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04/06/1996 | FRANCE | N°94-17065

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 juin 1996, 94-17065


Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 1994), rendu sur renvoi après cassation, que la société Entreprise Jean Lefebvre (société Jean Lefebvre) a été, par décision n° 89-D-34 du Conseil de la concurrence, déclarée responsable d'agissements commis en 1985 à l'occasion de la soumission de travaux publics et portant atteinte à la concurrence et condamnées au paiement de sanctions pécuniaires ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Jean Lefebvre fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement d'une sanction pécuniair

e alors, selon le pourvoi, que la détermination du montant de la sanction obéit à q...

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 1994), rendu sur renvoi après cassation, que la société Entreprise Jean Lefebvre (société Jean Lefebvre) a été, par décision n° 89-D-34 du Conseil de la concurrence, déclarée responsable d'agissements commis en 1985 à l'occasion de la soumission de travaux publics et portant atteinte à la concurrence et condamnées au paiement de sanctions pécuniaires ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Jean Lefebvre fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement d'une sanction pécuniaire alors, selon le pourvoi, que la détermination du montant de la sanction obéit à quatre critères tirés de la gravité des faits, de l'importance du dommage causé à l'économie, de la situation financière de l'entreprise et de la dimension de celle-ci, que si la cour d'appel fait état de la situation financière de la société et de sa dimension, elle ne précise pas la gravité des pratiques individuelles qui lui sont reprochées et l'importance du dommage causé à l'économie, en sorte que la sanction infligée n'est pas légalement justifiée au regard des dispositions des articles 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que l'arrêt retient que l'atteinte portée à l'économie par les pratiques des sociétés en cause a porté sur le secteur vital des voies de communications et que l'économie du marché concerné a été perturbée dans la mesure où les entreprises moyennes se sont trouvées exclues du marché du fait des pratiques concertées desdites entreprises et en déduit que cette conséquence préjudiciable existe quel que soit le degré de participation d'une entreprise à une entente donnée, le caractère occasionnel ou répété de cette participation ou le résultat obtenu ; qu'après avoir rappelé que les sanctions doivent être appréciées en fonction de l'importance du dommage causé à l'économie selon le degré d'implication de chaque entreprise concernée et selon l'incidence de l'entente sur le marché, la cour d'appel examinant les faits reprochés à la société Jean Lefebvre constate qu'elle a participé à des ententes pour l'aménagement du port de Carry-le-Rouet, pour la fourniture de graves laitiers et a été attributaire après concertation de cinq travaux routiers ; qu'enfin la cour d'appel rappelle le chiffre d'affaires de la société Jean Lefebvre et conclut qu'elle tient compte de la situation financière pour fixer le montant de la sanction pécuniaire ; qu'ainsi la cour d'appel a pris en considération les quatre critères définis par la loi pour fixer le montant de la sanction pécuniaire appliquée à la société Jean Lefebvre ;

Et sur le second moyen pris en ses cinq branches :

Attendu que la société Jean Lefebvre fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement d'une sanction pécuniaire alors, selon le pourvoi, d'une part, que les pouvoirs consentis à ses chefs de centre prennent effet à la date des pouvoirs et non à celle de leur acceptation, simple formalité administrative sans incidence sur le fonctionnement des centres, et que la cour d'appel ne pouvait écarter la force probante des délégations de pouvoirs produites au seul motif d'une acceptation contemporaine de l'enquête administrative, qu'en violation de l'article 1984 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'acceptation du mandat peut n'être que tacite et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire, qu'elle avait soutenu que les mandats donnés aux chefs de centre avaient reçu exécution en ce qu'ils leur accordaient une totale autonomie de gestion, que la cour d'appel qui aurait dû rechercher si, indépendamment de la date d'acceptation des mandats, cette acceptation ne résultait pas de son exécution, et si dès lors l'autonomie des centres n'était pas démontrée n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1985 du Code civil ; alors, encore, qu'en admettant que les délégations de pouvoirs ne constituent pas à elles seules la preuve de l'autonomie des centres, la cour d'appel qui aurait dû rechercher s'il ne résultait pas comme elle l'avait soutenu dans son mémoire d'appel de ce chef délaissé, des éléments de fait invoqués par elle tenant à son organisation qu'en matière de marchés de travaux publics les directions territoriales étaient totalement autonomes et constituaient des " entreprises " individualisées, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de plus, qu'en admettant que " l'autonomie des agences d'EJL " ne soit pas établie, la cour d'appel qui aurait dû rechercher si cette autonomie n'était pas établie au niveau des " directions territoriales " et si la sanction prononcée ne devait pas pour le moins être fixée en fonction du seul chiffre d'affaires desdites directions territoriales, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; et alors, enfin, que la cour d'appel qui n'expliquait pas pourquoi tout en ayant constaté que ses activités avaient enregistré en 1984 un déficit de plus de 20 millions de francs, elle lui infligeait une amende de 20 millions de francs, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir retenu que la délégation de pouvoirs concédée aux chefs de centre de l'entreprise Jean Lefebvre ne leur laissait pas d'initiative pour définir leur domaine d'activité, leur stratégie commerciale et décider des financements, la cour d'appel, qui a répondu en le rejetant au moyen prétendument délaissé et qui n'avait pas à procéder à d'autres recherches relatives notamment à la date d'exécution du mandat, fait l'exacte application du texte invoqué en décidant que lesdits chefs d'agence, demeurant soumis aux directives et contrôles de la société, ne disposaient pas d'une autonomie réelle, ce dont il résulte que les centres concernés ne pouvaient être considérés comme des entreprises distinctes de l'entreprise à laquelle elles se trouvaient rattachées ;

Attendu, en second lieu, que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a fixé le montant de la sanction pécuniaire appliquée à la société Jean Lefebvre après avoir rappelé le montant du chiffre d'affaires à prendre en considération et l'existence d'un déficit ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 94-17065
Date de la décision : 04/06/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 30 juin 1945 - Sanction des ententes et abus de position dominante - Sanction pécuniaire - Critères - Importance des dommages causés à l'économie - Contrôle de la Cour de Cassation.

1° Justifie légalement sa décision au regard de l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 la cour d'appel qui retient que l'atteinte portée à l'économie par les pratiques des sociétés en cause a porté sur le secteur vital des voies de communications et que l'économie du marché concerné a été perturbée dans la mesure où les entreprises moyennes se sont trouvées exclues du marché du fait des pratiques concertées desdites entreprises et en déduit que cette conséquence préjudiciable existe quel que soit le degré de participation d'une entreprise à une entente donnée, le caractère occasionnel ou répété de cette participation ou le résultat obtenu.

2° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 30 juin 1945 - Sanction des ententes et abus de position dominante - Sanction pécuniaire - Critères - Gravité des faits reprochés - Dimension et situation financière de la société - Contrôle de la Cour de Cassation.

2° Justifie légalement sa décision au regard de l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945, la cour d'appel qui après avoir rappelé que les sanctions doivent être appréciées en fonction de l'importance du dommage causé à l'économie selon le degré d'implication de chaque entreprise concernée et selon l'incidence de l'entente sur le marché, examinant les faits reprochés à la société demanderesse, constate qu'elle a participé à des ententes pour l'aménagement d'un port, pour la fourniture de graves laitiers et a été attributaire après concertation de cinq travaux routiers, rappelle le chiffre d'affaires de cette société et tient compte de sa situation financière pour fixer le montant de la sanction pécuniaire.

3° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 30 juin 1945 - Sanction des ententes et abus de position dominante - Sanction pécuniaire - Montant maximal - Entreprise - Chiffre d'affaires de l'agence départementale ou locale - Conditions - Agence entreprise distincte - Constatations suffisantes.

3° Fait l'exacte application de l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 la cour d'appel qui, après avoir retenu que la délégation de pouvoirs concédée aux chefs de centre de l'entreprise poursuivie ne leur laissait pas d'initiative pour définir leur domaine d'activité, leur stratégie commerciale et décider des financements, décide que lesdits chefs d'agence, demeurant soumis aux directives et contrôles de la société, ne disposaient pas d'une autonomie réelle, ce dont il résulte que les centres concernés ne pouvaient être considérés comme des entreprises distinctes de l'entreprise à laquelle elles se trouvaient rattachées.


Références :

3° :
Ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945 art. 53

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 juillet 1994

A RAPPROCHER : (1°). Chambre commerciale, 1992-10-06, Bulletin 1992, IV, n° 294 (16), p. 206 (cassation partielle). A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1992-10-06, Bulletin 1992, IV, n° 294 (15), p. 206 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 jui. 1996, pourvoi n°94-17065, Bull. civ. 1996 IV N° 160 p. 138
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 IV N° 160 p. 138

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Mourier.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Gomez.
Avocat(s) : Avocats : MM. Pradon, Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:94.17065
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