Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sidem a confié un transport de machines de France à Gibraltar à la société Deugro ; que celle-ci a chargé la société Levage Levivier de réceptionner ces machines à leur arrivée au quai de destination, de les déplacer et de les installer sur le site industriel ; que, le 10 janvier 1984, au cours de sa manutention par la société Levage Levivier, une machine a été endommagée ; que, le 19 décembre 1984, la société Union des assurances de Paris (UAP), subrogée dans les droits de la société Sidem pour l'avoir indemnisée en partie, a assigné en paiement la société Deugro ; que celle-ci, qui a été assignée, le 10 janvier 1984, en paiement de dommages-intérêts par la société Levage Levivier, a demandé, le 11 janvier 1985, à cette dernière société de la garantir et de l'indemniser de ses propres dommages ; que, le 3 mars 1986, la société Sidem a assigné en paiement du préjudice non couvert par son assureur, la société Deugro ; que celle-ci, qui a invoqué la prescription de l'action de la société Sidem, a appelé en garantie la société Levage Levivier ; que la société Préservatrice foncière IARD (Préservatrice), assureur de la société Levage Levivier est intervenue volontairement à l'instance d'appel ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Sidem fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré son action prescrite, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'effet interruptif de la prescription résultant d'une action en justice se prolonge jusqu'à ce que le litige trouve sa solution ; qu'en l'espèce, en énonçant que la nouvelle prescription ayant commencé à courir après l'interruption du 19 décembre 1984 consécutive à l'assignation de l'assureur subrogé, s'est trouvée acquise le 19 décembre 1985 et donc, bien antérieurement à l'assignation de Sidem du 3 mars 1986, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2244 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en cas de conventions complexes comportant une part de transport de marchandises et diverses opérations de manutention, le déplacement de la marchandise doit être l'obligation principale assumée par l'entrepreneur pour que la convention soit qualifiée de contrat de transport et, inversement, lorsque le déplacement n'est que l'accessoire des opérations de manutention, la convention est qualifiée de contrat d'entreprise ordinaire non soumis aux dispositions spécifiques des contrats de transports ; qu'en l'espèce, en énonçant que le déchargement final des évaporateurs sur le lieu de leur exploitation, quelles que soient les difficultés et les risques encourus, entrait dans le cadre de la convention, la livraison juridique et matérielle n'intervenant qu'après l'exécution de l'opération, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 108 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé justement que la citation en justice n'interrompt la prescription qu'au profit de celui qui la diligente, l'arrêt retient, d'un côté, que la manutention eu égard à son importance n'a été que l'accessoire du contrat unique de transport au cours duquel la machine a subi des avaries et, d'un autre côté, que la société Sidem n'a assigné en réparation de ses dommages que passé le délai de un an à compter de ces avaries ; qu'abstraction faite des motifs erronés mais surabondants relevés par la première branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Sidem fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi qu'il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, fonder sa décision sur une lettre de voiture qui n'a jamais été invoquée par les parties et sur la qualification de laquelle celles-ci n'ont jamais été appelées à s'expliquer contradictoirement ; alors, d'autre part, qu'étant donné le caractère accessoire de la part de déplacement par rapport à l'importance des opérations de manutentions dans le contrat liant les sociétés Deugro et Levage Levivier, cette dernière n'agissait pas en tant que voiturier mais en qualité d'entreprise de manutention sous-traitante ; ainsi, en considérant que liée à ce voiturier commis par la société Deugro, en application des dispositions de l'article 101 du Code de commerce, la société Sidem ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la société Levage Levivier, le bénéfice des règles relatives à la responsabilité quasi délictuelle, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 101 du Code de commerce ; et alors, enfin, qu'en l'absence de lien contractuel unissant les sociétés Sidem, cocontractante de la société Deugro et de la société Levage Levivier, sous-traitante de cette dernière, seule une action en responsabilité quasi délictuelle de la société Sidem à l'encontre de cette dernière était recevable ; qu'en l'espèce, en énonçant que liée à ce voiturier commis par la société Deugro, en application des dispositions de l'article 101 du Code de commerce la société Sidem ne peut utilement invoquer à l'encontre de la société Levage Levivier, le bénéfice des règles relatives à la responsabilité quasi délictuelle, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1165 du Code civil et par refus d'application les articles 1382 et suivants du même Code ;
Mais attendu, d'une part, qu'il ne ressort pas de l'arrêt que la cour d'appel ait fondé sa décision sur une lettre de voiture ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient souverainement des éléments de la cause que l'opération de manutention, en raison de son caractère accessoire par rapport à l'opération globale était indissociable du contrat de transport ;
Attendu, enfin, qu'ayant relevé que, dans le cadre du contrat de commission conclu avec la société Sidem, la société Deugro s'était substitué la société Levage Levivier pour exécuter le contrat de transport dans lequel s'était inscrite l'opération de manutention, c'est à bon droit que l'arrêt retient que la société Sidem ne peut rechercher la responsabilité de la société Levivier sur le plan délictuel ;
D'où il suit que, manquant en fait en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur la recevabilité du premier moyen, pris en sa première branche, contestée par la défense : (sans intérêt) ;
Et sur le moyen :
Vu l'article 546 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la partie, qui n'a pas eu gain de cause en première instance, est recevable à faire appel du jugement qui lui fait grief ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable, pour défaut d'intérêt, l'appel de l'UAP, l'arrêt retient qu'elle a obtenu le plein de sa demande, le juge l'ayant accueilli en son intégralité, dès lors qu'il a partagé le paiement de la somme entre les sociétés Deugro et Levivier ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en première instance l'UAP avait demandé à titre principal la condamnation de la seule société Deugro, ce dont il résultait que le jugement n'avait pas été rendu conformément à ses conclusions, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré l'appel de l'UAP irrecevable, l'arrêt rendu le 29 septembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.