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14/05/1996 | FRANCE | N°93-15418;94-12579

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 mai 1996, 93-15418 et suivant


Joint les pourvois n°s 93-15.418 et 94-12.579 ;

Attendu que, le 12 septembre 1983, la société Brasserie du Pêcheur (devenue Brasserie Fischer) a assigné la Kreissparkasse Main-Spessart (la Caisse) devant le tribunal de grande instance de Strasbourg en inopposabilité des lettres de change endossées par elle sans l'autorisation de son conseil d'administration et escomptées par la Caisse ; que, sur demande de celle-ci du 23 novembre 1983, le Landgericht de Nüremberg a, le 27 avril 1984, condamné la Brasserie à payer le montant de ces lettres de change ; que l'exécution en Fran

ce de cette décision a été obtenue, le 5 février 1985, par ordonn...

Joint les pourvois n°s 93-15.418 et 94-12.579 ;

Attendu que, le 12 septembre 1983, la société Brasserie du Pêcheur (devenue Brasserie Fischer) a assigné la Kreissparkasse Main-Spessart (la Caisse) devant le tribunal de grande instance de Strasbourg en inopposabilité des lettres de change endossées par elle sans l'autorisation de son conseil d'administration et escomptées par la Caisse ; que, sur demande de celle-ci du 23 novembre 1983, le Landgericht de Nüremberg a, le 27 avril 1984, condamné la Brasserie à payer le montant de ces lettres de change ; que l'exécution en France de cette décision a été obtenue, le 5 février 1985, par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Strasbourg et confirmée le 2 avril 1993 ; qu'entre-temps ce même tribunal avait, les 1er octobre 1986 et 1er avril 1992, sursis à statuer sur la demande initiale de la Brasserie après avoir rejeté les exceptions de litispendance et de connexité soulevées par la Caisse, puis a, par jugement du 30 juin 1993, débouté la Brasserie ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 93-15.418, pris en ses cinq branches :

Attendu que la Brasserie Fischer reproche à la cour d'appel d'avoir, par le premier arrêt attaqué (Colmar, 2 avril 1993), confirmé l'ordonnance d'exequatur, alors, selon le moyen, de première et de deuxième part, qu'en accordant l'exécution à la décision du juge allemand qui avait retenu la compétence et refusé de se dessaisir en faveur du juge français premier saisi la cour d'appel a violé les articles 21 et 27 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; alors, de troisième et de quatrième parts, que la cour d'appel, en écartant le moyen d'ordre public tiré du défaut de capacité de la Brasserie à s'engager en l'espèce, a violé l'article 27 de la convention précitée ainsi que les articles 1 et 2 de la convention de Genève du 7 juin 1930 et divers textes énumérés du droit français des sociétés ; alors, enfin, qu'en ne répondant pas à ses conclusions sur la contrariété des opérations litigieuses à la législation française sur les changes en vigueur au moment des faits et applicable en RFA en vertu de l'article VIII des accords de Bretton-Woods la cour d'appel a, encore, violé, outre l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'article 27 de la convention de Bruxelles ainsi que la loi du 28 décembre 1966 et son décret d'application relatifs aux relations financières avec l'étranger ;

Mais attendu, comme l'a exactement énoncé la cour d'appel, que les articles 27, 28 et 29 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 fixent les limites du contrôle de la régularité de la décision dont l'exécution est demandée ; qu'il en résulte, s'agissant des deux premières branches du moyen, qu'il ne peut être procédé, sauf exceptions inapplicables en l'espèce, au contrôle de la compétence des juridictions de l'Etat d'origine ou de l'observation par celles-ci des règles sur la litispendance ; qu'en outre, la décision allemande n'est pas inconciliable, au sens de l'article 27-3 de la convention avec le jugement du 1er octobre 1986 qui n'a pas statué au fond ; qu'il ne peut, davantage, être procédé, même sous couvert de contrariété à l'ordre public, au contrôle de la loi appliquée par la juridiction étrangère ou à la révision au fond de la décision, ce à quoi tendent, en réalité, les trois autres branches du moyen ; que, par ces motifs substitués en tant que de besoin à ceux critiqués, l'arrêt attaqué se trouve légalement justifié ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° 94-12.579, pris en ses quatre branches :

Attendu que la Brasserie Fischer fait aussi grief à la cour d'appel d'avoir, par le second arrêt attaqué (11 janvier 1994), confirmé le jugement du 30 juin 1993 ayant rejeté sa demande initiale, alors, selon le moyen, d'une part, qu'à la suite du jugement de 1986, le tribunal français, premier saisi et dont la compétence ne peut plus être remise en cause, avait l'obligation de trancher le litige conformément aux règles de droit applicables si bien qu'en se bornant à se référer aux décisions allemandes qui auraient " définitivement établi " les droits de la Caisse et à placer le débat uniquement sur le terrain des articles 26 et 27 de la convention de Bruxelles de 1968, la cour d'appel a violé, par fausse application, ces textes, outre l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de deuxième part, qu'en reconnaissant, dans ces mêmes conditions, les décisions rendues par les juges allemands qui ont nécessairement retenu leur propre compétence et refusé, même d'office, de se dessaisir au profit du juge français premier saisi, la cour d'appel a violé les 1° et 3° de l'article 27 de la Convention ; qu'enfin, la Brasserie soutient, de même que dans son pourvoi précédent, que sa capacité à s'obliger par lettre de change ne peut s'apprécier qu'au regard de la loi française sur les sociétés qui est d'ordre public sur ce point et dont elle peut se prévaloir en dépit de la carence de son conseil d'administration n'ayant pas autorisé les endossements ;

Mais attendu que l'arrêt attaqué rappelle que, selon l'article 26 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, la décision allemande du 27 avril 1984, confirmée après épuisement des voies de recours en 1990, est reconnue de plein droit et que cette reconnaissance, qui peut être invoquée de façon incidente, ne peut être refusée que pour l'un des cas énumérés aux articles 27 et 28 de la Convention ; qu'il retient, en l'espèce, que les moyens pris de ces textes avaient déjà été rejetés par le précédent arrêt du 2 avril 1993 ; qu'il en résulte que la cour d'appel a fait une juste application des règles de la Convention de 1968 précitée, seules à prendre en considération dans l'instance suspendue par les décisions de sursis de 1986 et de 1992, de sorte que les griefs invoqués par la Brasserie Fischer dans le présent pourvoi ne peuvent, pour les mêmes motifs que ceux exposés sur le premier pourvoi, être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 93-15418;94-12579
Date de la décision : 14/05/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Exécution des décisions judiciaires - Régularité de la décision dont l'exécution est demandée - Contrôle - Limites .

Les articles 27, 28 et 29 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 fixent les limites du contrôle de la régularité de la décision dont l'exécution est demandée. Il en résulte qu'il ne peut être procédé, sauf exceptions, au contrôle de la compétence des juridictions de l'Etat d'origine ou de l'observation par celles-ci des règles sur la litispendance, et il ne peut être procédé, même sous couvert de contrariété à l'ordre public, au contrôle de la loi appliquée par la juridiction étrangère ou à la révision au fond de la décision.


Références :

Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 art. 27, art. 28, art. 29

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 02 avril 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 mai. 1996, pourvoi n°93-15418;94-12579, Bull. civ. 1996 I N° 201 p. 140
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 I N° 201 p. 140

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey.
Avocat général : Avocat général : Mme Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Lemontey.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Célice et Blancpain, la SCP Rouvière et Boutet.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:93.15418
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