AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Nicole Z..., épouse X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 11 octobre 1993 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre), au profit :
1°/ du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 11, place des Carmes à Toulouse, dont le siège est ..., représenté par son syndic, M. Y..., cabinet OGAPS, ...,
2°/ de M. Y..., cabinet OGAPS, demeurant ...,
3°/ de Mme Christiane B..., demeurant ...,
4°/ de M. A..., ès qualités de mandataire-liquidateur de la SARL Rôtisserie des Carmes, demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, en l'audience publique du 16 octobre 1996, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Cobert, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Villien, Cachelot, Martin, Guerrini, conseillers, M. Nivôse, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre;
Sur le rapport de Mme Cobert, conseiller, les observations de Me Cossa, avocat de Mme X..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 11 octobre 1993) de la débouter de sa demande en annulation de la décision du 29 février 1988 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble 11, place des Carmes ayant autorisé, sous diverses réserves l'installation de la cuisine d'un restaurant initialement située au rez-de-chaussée dans un autre lot situé à l'entresol, alors, selon le moyen, "1°/ qu'en l'état des stipulations dépourvues de toute ambiguïté du règlement de copropriété selon lesquelles les appartements de l'immeuble ne pourront être occupés que bourgeoisement ou pour l'exercice d'une profession libérale, à l'exclusion expresse de toute "activité commerciale ou industrielle, même artisanale, de manière quelconque", et seuls les deux lots du rez-de-chaussée (auxquels un renvoi dudit règlement a ajouté une salle située à l'entresol) ont une destination commerciale, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et l'article 8 de la loi du 10 juillet 1965 en affirmant que la transformation de l'appartement constitué par le lot n° 4 en un local commercial était autorisée et ne changeait pas la destination de l'immeuble; 2°/ que, à tout le moins, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever que l'immeuble était déjà à destination mixte comme comportant des locaux à usage commercial et des locaux d'habitation, sans rechercher quelle répartition stipulait à cet égard le règlement de copropriété et s'il n'en résultait pas que ne pouvaient être à usage commercial que les lots qu'il avait limitativement définis comme tels ;
que, faute d'avoir procédé à cette recherche, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et 8 de la loi du 10 juillet 1965; 3°/ que, selon l'article 9, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire ne peut disposer des parties privatives comprises dans son lot qu'à la double condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble, de telle sorte qu'il importerait peu que la transformation d'un appartement en cuisine de restaurant ne modifie pas les droits des copropriétaires de jouir paisiblement de leur lot, dès lors que cette transformation porte atteinte à la destination de l'immeuble; qu'ainsi, en se fondant de façon inopérante sur une prétendue absence d'atteinte à la jouissance paisible des copropriétaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965; 4°/ qu'en procédant par voie de pure affirmation pour énoncer que le transfert de la cuisine du restaurant située jusqu'alors au rez-de-chaussée de l'immeuble dans un appartement situé en étage n'engendrera pas plus de nuisances que par le passé, sans dire pourquoi il en serait ainsi, la cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard de l'article 9, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965; 5°/ qu'ayant expressément relevé qu'elle ne disposait pas des éléments pour se prononcer sur les nuisances provoquées par la transformation de l'appartement en cuisine du restaurant, cette
question dont elle n'était pas saisie devant être examinée par les premiers juges au vu de l'expertise ordonnée par eux, la cour d'appel a, une fois encore, privé sa décision de base légale au regard de l'article 9, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965 en se prononçant ensuite sur cette question; 6°/ que, quelles que fussent les nuisances supplémentaires que la transformation de l'appartement en cuisine du restaurant était susceptible d'apporter à Mme X..., celle-ci était en droit de poursuivre l'annulation de la délibération de l'assemblée générale des copropriétaires dès lors qu'elle contrevenait directement au règlement de copropriété; qu'en la déboutant de sa demande au motif inopérant que le syndic serait tenu de faire sanctionner tous nouveaux abus qui occasionneraient des troubles de jouissance aux copropriétaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard tant de l'article 1143 du Code civil que des articles 8 et 9, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965; 7°/ que, enfin, chaque copropriétaire tenant de l'article 15, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 un droit propre à exercer les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte en déboutant Mme X... de sa demande en annulation de la délibération de l'assemblée générale des copropriétaires autorisant le changement litigieux d'affectation d'un lot d'habitation, au motif inopérant qu'au cas où il en résulterait un trouble pour les copropriétaires, il appartiendrait au syndic d'agir";
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, d'une part, que la transformation d'un local d'habitation en un local commercial, dans un immeuble à usage mixte, avait été approuvée par l'assemblée générale, que le logement d'habitation était transformé en local technique de cuisine dépendant d'un autre lot à usage commercial de restaurant, d'autre part, que l'installation d'une cuisine à l'entresol n'engendrerait pas de nuisances supérieures à celles déjà existantes et que les droits des copropriétaires ne seraient pas atteints, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision de ce chef en constatant que les travaux ne changeaient pas la destination de l'immeuble et que le syndic serait tenu de faire sanctionner tous nouveaux abus occasionnant des troubles de jouissance aux copropriétaires;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel a justement retenu que Mme X..., copropriétaire dans l'immeuble, était sans lien contractuel avec le syndic et devait établir que la faute qu'elle lui reprochait était délictuelle et en relation causale avec les désordres survenus dans son appartement;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z..., épouse X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre mil neuf cent quatre-vingt-seize.