Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 93-40.942 et 93-41.022 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., assurant les fonctions de directeur de l'association familiale Pierre Y... depuis le 1er octobre 1969, a été victime d'un accident du travail le 26 janvier 1989 ; que, le 3 septembre 1991, il a été reconnu inapte à la reprise de son emploi, mais avec reclassement possible dans un poste ne nécessitant aucune responsabilité ni contact avec les enfants ; que l'association ayant proposé à son salarié un poste d'agent de bureau et un poste de préposé aux écritures, avec maintien de la rémunération antérieure, M. X... a refusé ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'indemnités de rupture ;
Sur la première branche du second moyen du pourvoi formé par l'employeur :
Attendu que l'association familiale Pierre Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à M. X... une indemnité compensatrice de préavis alors, selon le moyen, qu'elle faisait valoir dans ses conclusions que M. X... ne pouvait se prévaloir de la législation protectrice des accidentés du travail, n'établissant pas que son état d'inaptitude était consécutif à un accident du travail ; qu'en ne répondant pas à ce chef de conclusions, tout en octroyant au salarié le bénéfice de diverses indemnités, notamment de préavis, prévues par la loi du 7 janvier 1981, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a fait ressortir que l'inaptitude du salarié à son emploi était consécutive à la rechute de l'accident du travail du 26 janvier 1989 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi formé par l'employeur :
Attendu que l'Association fait encore grief à l'arrêt d'avoir qualifié la rupture du contrat de travail de M. X... de licenciement et de l'avoir condamnée à lui payer diverses indemnités de rupture, alors, selon le moyen, d'une part, que le salarié ne peut imputer à l'employeur la rupture des relations contractuelles par son seul refus d'une modification projetée de son contrat de travail, rendue nécessaire par son inaptitude physique à reprendre son emploi ; qu'en disant la rupture intervenue à la suite du refus par M. X... de la proposition de reclassement au mois de septembre 1991, alors que le salarié ne prétendait pas que la modification du contrat lui avait été imposée, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1134 du Code civil, L. 121-1 et L. 122-4 du Code du travail ; alors, d'autre part, que le salarié dont le contrat de travail est suspendu ne peut prendre l'initiative de la rupture et en imputer la responsabilité à l'employeur que s'il est constaté des faits objectifs démontrant l'intention de l'employeur d'imposer la modification proposée et de procéder à la rupture des relations de travail ; qu'après avoir constaté que l'association familiale Pierre Y... avait proposé successivement, en septembre et octobre 1991, deux emplois à M. X... qu'il a refusés, ce dont il résultait que l'Association n'avait pas l'intention de licencier le salarié mais recherchait une solution acceptable pour le garder à son service, la cour d'appel, en disant pourtant la rupture imputable à l'employeur dès le refus par le salarié de la première proposition de reclassement, cependant suivie d'une autre proposition légitime, a violé les articles L. 121-1, L. 122-4, L. 122-32-1 et suivants et L. 241-10-1 du Code du travail dans leur rédaction alors en vigueur ; alors, de troisième part et subsidiairement, que l'indemnité conventionnelle est limitée à un montant maximal égal à 18 mois de salaire ; qu'en disant M. X... fondé à demander, en application de la convention collective, une indemnité égale à 18 mois de salaire, tout en lui octroyant 694 324,80 francs à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, soit 36 mois de salaire, la cour d'appel a violé l'article 46 ter de la Convention collective nationale des services de l'enfance inadaptée du 15 mars 1966 et a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la rupture du contrat de travail résultant du refus par le salarié, victime d'un accident du travail et déclaré inapte à son emploi, du poste de reclassement qui lui est proposé et qui constitue une modification de son contrat de travail s'analyse en un licenciement ;
Et attendu, d'autre part, que la simple erreur de calcul commise par les juges du fond constitue une erreur matérielle susceptible d'être rectifiée et ne donne pas ouverture à cassation ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur les deuxième, troisième et quatrième branches du second moyen du pourvoi formé par l'employeur :
Attendu que l'association familiale Pierre Y... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à M. X... une indemnité compensatrice de préavis, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en disant M. X... fondé à demander une indemnité compensatrice de préavis par application de la convention collective alors qu'aucune disposition conventionnelle ne prévoit le paiement d'une indemnité de préavis au salarié devenu inapte, et après avoir constaté que M. X... ne pouvait prétendre au paiement des indemnités prévues par les articles L. 122-32-6 et suivants du Code du travail, à savoir notamment l'indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard de l'article L. 122-32-6 du Code du travail et a violé la convention collective des services de l'enfance inadaptée du 15 mars 1966 ; alors, d'autre part, que l'indemnité compensatrice de préavis prévue par la convention collective des services de l'enfance inadaptée du 15 mars 1966 n'est pas due au salarié dans l'impossibilité physique d'exécuter sa prestation de travail ; qu'en condamnant l'association familiale Pierre Y... à payer à M. X... une indemnité de préavis, alors qu'elle avait constaté que M. X... avait transmis des arrêts de travail jusqu'au 30 septembre 1991, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard de l'article L. 122-8 du Code du travail et de la convention collective précitée ; alors, enfin, et en toute hypothèse, que l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas due lorsque le refus par le salarié d'un reclassement consécutif à un accident du travail, est abusif ; qu'après avoir relevé que l'association familiale Pierre Y... avait assuré le maintien du salaire initial de M. X..., que ce dernier ne pouvait ni assumer des fonctions de direction, ni être en contact avec des enfants et que, dans le cadre restreint de l'institut médico-éducatif, seul établissement géré par l'Association, les propositions faites étaient tout à fait légitimes, la cour d'appel, en disant non abusif le refus du salarié des offres de reclassement, a violé l'article L. 122-32-6 du Code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que la rupture du contrat de travail intervenue après refus par le salarié, déclaré inapte à reprendre l'emploi précédemment occupé, des propositions de reclassement effectuées par l'employeur ouvrait droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice de préavis, conformément aux dispositions de l'article L. 122-32-6 du Code du travail ; que, par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ;
Et attendu, d'autre part, que le refus par un salarié d'une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail ne peut pas constituer une faute ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi formé par le salarié :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir dit que la rupture de son contrat de travail résultant de son refus des propositions de reclassement ne constituait pas un licenciement lui ouvrant droit aux indemnités prévues par les articles L. 122-32-6 et suivants du Code du travail, alors, selon le moyen, que le refus par un salarié victime d'un accident du travail du nouvel emploi qu'imposait son état de santé et qui lui était offert conformément à l'avis du médecin du Travail n'était pas nécessairement abusif ; que la cour d'appel ne pouvait le priver de ce chef de l'indemnité de préavis et de l'indemnité spéciale de licenciement, sans relever le caractère abusif de son refus ; que la cour d'appel a violé les articles L. 122-32-4, L. 122-32-5, L. 122-32-6 du Code du travail ; alors qu'elle ne pouvait davantage, sans se contredire, constater que M. X... exerçait avant l'accident du travail des fonctions de directeur, qu'on lui avait proposé, pour le reclasser, des postes d'agent de bureau et d'employé aux écritures, et lui refuser les mêmes indemnités de préavis et spéciales de licenciement ; que la cour d'appel a violé de ce nouveau chef les articles L. 122-32-4, L. 122-32-5, L. 122-32-6 du Code du travail et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, nonobstant les motifs erronés de l'arrêt tirés de ce qu'il ne pouvait prétendre aux indemnités prévues à l'article L. 122-32-6 du Code du travail, la cour d'appel a alloué au salarié une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité conventionnelle de licenciement qui est plus favorable que l'indemnité spéciale de licenciement visée audit article ; que le demandeur n'est pas recevable à critiquer une décision qui ne lui fait pas grief ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.