REJET du pourvoi formé par :
- X... Marie-Luce, dite Camille Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 8 juin 1994, qui l'a condamnée, pour provocation à la discrimination raciale, à 10 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire personnel produit en demande, et les mémoires en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le journal Rivarol, daté du 20 mai 1993, a publié un article non signé, intitulé " Société plurielle ", qui, après avoir rapporté en exergue une déclaration de François Mitterrand, faite le 8 mars 1989 à Alger, selon laquelle " la nation française ressent profondément l'utilité de la présence d'immigrés chez nous ", où " ils travaillent et ils travaillent bien ", a relaté différents faits divers mettant en cause, à Nice, Grasse, Draguignan, Les Sables-d'Olonne, Mantes-la-Jolie, Paris et en Essonne, des personnes originaires d'Afrique du Nord, d'Afrique noire, ou appartenant à la communauté tzigane ; qu'en raison de cet article, le procureur de la République a fait citer directement devant la juridiction correctionnelle, pour provocation à la discrimination raciale, sur le fondement de l'article 24, alinéa 6, de la loi du 29 juillet 1881, Marie-Luce X..., dite Camille Y..., directeur de la publication du journal ;
Attendu que, pour infirmer le jugement qui avait relaxé la prévenue et débouté les parties civiles intervenantes, l'arrêt attaqué énonce notamment que l'article incriminé concerne les Maghrébins, les Africains ou les Gitans, visés en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une race ou une religion déterminée, et qu'il a dépassé les limites du droit à la libre expression, en dépit de l'absence de commentaire, en opposant par dérision, à la déclaration placée en exergue, une énumération de méfaits graves et une manifestation religieuse, dont la juxtaposition a donné au texte une force particulière et a été de nature à susciter immédiatement chez le lecteur, contre les personnes visées comme les auteurs de tels agissements et " les vecteurs principaux des formes les plus répréhensibles de la délinquance ", des réactions de rejet, voire de haine et de violence ;
Attendu que, par ces énonciations, la cour d'appel, qui a exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés et caractérisé une provocation à la discrimination au sens de l'article 24 susvisé, a justifié sa décision, sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.