Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les sociétés d'exploitation des Marbreries Lescarcelle et de Memoris, qui ont pour objet social des activités commerciales funéraires, ayant constaté que la municipalité de Gonesse (Val-d'Oise) avait créé, en 1969, une chambre funéraire sous la forme d'un service municipal dont la gestion avait été concédée à la société des Pompes funèbres générales (PFG), ont estimé que cette concession permettait à cette entreprise de détourner à son profit les demandes de prestations funéraires émanant des habitants de la commune de Gonesse et des communes avoisinantes, et l'ont assignée devant le tribunal de commerce afin de faire constater l'existence de ces pratiques illicites constitutives de concurrence déloyale à leur égard et en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal : (sans intérêt) ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article 56 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ensemble l'article 11 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société PFG tendant à écarter des débats des extraits du rapport d'enquête de la Direction nationale des enquêtes de la concurrence, ce rapport n'ayant pas été communiqué en totalité avec ses annexes, la cour d'appel énonce qu'il ne lui appartient pas de faire application des pouvoirs spécifiques réservés par l'article 23 de l'ordonnance au président du Conseil de la concurrence ou de mettre en oeuvre la procédure, en vigueur devant le Conseil, de notification du rapport avec les documents qui l'accompagnent lorsque le ministre de l'Economie intervient volontairement, comme en l'espèce, devant la juridiction, et que le rapport qu'il verse aux débats a simple valeur de renseignements ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le juge peut, à la requête d'une des parties, ordonner la production de tous documents détenus par des tiers, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, la cour d'appel, en méconnaissant ses pouvoirs lui permettant de demander au Conseil de la concurrence le rapport intégral d'enquête de la Direction nationale des enquêtes accompagné de ses annexes, qui ne lui avait été communiqué que partiellement par le ministre de l'Economie, a violé les textes susvisés ;
Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer la société PFG coupable de pratiques constitutives de concurrence déloyale, la cour d'appel, tout en déclarant que le rapport versé aux débats par le ministre de l'Economie " a simple valeur de renseignements ", retient dans ce rapport les éléments recueillis au cours de l'enquête administrative tendant à démontrer l'existence des pratiques prohibées imputées à cette entreprise ;
Attendu qu'en se déterminant en considération d'un rapport incomplet et dépourvu des pièces sur lesquelles il se fonde, et en ne donnant pas ainsi la possibilité à la société PFG de discuter contradictoirement l'intégralité de ces documents, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, ainsi que sur le moyen unique du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 octobre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.