Joint les pourvois n°s 94-12.926, 94-12.927, 94-12.928 et94-12.929 qui sont identiques ;
Attendu qu'Emile Y..., né à Lyon, le 29 mai 1899, a épousé, à Rabat, le 9 janvier 1926, Alice Z..., de nationalité française ; que de cette union sont nés à Rabat, respectivement les 25 septembre 1929 et 30 octobre 1935, M. Raymond Y... et Mme Françoise Y..., épouse X... ; que le premier de ceux-ci est père de deux enfants, Nathalie et Christophe ; que ces quatre personnes ont obtenu, conformément à l'article 17 du Code de la nationalité, des certificats de nationalité française énonçant qu'Emile Y..., qui n'était rattaché à ses auteurs par aucun lien légal de filiation, était français en vertu de l'article 8, 2° du Code civil (rédaction 1889) ; que le procureur de la République à Paris, exposant que les enfants d'Emile Y... étaient nés à l'étranger de deux parents suisses, a assigné les quatre consorts Y... en annulation de ces certificats ; que par les quatre arrêts confirmatifs attaqués rendus en termes identiques (Paris, 11 janvier 1994), la cour d'appel a fait droit aux demandes ;
Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches de chacun des pourvois :
Attendu que les consorts Y... reprochent à ces arrêts d'avoir considéré que la filiation maternelle d'Emile Y... avait été établie dès sa naissance, et qu'il s'était ainsi vu attribuer la nationalité suisse de sa mère alors, selon les moyens, de première part, qu'en se fondant d'office et sans débats contradictoires sur l'article 311-14 du Code civil pour faire régir la filiation par la loi personnelle de la mère, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction ; alors, de deuxième part, qu'en se prononçant sur la filiation d'Emile Y... par référence à la règle de l'article 311-14 précité, issue d'un texte postérieur à l'événement considéré, la cour d'appel a violé les articles 2 du Code civil et 4 du Code de la nationalité ; alors, de troisième part, que la mère connue au sens de l'article 311-14 du Code civil est, non pas celle qui est en fait identifiée ou identifiable, mais celle qui est légalement connue en tant que telle ; qu'en faisant application de la loi suisse par cela seul que, selon cette loi, la mère était connue par son nom mentionné dans l'acte de naissance, la cour d'appel a violé l'article 311-14 qui eût dû conduire à l'application de la loi française de l'enfant, exigeant que la filiation naturelle soit établie seulement par reconnaissance ou jugement ; alors, de quatrième part, qu'en déclarant inapplicable l'ancien article 27 du Code de la nationalité qui avait cependant un caractère interprétatif de la législation en vigueur lors de la naissance d'Emile Y..., la cour d'appel a encore violé l'article 3 du Code civil et l'article 8-2°, ancien du même Code ; alors, enfin, qu'en présence d'un conflit de nationalités dont celle du for puisque Emile Y... était français si l'on appliquait la loi française, et suisse si l'on faisait jouer la loi suisse, c'est à tort que la cour d'appel a refusé d'appliquer la loi française du for pour dénier aux intéressés leur qualité de national ;
Mais attendu, d'abord, que tenue de trancher le litige conformément aux règles de droit applicable, la cour d'appel n'a relevé aucun moyen d'office en fondant sa décision sur les dispositions de l'article 311-14 du Code civil ;
Attendu, ensuite, que selon son article 12, la loi du 3 janvier 1972 sur la filiation dont est issu l'article 311-14 précité, est applicable aux enfants nés avant son entrée en vigueur ;
Attendu, en troisième lieu, que Jeanne-Marie Y... était mentionnée dans l'acte de naissance d'Emile Y... comme étant sa mère, de sorte que celle-ci, étant ainsi identifiée, était connue au sens de l'article 311-14 du Code civil, ce qui entraînait bien l'application de la loi personnelle de la mère d'Emile Y... au jour de la naissance de celui-ci ;
Attendu, en quatrième lieu, que l'article 27 du Code de la nationalité, abrogé par la loi du 9 janvier 1973 mais encore applicable dans les conditions prévues par l'article 3 du même Code (actuellement, l'article 17-1 nouveau du Code civil), ne trouvait à s'appliquer que lorsqu'il s'agissait d'établir positivement la nationalité française et non, comme en l'espèce, de la contester ;
Et attendu, enfin, qu'il n'y a conflit positif de nationalités que lorsque une personne possède, à la fois, deux ou plusieurs nationalités et qu'un choix devient nécessaire parce que le contenu de la règle à appliquer impose de ne retenir qu'une nationalité ; que tel n'était pas le cas d'Emile Y... pour qui il était jugé qu'il ne pouvait avoir que la seule nationalité suisse d'origine ;
D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches, de chacun des pourvois :
Attendu qu'il est encore fait grief aux arrêts attaqués d'avoir dit qu'Alice Z..., en suivant la condition de son mari suisse, avait perdu la nationalité française sans, d'une part, préciser la loi suisse conduisant à cette conséquence, ni, d'autre part, répondre aux conclusions faisant valoir que le livret de famille des époux avait toujours mentionné la nationalité française de l'épouse ;
Mais attendu que la cour d'appel a énoncé exactement que selon l'article 19, alinéa 1er, du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juin 1889 applicable en l'espèce, la femme française qui épousait un étranger suivait la condition de son mari, à moins que son mariage ne lui eût pas conféré la nationalité de celui-ci ; que dans ses conclusions signifiées aux appelants, et auxquelles ceux-ci n'ont pas répliqué sur ce point, le ministère public établissait que dans la documentation officielle émanant du ministère de la Justice, la Suisse est mentionnée au nombre des Etats dont la loi dispose que la femme étrangère perdait sa nationalité lorsqu'elle épousait un ressortissant de ces Etats ; qu'en effet il résulte de l'article 54 de la Constitution confédérale suisse de 1874 et de l'article 161 du Code civil suisse alors applicable que la femme qui épousait un citoyen suisse acquérait le droit de cité et de bourgeoisie de son mari ;
Et attendu que la mention de la nationalité française d'Alice Z... sur l'acte de famille délivré par les autorités suisses, si elle est indicative de la nationalité d'origine de l'épouse lors du mariage, n'établit pas pour autant que cette nationalité a été conservée après la célébration du mariage, de sorte que la cour d'appel, jugeant qu'Alice Z... avait perdu sa nationalité française par l'effet de son mariage, n'était pas tenue de répondre à un moyen inopérant ;
D'où il suit qu'en aucune de leurs branches les moyens ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.