AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu
l'arrêt suivant :
I - Sur le pourvoi n° P 94-45.376 formé par M. Michel E...,
demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 octobre 1994 par la cour d'appel de Dijon
(chambre sociale) , au profit :
1°/ du Conseil général de la Côte-d'Or, dont le siège est 53 bis,
..., agissant poursuites et diligences de son
président intervenant aux lieu et place de la Régie des Transports de la Côte
d'Or,
2°/ de la société les Rapides de la Côte-d'Or, société en nom
collectif, dont le siège est 26, rue au Bouchet, ZAE Dijon Saint-Appolinaire,
boîte postale 96, 21060 Dijon,
défendeurs à la cassation ;
II - Sur le pourvoi n° D 94-45.436 formé par le département de
la Côte-d'Or, dont le siège est ...,
prise en la personne de son président en exercice intervenant aux lieu et
place de la Régie des transports de la Côte d'Or,
en cassation du même arrêt rendu au profit :
1°/ de M. Michel E...,
2°/ de la société les Rapides de la Côte d'Or,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 mai 1996, où étaient
présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Boubli, conseiller rapporteur,
MM. C..., Y..., Z..., Le Roux-Cocheril, Brissier, Ransac,
Mme Aubert, conseillers, Mmes D..., B..., X...,
Lebée, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme A...,
greffier de chambre;
Sur le rapport de M. le conseiller Boubli, les observations de
la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. E..., de
Me Ricard, avocat du département de la Côte-d'Or, les conclusions de
M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à
la loi;
Vu leur connexité joint les pourvois n°P 94-45.376 et
D 94-45.436;
Attendu selon l'arrêt attaqué (Dijon, 18 octobre 1994) que
depuis 1955 le personnel de la Régie des transports de la Côte d'Or
bénéficiait d'un système de rémunération prenant en compte la valeur du
point d'indice de la fonction publique; que le 15 mai 1990, un accord salarial
signé entre l'employeur et une partie des organisations syndicales
représentatives dans l'entreprise, a remis en cause la référence automatique
à l'évolution du point d'indice de la fonction publique et a subordonné les
augmentations de salaire à un examen préalable de la situation économique
de l'entreprise; que deux accords postérieurs, du 9 janvier 1991 et du
13 décembre 1991, faisant expressément référence aux comptes de
l'entreprise, ont fixé le montant des augmentations de salaire; que le 9
décembre 1992, le conseil général du département de la Côte d'Or a cédé
l'activité de la Régie à la société Transdev; que l'exploitation du service de
transport a été alors poursuivie sous l'égide de la SNC les Rapides de la
Côte;
Sur le premier moyen du pourvoi de M. E... :
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir débouté
M. E... de sa demande en paiement d'une indemnité pour le préjudice
résultant pour lui du fait qu'il s'est vu imposer trois jours de congés payés
sans délai de prévenance, alors, selon le moyen, que le salarié de ce chef,
faisait valoir que ces congés lui avaient été imposés sans information ni
délai de prévenance bien qu'il n'ait pas de stock de congés et que dans le
même temps des demandes lui eussent été refusées à plusieurs reprises ;
que faute d'avoir répondu à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa
décision de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de
procédure civile;
Mais attendu qu'en constatant qu'aucun préjudice n'était établi
la cour d'appel a répondu aux conclusions; que le moyen ne peut être
accueilli;
Et sur le troisième moyen du pourvoi de M. E... :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir
débouté M. E... de sa demande en remboursement des sommes
engagées pour le déplacement de délégués dans l'exercice de leurs
fonctions, alors, selon le moyen, que le motif retenu par la cour d'appel ne
répond pas aux conclusions selon lesquelles les trois personnes qui
accompagnaient M. E... étaient trois délégués dans l'exercice de leur
mission représentative, ce dont il résultait qu'en mettant à la disposition de
quatre délégués un véhicule de service à deux places, contrairement à
l'affirmation de l'arrêt attaqué, l'employeur n'avait pas tenu son engagement
d'accord, une voiture une fois par mois aux délégués en mission; que, de
ce chef, il n'a pas été satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau
Code de procédure civile;
Mais attendu que la cour d'appel qui n'était saisie que de la
demande de M. E... et qui a constaté que l'employeur avait respecté
l'engagement pris à son égard de mettre à sa disposition un véhicule pour
l'exercice de sa mission, n'était pas tenu de répondre à des conclusions
inopérantes;
Et sur le quatrième moyen du pourvoi de M. E... :
Attendu qu'il est aussi fait grief à l'arrêt d'avoir débouté
M. E... de sa demande de rappel de salaire à raison de la qualification,
alors, selon le moyen, qu'il résulte du procès-verbal de la réunion du conseil
d'administration de la RTCO du 8 novembre 1982 qu'avait été décidé "le
passage d'un certain nombre de chauffeurs à l'échelle 8 (chauffeurs de
lignes régulières et chauffeurs effectuant régulièrement des "grands
occasionnels")"; qu'il s'en déduit que tous les chauffeurs de lignes
régulières étaient concernés et non seulement certains d'entre eux; qu'en
affirmant que "certains chauffeurs de lignes régulières" étaient concernés et
ne pas connaitre les éléments permettant d'apprécier sur quels critères ce
classement avait été opéré en leur faveur, la cour d'appel a dénaturé ledit
procès-verbal en violation de l'article 1134 du Code civil;
Mais attendu que c'est par une interprétation nécessaire du
procès-verbal du 8 novembre 1982, exclusive de dénaturation, que la cour
d'appel a estimé qu'à défaut d'éléments permettant d'apprécier sur quels
critères le classement à l'échelon 8 était opéré en faveur des chauffeurs de
lignes régulières M. E... ne justifiait pas qu'il en avait été privé à tort; que
le moyen n'est pas fondé;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi de M. E... :
Vu l'article L. 412-20 du Code du travail ;
Attendu que pour débouter M. E..., délégué syndical, de sa
demande en rappel de salaire correspondant aux contraintes imposées en
fin de service au chauffeur qui quitte son autobus, et dont il réclamait le
paiement au titre des heures de délégation, l'arrêt attaqué relève que ces
contraintes n'existent pas lorsque la fin de service correspond à une
délégation;
Attendu cependant que le délégué syndical ne doit subir
aucune perte de rémunération du fait de l'exercice de sa mission; que la
somme versée au titre de la fin de service est un élément de la
rémunération qui entre dans l'assiette servant au paiement des heures de
délégation; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a
violé le texte susvisé;
Et sur le deuxième moyen du pourvoi du conseil général de la
Côte d'Or;
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour décider que l'usage résultant de la référence
à l'évolution de l'indice de la fonction publique pour fixer l'augmentation des
salaires des employés de la Régie des Transports de la Côte d'Or demeurait
applicable malgré l'accord collectif du 15 mai 1990, la cour d'appel relève
que cet usage n'a pas fait l'objet d'une dénonciation régulière accompagnée
d'une information du personnel;
Attendu cependant que lorsqu'un accord collectif ayant le
même objet qu'un usage d'entreprise est conclu entre l'employeur et une ou
plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, cet
accord a pour effet de mettre fin à cet usage; d'où il suit qu'en statuant
comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les 1er
et 3ème moyens du pourvoi du Conseil général de la Côte d'Or,
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a condamné le Conseil
régional de la Côte d'Or à payer à M. E... différentes sommes à titre de
salaire et congés payés compte tenu de l'indexation sur la fonction publique
et en ce qu'il a débouté M. E... de sa demande en rappel de salaire
correspondant aux contraintes imposées en fin de service aux chauffeurs
d'autobus, l'arrêt rendu le 18 octobre 1994, entre les parties, par la cour
d'appel de Dijon; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties
dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les
renvoie devant la cour d'appel de Besançon;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la
Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les
registres de cour d'appel de Dijon, en marge ou à la suite de l'arrêt
partiellement annulé;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale ,
et prononcé par M. le président en son audience publique du neuf juillet mil
neuf cent quatre-vingt-seize.