Attendu, selon l'ordonnance déférée rendue en la forme des référés, que la société anonyme Garage Ardon, M. Bernard X..., la société Relais de Saintonge et la société Bernard Y..., concessionnaires et agents exclusifs de certaines marques automobiles à Saintes, ont assigné la société Garage Trabisco pour concurrence déloyale en lui reprochant des importations parallèles de véhicules automobiles ; que, par jugement du 3 novembre 1994, le tribunal de commerce de Saintes a sursis à statuer et a saisi la Cour de justice des Communautés européennes de questions préjudicielles sur le fondement de l'article 177 du traité instituant la Communauté européenne ; que les sociétés Garage Ardon, Relais de Saintonge, Bernard Y... et M. Bernard X... ont assigné la société Garage Trabisco, devant le premier président de la cour d'appel de Poitiers, sur le fondement de l'article 380 du nouveau Code de procédure civile, afin d'obtenir l'autorisation d'interjeter appel du jugement de sursis à statuer ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Garage Trabisco fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé l'appel immédiat du jugement, alors, selon le pourvoi, qu'un jugement par lequel un tribunal pose une question à la Cour de justice des Communautés et décide de surseoir, en conséquence, constitue seulement une décision par laquelle le Tribunal use des pouvoirs qu'il tient de l'article 177 du traité de Rome et non une décision de sursis à statuer au sens de l'article 378 du nouveau Code de procédure civile dont le premier président de la cour d'appel puisse autoriser une partie à interjeter appel dans les conditions prévues par l'article 380 du nouveau Code de procédure civile, qu'en autorisant néanmoins l'appel la décision attaquée a violé l'article 380 du nouveau Code de procédure civile, ensemble, l'article 177 du Traité instituant la Communauté économique européenne ;
Mais attendu qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (Rheinmühlen, 12 février 1974) que, s'agissant d'une juridiction dont les décisions sont susceptibles de faire l'objet d'un recours juridictionnel de droit interne, l'article 177 du Traité ne s'oppose pas à ce que les décisions d'une telle juridiction saisissant la Cour de justice à titre préjudiciel restent soumises aux voies de recours normales prévues par le droit national ; que c'est donc à bon droit que le premier président de la cour d'appel a fait application de l'article 380 du nouveau Code de procédure civile au jugement de sursis à statuer ayant saisi la Cour de justice des Communautés européennes d'un renvoi préjudiciel ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 177 du Traité instituant la Communauté européenne, ensemble l'article 380 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour autoriser les sociétés demanderesses à former immédiatement appel, l'ordonnance attaquée retient que la cour d'appel considère de manière habituelle comme dilatoire en ce cas toute demande tendant à faire saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle et que la procédure devant la Cour de justice s'inscrit " dans un contexte de longue durée " ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser le motif grave et légitime, au sens de l'article 380 du nouveau Code de procédure civile, l'ordonnance attaquée n'a pas justifié légalement sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 21 février 1995, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Bordeaux.