AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Lux Touraine, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 juin 1993 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), au profit de M. Jean-Claude X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 octobre 1996, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Monboisse, Finance, Texier, Chagny, conseillers, Mme Bourgeot, M. Richard de la Tour, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... a été engagé à compter du 1er janvier 1985 en qualité de représentant exclusif et à plein temps par la société Electrolux à laquelle a succédé la société Direct Ménager Poitiers aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Lux Touraine, suivant contrat du 17 décembre 1984 selon lequel il s'engageait à établir des rapports d'activité et à respecter les quotas de production; qu'ayant été licencié par lettre du 10 février 1992, il a saisi la juridiction prud'homale pour demander le paiement de diverses sommes;
Attendu que la société Lux Touraine fait grief à l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 juin 1993) de l'avoir condamnée à payer à M. X... une somme à titre de rappels de salaire alors, selon le moyen, que, d'une part, M. X... s'étant contractuellement engagé à établir régulièrement des rapports d'activité, il ne pouvait prétendre au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par la convention collective que s'il rendait effectivement compte de son activité, conformément aux dispositions de l'article 2 de la convention collective; qu'ainsi, en reconnaissant cependant au représentant le bénéfice de la ressource minimale forfaitaire tout en constatant qu'il se refusait à établir les rapports d'activité, la cour d'appel a méconnu les articles 2 et 5 de la convention collective applicable ainsi que l'article 1134 du Code civil; alors que, d'autre part, la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'un acte dépourvu de toute ambiguïté ;
qu'en déduisant du simple silence de la société Direct Ménager Poitiers la renonciation à se prévaloir de l'absence d'établissement de rapports d'activité par le représentant, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil; alors que, de troisième part, de surcroît, la société Direct Ménager faisait valoir dans ses écritures d'appel que durant la période concernée par cette demande de rappel de salaire, d'autres représentants ayant une ancienneté comparable à celle de M. X... et travaillant dans le même secteur, réalisaient d'excellents résultats, leurs chiffres de vente dépassant largement le seuil fixé par la convention collective; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen essentiel, puisque de nature à établir que le représentant s'était lui-même exclu du bénéfice des dispositions de la convention collective en n'ayant qu'une activité réduite, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
alors que, de quatrième part, la ressource minimale forfaitaire conventionnelle garantie n'est due qu'en cas de travail effectif du salarié, et ne peut donc être versée à ce dernier durant les périodes d'arrêt maladie, la rémunération forfaitaire ne pouvant se cumuler avec les prestations journalières sociales; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 5 de la convention collective précitée, 1134 du Code civil, L. 321-1 et L. 323-4 du Code de la sécurité sociale; et alors qu'enfin, l'article 5 de la convention collective, qui a pour objet de déterminer les modalités de calcul de la ressource minimale forfaitaire, ne saurait déroger aux principes concernant la rémunération des congés payés posés
par les articles L. 223-2 et suivants du Code du travail, et notamment au fait que l'indemnité de congés payés est déterminée en son quantum en tenant compte du travail effectif du salarié; qu'ainsi, en édictant que la rémunération forfaitaire minimale était due en tout état de cause et qu'elle déterminait le montant de l'indemnité due au titre des congés payés, la cour d'appel a méconnu les dispositions des textes susvisés;
Mais attendu, d'abord, que la seule circonstance que le représentant ne remplisse pas l'obligation d'établir des rapports d'activité ne saurait le priver de la rémunération conventionnelle;
Attendu ensuite que l'arrêt ayant constaté que le chiffre d'affaires de l'intéressé n'avait pas baissé de 1989 à 1990 dans des proportions pouvant permettre d'envisager qu'il y ait eu activité à temps partiel et que, si la diminution était importante en 1991, la société, par courrier, s'était dite prête à régler le minimum conventionnel s'il envoyait des rapports et qu'il n'en avait envoyé aucun, la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions;
Attendu, en outre, qu'en affirmant que la rémunération minimale conventionnelle garantie devait être prise en compte pour le calcul des indemnités journalières, la cour d'appel n'a violé aucune des dispositions invoquées;
Et attendu, enfin, que, le représentant ayant droit, en application de l'article R. 751-1 du Code du travail, à une indemnité de congés payés calculée en fonction de sa rémunération moyenne antérieure, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que la rémunération minimale conventionnelle garantie devait être prise en compte pour le calcul de l'indemnité de congés payés;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lux Touraine aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale , et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre mil neuf cent quatre-vingt-seize.