les absences sont nécessairement de nature à perturber gravement l'organisation des soins prodigués aux malades; que, dès lors, en statuant de la sorte, sans cependant rechercher si ces circonstances particulières rapprochées d'un temps d'absence de 14 jours en une seule année, n'étaient pas susceptibles de donner aux absences litigieuses un caractère précisément important, les juges prud'homaux n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des dispositions du texte susvisé; alors, de troisième part, qu'en vertu des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, tout jugement doit être motivé à peine de nullité; qu'en se bornant à énoncer, pour se déterminer comme ils l'ont fait, que, compte tenu de l'importance de l'entreprise qui, "lors de la conclusion du contrat, s'attend et peut faire face au remplacement du salarié absent sans sa faute", sans toutefois faire état à cet égard d'éléments de fait circonstanciés permettant de justifier une telle affirmation, les juges du fond n'ont pas satisfait aux exigences du texte susvisé; que, du même coup, en omettant de préciser à quelle année correspondait l'absence de 78 heures ou 14 jours, qu'ils ont qualifiée de relativement non importante, et s'il s'agissait encore d'une absence unique ou d'absences répétées de courte durée, ces mêmes juges ont contrevenu aux dispositions de ce même texte; alors, de quatrième part, qu'aux termes des dispositions de l'article 616 du Code civil local, la rémunération revenant au salarié absent relativement sans importance doit être amputée, le cas échéant, des indemnités perçues par l'organisme de sécurité sociale; que, dès lors, en condamnant l'association hospitalière de la Vallée
de l'Orne à verser à ce titre à Mme X... la somme de 4 230,50 francs, sans cependant rechercher, ni préciser, s'il avait été tenu compte dans le calcul de cette même somme des indemnités éventuellement versées par la sécurité sociale à l'intéressée, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé;
Mais attendu, d'abord, que le conseil de prud'hommes ayant exactement considéré que le temps "relativement sans importance" de l'absence devait être apprécié de façon concrète, notamment au regard de l'ancienneté et de l'importance de l'entreprise et fait ressortir que la salariée avait régulièrement justifié de ses arrêts de travail pour maladie, a, sans encourir les griefs des trois premières branches du moyen, estimé que les absences de l'intéressée d'une durée n'excédant pas 14 jours par an, entraient dans les prévisions de l'article 616 du Code civil local;
Attendu, ensuite, qu'il ne résulte ni du jugement ni des pièces versées aux débats que l'employeur ait prétendu que les sommes réclamées par la salariée ne prenaient pas en compte les sommes éventuellement perçues au titre de la sécurité sociale;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa quatrième branche, comme nouveau et mélangé de fait et de droit, est non fondé en ses autres branches;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief au jugement de l'avoir condamné à payer à la salariée une somme au titre d'indemnité de congés payés, alors, selon le moyen, qu'en statuant, sans répondre au chef des écritures de l'association précisant que la prétention formulée à cet égard par la salariée était injustifiée, celle-ci ayant perçu, depuis 1987, ainsi que l'établissait un décompte comparatif, des indemnités de congés payés supérieures à celles correspondant au 1/10e de sa rémunération totale au cours de la période de référence, le conseil de prud'hommes n'a pas satisfait aux exigences des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu que le conseil de prud'hommes a relevé, pour faire droit à la demande de la salariée, répondant par là même aux conclusions prétendument délaissées, que les calculs présentés par l'employeur, dont il n'était pas formellement contesté qu'ils ne prenaient pas en compte les dimanches, jours fériés et les nuits travaillées, étaient erronés;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Association hospitalière de la Vallée de l'Orne aux dépens;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'Association hospitalière de la Vallée de l'Orne à payer à Mme X... la somme de 2 500 francs;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre mil neuf cent quatre-vingt-seize.