Joint les pourvois nos 94-10.596, 94-10.597, 94-11.694, 94-11.695, 94-11.696 qui attaquent la même ordonnance ;
Attendu que, par ordonnance du 7 octobre 1993 le président du tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de cinq sociétés pétrolières fabricantes de bitume en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches du pourvoi n° 94-11.696 et sur le deuxième moyen du pourvoi n° 94-11.694, réunis :
Attendu que les sociétés Esso et Shell font grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la demande d'enquête susvisée porte que " le ministre de l'Economie demande au directeur de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes (...) de prescrire, au besoin en utilisant les pouvoirs prévus à l'article 48 de l'ordonnance n° 86-12.43 du 1er décembre 1986, toutes les investigations de nature à apporter la preuve des infractions aux articles 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance, ce dont il ressort que, contrairement aux termes de l'article 48 qui a pour objet de subordonner les visites domiciliaires à une décision spéciale des hautes autorités que constituent soit le Conseil de la Concurrence, soit le ministre, l'acte administratif susvisé subdélègue à la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, le soin d'apprécier en opportunité l'utilité des perquisitions sur tout le territoire français, à l'égard de l'ensemble des grandes sociétés pétrolières dans leurs relations avec l'ensemble des collectivités locales et des directions départementales de l'Equipement ; qu'en statuant à la vue d'une telle demande d'enquête dans laquelle le ministre se décharge de l'exercice de ses responsabilités propres sur un de ses services, le juge-délégué a violé le texte susvisé ; qu'il en est d'autant plus ainsi que la même demande d'enquête précise que le chef de la DNEC " pourra en tant que de besoin saisir le président du tribunal de grande instance compétent " pour obtenir l'autorisation de visite prévue à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, que d'autre part, seul le ministre a qualité pour agir en justice et qu'il ressort des termes de l'ordonnance rendue que le juge a été en l'occurrence saisi par M. A..., chef de service régional et chef de la DNEC, agissant en son nom propre ; qu'en faisant droit à une telle enquête, l'ordonnance attaquée a violé les articles 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 117 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il en est d'autant plus ainsi que la demande d'enquête désignant M. A... ou tout autre fonctionnaire pour agir en justice et obtenir l'autorisation litigieuse, ne leur donne pas pouvoir de représenter le ministre, mais les invite à agir en leur nom personnel, ce qui caractérise une complète latitude attribuée à ce fonctionnaire ; que de troisième part et subsidiairement, qu'à supposer que la demande d'enquête du 24 septembre 1993 ait eu pour objet d'organiser la représentation du ministre en justice en la confiant à M. A..., elle caractériserait une subdélégation illégale, à défaut d'arrêté nominatif pris par le ministre au profit de M. A... ; de sorte qu'en statuant comme il a fait le juge-délégué a violé ensemble l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et les décrets n° 47-233 du 23 janvier 1947 et n° 87-390 du 15 juin 1987 ; qu'en tout état de cause les mesures qui interviennent sur requête lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement, doivent être sollicitées par un avocat ou un officier ministériel légalement habilité, de sorte qu'en faisant droit à la demande d'autorisation présentée par
M. A... le juge a violé les articles 812 et 813 du nouveau Code de procédure civile et alors, enfin que, dans le cas où le juge est saisi par requête pour qu'il rende une ordonnance dans des circonstances qui exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement, la requête doit être présentée par un avocat postulant ou par un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité, que la requête dont a été saisi le président du tribunal de grande instance de Nanterre, n'ayant été présentée ni par un avocat postulant, ni par un officier public ou ministériel habilité, le juge aurait dû déclarer irrecevable la requête sur laquelle M. A... lui demandait de statuer ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'ordonnance que la demande d'enquête du ministre chargé de l'Economie ait été limitée à la mise en oeuvre de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, mais qu'elle prescrit une enquête en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles prohibées par les articles 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance précitée sur un marché déterminé, à savoir celui de la fourniture du bitume aux collectivités locales ou aux directions départementales de l'équipement ; qu'ainsi elle répond aux prescriptions de l'article 47 de l'ordonnance précitée ;
Attendu, en second lieu, que cette demande d'enquête n'implique pas que le ministre ait abandonné au délégataire ou au mandataire l'ensemble de ses pouvoirs ;
Attendu, en troisième lieu, que les dispositions de l'article 813 du nouveau Code de procédure civile, relatives à la présentation des requêtes par ministère d'avocat ou d'un officier public ou ministériel, ne sont pas applicables aux ordonnances de l'article 48 du 1er décembre 1986 ;
Que les moyens ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 94-10.596 et sur le deuxième moyen du pourvoi n° 94-10.597, pris en leurs deux branches, réunis :
Attendu que les sociétés Total raffinage distribution et Z... Antar font aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses alors, selon les pourvois premièrement qu'il est de principe que le juge ne peut se fonder que sur les documents détenus par l'Administration de manière apparemment licite ; qu'il s'ensuit que les documents communiqués tels que visés ne répondent pas aux exigences légales, l'ordonnance ne justifiant pas de l'origine légale desdites pièces, dûment constatée dans un procès-verbal les inventoriant, d'où il suit qu'elle est privée de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que l'incertitude sur l'origine d'un document entache la procédure d'irrégularité ; que, faute de préciser la date et la nature de l'enquête à laquelle il a été procédé, l'ordonnance attaquée est entachée d'un manque de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors deuxièmement que le juge statuant en vertu de l'article 48 de l'ordonnance précitée, ne peut se déterminer qu'au vu de documents détenus par l'Administration de manière apparemment licite ; que ne répondent pas d'une part à cette exigence des documents qui, communiqués à l'occasion de la convocation des fonctionnaires de la Direction générale de la Concurrence à la commission d'ouverture des plis, n'ont fait l'objet d'aucun inventaire permettant leur utilisation dans le cadre d'une enquête de concurrence ; qu'ainsi à l'égard de ces pièces, non inventoriées, dont le juge n'a pu vérifier la détention licite par l'Administration dans le cadre de l'enquête litigieuse, l'ordonnance attaquée est dépourvue de toute base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que ne répondent pas d'autre part à cette exigence, " des documents transmis sous bordereau... en application de l'article 51 " de ladite ordonnance, sans qu'il soit fait référence à aucun procès-verbal précisant la nature et l'objet de l'enquête ayant permis leur communication à l'Administration ; que le juge n'ayant pu ainsi justifier de l'apparente licéité de ces documents, non inventoriés, l'ordonnance entreprise est dépourvue de toute base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu qu'un fonctionnaire de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes est membre en cette qualité de la commission d'ouverture des plis d'appels d'offres ; qu'aucune publicité n'est certes prévue concernant les documents relatifs à ces appels d'offres ; qu'en revanche, aucune disposition particulière au fonctionnement de cette commission, n'impose au fonctionnaire y siégeant ès qualités, un devoir de confidentialité à l'égard de son Administration ; qu'il résulte de l'ordonnance que les pièces annexées à la requête litigieuse ne provenaient pas d'une procédure relative à une enquête autre que celle dont il est fait état dans la présente procédure et que dès lors le juge n'a pas méconnu les exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, en retenant que les documents étaient détenus de manière apparemment licite par l'Administration demanderesse ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le cinquième moyen du pourvoi n° 94-10.596, sur le quatrième moyen du pourvoi n° 94-10.597, sur la première branche du moyen unique du pourvoi n° 94-11.695, réunis :
Attendu que les sociétés Total raffinage distribution, Z... Antar France, et Y... France font encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses alors, selon les pourvois, qu'en vertu de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, les ingérences domiciliaires ne peuvent être légalement autorisées, que si elles s'accompagnent de garanties efficaces et adéquates, que la vérification concrète par le juge des éléments soumis à son appréciation par l'autorité publique pour autoriser de telles visites, interdit la pratique d'ordonnances qui se bornent à reprendre mot à mot la requête présentée par l'autorité publique à peine de violer le texte susvisé, qu'en l'espèce l'ordonnance attaquée, étant la reproduction fidèle de la demande présentée par M. A..., a été prise en violation de l'article 8 de la Convention précitée et 48, alinéa 2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et alors que le juge doit vérifier scrupuleusement, en analysant les éléments qui lui sont fournis par l'Administration demanderesse, que la demande d'autorisation est effectivement fondée ; que l'ordonnance attaquée n'est que la reproduction pure et simple de la demande de M. A... au pied de laquelle le juge s'est borné à affirmer que la requête de celui-ci lui apparait fondée ; ce faisant, l'ordonnance a violé les dispositions de l'article 48, alinéa 2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et alors enfin, que le juge doit vérifier de manière concrète, en analysant personnellement les éléments d'information qui lui sont fournis par l'Administration, que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; que l'ordonnance attaquée n'est que la reproduction littérale et servile de la requête de l'Administration, conçue en forme de projet d'ordonnance et au bas de laquelle le juge s'est borné à apposer sa signature en violation de l'article 48, alinéa 2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendu en application de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, sont réputés être établis par le juge qui l'a rendue et signée ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 94-10.596, le troisième moyen du pourvoi n° 94-10.597 et le quatrième moyen du pourvoi n° 94-11.696, pris en ses quatre branches, réunis :
Attendu que les sociétés Total raffinage distribution, Z... Antar et Esso font de plus grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon les pourvois que, le juge ne peut se déterminer qu'au vu des documents détenus par l'Administration soumis à son examen, qu'il doit analyser de manière concrète ; qu'il résulte des visas de l'ordonnance entreprise que le juge n'a pas eu communication du barème des prix de vente des bitumes de la société Y..., qu'il s'ensuit que l'ordonnance attaquée a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que de plus le président du tribunal de grande instance, saisi d'une demande d'autorisation de perquisition et saisies sur le fondement de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, doit s'assurer que les personnes visées par la requête peuvent être présumées les auteurs de pratiques anticoncurrentielles ; qu'en l'espèce l'ordonnance ne relève aucun fait précis à l'encontre d'Z... France justifiant les visites et saisies ordonnées ; qu'à propos du marché du Cantal, après avoir rappelé que les offres de prix sont présentées, par chaque fournisseur potentiel sous la forme d'un rabais applicable sur son barème, l'ordonnance constate que le rabais consenti par Z..., soit 13 % est totalement différent du rabais consenti par ses concurrents ; qu'elle constate qu'Z..., à la différence des autres compagnies, est dans une situation particulière comme ne possédant pas de raffinerie marseillaise, ce qui justifie une clause de variation de prix, en fonction du lieu de livraison, peu important que Shell, non attributaire du marché en cause, ait recours très logiquement à une clause de même type ; qu'en ce qui concerne le marché du Vaucluse, source d'une prétendue entente entre Esso et Total, aucun fait, aucun élément, aucune donnée ne sont avancés à l'encontre d'Z... France, exception faite d'une offre totalement différente de celle des autres entreprises, ce qui exclut pratiquement toute entente ; qu'Z... n'est visée ni au niveau des prix, " région marseillaise " ou " région lyonnaise " la référence aux barèmes de base étant pour cette dernière région sans incidence puisque les offres de prix sont fonction selon l'ordonnance du rabais applicable sur barème ni au niveau du " partage des marchés " ; que par voie de conséquence, les présomptions évoquées s'avèrent inexistantes, ce qui prive l'ordonnance de tout fondement en violation des articles 1315 et s. du Code civil et de l'article 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; qu'au surplus en autorisant des perquisitions sur ce point, le juge-délégué sort manifestement du champ de la demande d'enquête relative à des pratiques anticoncurrentielles dans la fourniture de bitume aux collectivités locales ou aux directions départementales de l'équipement, violant par là même l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'encore davantage il incombe à tout opérateur de déterminer librement ses prix en fonction de ses propres critères de gestion, sans que l'article 300 susvisé puisse le contraindre à effectuer des prestations dans des conditions qu'il estime anormales au regard de ses propres impératifs de gestion ; qu'en statuant ainsi qu'il a fait le juge-délégué a violé l'article 1er de l'ordonnance de
1986 et l'article 1134 du Code civil ; qu'au surplus le juge-délégué qui vise par ailleurs le document établi par M. X... d'où il ressort que pour une évaluation administrative initiale de 2 585 480 francs, Esso et Total avaient soumissionné ex-aequo pour 1 897 600 francs soit un chiffre inférieur de 26 %, ne pouvait ensuite se déterminer par une prétendue faiblesse des rabais ultérieurs sans rechercher quel était le seuil de la rentabilité pour la commercialisation de tels produits ; qu'en statuant comme il a fait le juge a privé son ordonnance de base légale au regard de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, de plus, faute d'avoir indiqué les conditions dans lesquelles les entreprises de travaux publics Lefebvre et Les Liants du Sud-Ouest, qui constituent une catégorie d'opérateurs particuliers, s'intéressaient à la revente du bitume dans le cadre des contrats de longue durée proposés par l'Administration et pouvaient faire référence à leur propre barème tout en ayant la qualité de simple intermédiaire, le juge a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors qu'enfin l'ordonnance qui constate elle-même que l'entreprise Lefebvre a été éliminée du marché du Cantal (ord. p. 7) pour une simple question de coût kilométrique du transport et que " les clauses litigieuses ont pour but de mettre certains bitumes de qualité courante à la disposition des clients à partir de la raffinerie économiquement la mieux placée " (cf. ord. p. 8), méconnaît les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance qui ne prohibe que les accords ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence ;
Mais attendu que les moyens tendent à contester la valeur des éléments retenus par le juge comme moyen de preuve du bien fondé des agissements ; que de tels moyens sont inopérants pour critiquer l'ordonnance dans laquelle le juge a recherché, par l'appréciation des éléments fournis par l'Administration, s'il existe des présomptions d'agissements visés par la loi, justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite en des lieux même privés et d'une saisie de documents s'y rapportant ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi n° 94-10.596, le deuxième moyen du pourvoi n° 94-10.597, le premier moyen du pourvoi n° 94-11.694 pris en ses deux branches, sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi n° 94-11.695, sur le troisième moyen du pourvoi n° 94-11.696, réunis :
Attendu que les sociétés Total raffinage distribution, Z... Antar France, Shell, Y... France et Esso font de plus grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon les pourvois, que toute autorisation à caractère général et indéterminé est prohibée, seules les pièces et documents en rapport avec le ou les marchés, sur lesquels le juge a retenu des présomptions d'agissements prohibés par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, peuvent faire l'objet de saisies et de visites, prévues par l'article 48 du même texte ; que le juge délégué par le président du tribunal de grande instance de Nanterre, qui avait retenu des présomptions de tels agissements, lors de la soumission des marchés de Vaucluse et du Cantal, ne pouvait légalement autoriser les agents de la Direction générale de la Concurrence à procéder à des visites et à la saisie de tous les documents d'une manière générale, sans préciser qu'elles étaient limitées aux marchés du Cantal et de Vaucluse, qu'ainsi l'ordonnance attaquée est prise en violation de l'article 48 de l'ordonnance susvisée ; que les mesures ordonnées en application de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, doivent être strictement limitées à la recherche de la preuve des agissements sur lesquels l'Administration a fourni des présomptions ; qu'ayant en l'espèce retenu des présomptions circonscrites à deux marchés de bitume, celui passé par le conseil général de Vaucluse et celui passé par la direction départementale de l'Equipement du Cantal, le juge n'a pu, sans violer l'article 48 susvisé, autoriser des visites et saisies ayant un objet général et indéterminé ; que, de plus, d'une part, en autorisant des visites et des saisies ayant un objet général, puisque visant des pratiques indéterminées entrant dans le champ de celles visées par les points 2 ou 4 de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, bien que l'ordonnance retienne des présomptions circonscrites à certains agissements, concernant les seuls marchés passés par la DDE du Cantal et le conseil général de Vaucluse, le président du tribunal, ne mettant pas en mesure le juge de cassation d'exercer son contrôle sur l'étendue de l'autorisation, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, alors que d'autre part, en autorisant des visites et saisies au delà des pratiques incriminées par la requête, l'ordonnance non contradictoire du juge a violé les droits de la défense des entreprises intéressées par son ordonnance ; qu'au surplus les enquêteurs ne peuvent procéder à la saisie de documents que dans le cadre d'enquêtes demandées par le ministre chargé de l'Economie et sur autorisation judiciaire ; qu'ainsi le juge ne peut autoriser que la saisie des seuls documents utiles à la recherche de la preuve des faits qui font l'objet de la demande d'enquête ; qu'en l'espèce la demande d'enquête était " relative à des pratiques anticoncurrentielles dans la fourniture de bitume aux collectivités locales ou aux directions départementales de l'équipement " ; que, dès lors, le juge ne pouvait autoriser " la saisie de tous documents nécessaires à la recherche de pratiques entrant dans le champ de celles prohibées par les points 2 ou 4 de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " sans violer
l'article 48, alinéa 1er, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'enfin toute autorisation à caractère général et indéterminé est prohibée, seuls les pièces et documents en rapport avec le ou les marchés, sur lesquels le juge a retenu des présomptions d'agissements anticoncurrentiels pouvant faire l'objet des saisies et des visites, prévues par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; dès lors le juge-délégué du tribunal de grande instance de Nanterre, qui avait retenu des présomptions de tels agissements, seulement à propos des marchés publics de Vaucluse et du Cantal, ne pouvait autoriser les agents de la Direction générale de la Concurrence à procéder à des visites et à des saisies, sans préciser qu'elles étaient limitées aux marchés du Cantal et du Vaucluse et sans violer la disposition susvisée ;
Mais attendu qu'il résulte de l'ordonnance que le président du Tribunal a autorisé les visites de sept lieux distincts relevant de cinq sociétés pétrolières, suspectées d'une entente économique déterminée sur le marché de fourniture de bitume lors de la soumission aux appels d'offres du conseil général du Vaucluse et lors de la passation du marché par la direction départementale de l'Equipement du Cantal, en 1992, à seule fin de rechercher la preuve de leur concertation faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse et en cherchant à se répartir ce marché ou ces sources d'approvisionnement ; qu'ainsi le dispositif critiqué n'a pas pour effet d'étendre l'autorisation au-delà des deux marchés publics visés par l'ordonnance ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les troisièmes moyens des pourvois n° 94-10.596 et 94-11.694, sur le deuxième moyen du pourvoi n° 94-11.696 pris en ses deux branches, réunis :
Attendu que les sociétés Total raffinage distribution, Shell et Esso font au surplus grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors selon les pourvois, d'une part, que si le président du tribunal de grande instance peut laisser au chef de service, qui a sollicité l'autorisation au titre de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le soin de désigner les agents chargés d'effectuer les visites, c'est à la condition que les agents désignés soient placés sous son autorité et que lui-même soit compétent territorialement ; qu'en l'absence de toute vérification opérée sur ce point par le juge qui autorisait cependant des visites et saisies dans des ressorts territoriaux différents, sa décision a été privée de base légale au regard des articles 45, 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 4 du décret n° 85-1152 du 5 novembre 1985 ; alors, d'autre part, que seuls les fonctionnaires de la liste A étant habilités à agir au titre de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le juge, à défaut de désigner nominativement les fonctionnaires habilités à effectuer les visites et saisies autorisées, doit préciser que les agents enquêteurs qui seront désignés devront être inscrits sur la liste A et que l'ordonnance n'a pu laisser le libre choix des fonctionnaires à désigner par M. A..., sans préciser qu'ils devront être inscrits sur la liste A qu'en violation des articles 43 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'arrêté du 22 janvier 1993 ; alors, en outre, qu'en ne vérifiant pas si M. A... était expressément et nominativement habilité à procéder lui-même aux enquêtes nécessaires à l'application de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le juge-délégué, qui lui délivre personnellement cette autorisation dans le dispositif, viole l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, enfin, que si le juge-délégué peut laisser à un chef de service le soin de désigner les agents chargés d'effectuer les visites, c'est à la condition que les agents désignés soient réglementairement placés sous son autorité et que lui-même soit territorialement compétent ; que, dès lors, prive sa décision de base légale au regard des articles 45, 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 4 du décret n° 85-1182 du 5 novembre 1985 le juge qui autorise des visites et saisies dans des ressorts territoriaux différents sans procéder à aucune vérification de la compétence territoriale du fonctionnaire chargé de désigner les exécutants ;
Mais attendu qu'il n'est pas interdit au président du tribunal de laisser au chef de service qui a sollicité et obtenu l'autorisation exigée par la loi le soin de désigner les agents chargés d'effectuer les visite et saisie autorisées, dès lors que ces agents sont dûment habilités en qualité d'enquêteurs et qu'ils sont placés sous son autorité ; que le point de savoir si les agents qui ont exécuté les opérations étaient nominativement et régulièrement habilités relève de la contestation de la régularité des opérations ; que le juge n'est pas obligé à peine d'irrégularité de son ordonnance de rappeler les prescriptions de l'arrêté du 22 janvier 1993 ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi n° 94-11.694 pris en ses deux branches :
Attendu que la société Shell fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que nul jugement, nul acte ne peuvent être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire ; que l'ordonnance attaquée ne comportant pas de formule exécutoire son exécution était entachée de nullité ; qu'en ordonnant les visites et saisies litigieuses sans apposer sur sa décision la formule exécutoire, le président du Tribunal a violé l'article 502 du nouveau Code de procédure civile, et alors, d'autre part, que l'ordonnance attaquée ne pouvant être exécutée dès l'instant où elle ne se trouvait pas revêtue de la formule exécutoire, elle se trouvait caduque à la date du 30 octobre 1993 et, du fait de cette caducité, l'ordonnance devra être cassée en raison de la contradiction interne qu'elle comporte ;
Mais attendu que l'apposition de la formule exécutoire sur les ordonnances autorisant une visite et saisie domiciliaire n'est pas exigée par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.