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01/10/1996 | FRANCE | N°94-83981

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 octobre 1996, 94-83981


ACTION PUBLIQUE ETEINTE ET REJET du pourvoi formé par :
- X..., Y..., Z..., A...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 21 juillet 1994, qui, pour diffamation publique envers un ministre, les a condamnés chacun à 50 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
1o Sur l'action publique :
Attendu que, selon l'article 2, alinéa 2, 5, de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés, lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

qu'ainsi l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard du prévenu dès la...

ACTION PUBLIQUE ETEINTE ET REJET du pourvoi formé par :
- X..., Y..., Z..., A...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 21 juillet 1994, qui, pour diffamation publique envers un ministre, les a condamnés chacun à 50 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
1o Sur l'action publique :
Attendu que, selon l'article 2, alinéa 2, 5, de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés, lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; qu'ainsi l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard du prévenu dès la publication de ce texte ;
Attendu cependant que, selon l'article 21 de la loi d'amnistie précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
2o Sur l'action civile :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 23, 29, 30, 31, 42, 48, 50, 65 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué déclare les demandeurs coupables de diffamation et les condamne envers la partie civile ;
" aux motifs que l'imputation contenue dans le tract diffusé la veille du scrutin porte une grave atteinte à l'honneur et à la considération de B... et caractérise la diffamation visée à la prévention ; que la légitimité du but poursuivi et l'absence d'animosité invoquées par les prévenus ne suffiraient, à les supposer établies, à les faire bénéficier de l'exception de bonne foi ; qu'en effet les propos contenus dans le tract démontrent à eux seuls leur absence de prudence et de mesure ;
" alors, d'une part, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le tract litigieux a été diffusé dans le cadre d'une campagne électorale ; que, par suite, l'absence de prudence et de mesure imputée aux prévenus devait s'apprécier dans le contexte politique où s'est instauré un débat public et où le droit à la liberté d'expression s'exerce dans des limites autorisant une critique exempte de la même "prudence" et de la même "mesure" qui peuvent s'imposer en d'autres circonstances ;
" alors, d'autre part, que le tract litigieux reprochait au candidat, ancien ministre de la Santé, une "tentative de mise en place d'une maîtrise économique des dépenses de santé" se traduisant par un "rationnement des soins" et ajoutait que la rançon d'un tel rationnement "fut l'horrible drame de la transfusion sanguine" ; que l'appartenance incontestée du candidat au parti politique au gouvernement lorsque s'est produit ledit "drame de la transfusion sanguine" autorisait les auteurs du tract, en tout cas dans le cadre d'une campagne électorale, à lui reprocher la politique de restriction des dépenses de santé qui serait à l'origine de ce drame et à faire état de ce dernier pour illustrer les conséquences extrêmes d'une telle politique " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que X..., Y..., Z... et A... ont été poursuivis, sur plainte de B..., pour diffamation publique envers un ministre, en raison de la distribution, à l'approche d'élections législatives, d'un tract ainsi libellé :
" B.... = DANGER ;
" Le ministre qu'il faut sanctionner ;
" Ne vous demandez pas ce qu'il peut faire pour votre circonscription : RIEN
" Mais souvenez-vous de ce qu'il a fait comme ministre de la Santé :
" tentative de mise en place d'une maîtrise économique des dépenses de santé = rationnement des soins dont la 1re rançon fut l'horrible drame de la transfusion sanguine... Cette erreur fatale démontre s'il en était besoin qu'il vaut mieux payer cher une vie que d'avoir des malades ou des morts à meilleur marché ;
" tentative de mise en place d'enveloppes globales pour votre médecin, biologiste, infirmière en leur proposant l'infamant marché suivant :
" "Prescrivez moins, vous serez mieux payé"...
" Sa politique a provoqué la colère de 400 000 professionnels de santé et assurés sociaux qui ont manifesté à Paris en 1991.
" Electeurs et électrices de Saint-Nazaire vous ne cautionnerez pas tant d'irresponsabilité :
" M. B.... doit être évincé de la vie politique de notre pays ;
" Profitez-en dimanche prochain ! " ;
Attendu que, pour retenir le délit de diffamation à la charge des prévenus, les juges relèvent notamment que les imputations contenues dans le tract, visant l'action ministérielle de B..., ont porté une atteinte à son honneur et à sa considération, d'autant plus qu'il n'était pas ministre de la Santé à l'époque de la distribution du sang contaminé ;
Que les juges ajoutent que ces imputations dépassent largement les critiques qui peuvent être admises à l'égard d'un homme politique en période électorale, et que la légitimité du but poursuivi ou l'absence d'animosité personnelle ne suffiraient pas à faire bénéficier les prévenus de l'exception de bonne foi, dès lors que les propos incriminés démontrent à eux seuls l'absence de prudence et de mesure ;
Attendu qu'en cet état la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, si l'intention d'éclairer les électeurs sur les mérites d'un candidat au cours d'une campagne électorale est susceptible de constituer un fait justificatif, c'est à la condition que l'information n'ait pas été l'objet d'une dénaturation et d'une présentation tendancieuse, exclusives de toute bonne foi ; que la loi sur la liberté de la presse n'admet, en période électorale, aucune dérogation aux règles qu'elle a tracées en matière de diffamation ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
1o Sur l'action publique :
La DECLARE ETEINTE ;
2o Sur l'action civile :
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-83981
Date de la décision : 01/10/1996
Sens de l'arrêt : Action publique éteinte et rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Preuve contraire - Intention d'éclairer les électeurs - Période électorale.

PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Présomption - Période électorale

La loi sur la liberté de la presse n'admet, en période électorale, aucune dérogation aux règles qu'elle a tracées en matière de diffamation. Si l'intention d'éclairer les électeurs sur les mérites d'un candidat au cours d'une campagne électorale est susceptible d'établir la légitimité du but poursuivi, la bonne foi est exclue par la dénaturation et la présentation tendancieuse de l'information. (1).


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 23, art. 29, art. 30, art. 31, art. 42, art. 48, art. 50, art. 65

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 21 juillet 1994

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1904-07-28, Bulletin criminel 1904, n° 346, p. 577 (non-lieu à statuer et rejet) ;

Chambre criminelle, 1972-05-03, Bulletin criminel 1972, n° 151 (2), p. 377 (cassation partielle), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1973-10-10, Bulletin criminel 1973, n° 352, p. 868 (cassation partielle), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1989-02-28, Bulletin criminel 1989, n° 98 (2), p. 262 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 oct. 1996, pourvoi n°94-83981, Bull. crim. criminel 1996 N° 339 p. 1006
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 339 p. 1006

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Perfetti.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocat : M. Vincent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:94.83981
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