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20/03/1996 | FRANCE | N°95-82255

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 mars 1996, 95-82255


REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Marcel, prévenu,
- la société Ivoclar Aktiengesellschaft, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, du 17 février 1995, qui, pour contrefaçon de marque et bris de scellés, l'a condamné à 50 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité
I. Sur le pourvoi de Marcel X..., prévenu :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II. Sur le pourvoi de la société Ivoclar, partie civile

:
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation...

REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Marcel, prévenu,
- la société Ivoclar Aktiengesellschaft, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, du 17 février 1995, qui, pour contrefaçon de marque et bris de scellés, l'a condamné à 50 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité
I. Sur le pourvoi de Marcel X..., prévenu :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II. Sur le pourvoi de la société Ivoclar, partie civile :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 422 du Code pénal, L. 713-3, L. 713-4, L. 716-9 et L. 716-10 du Code de la propriété intellectuelle, issus de la loi du 4 janvier 1991, 5 du Code civil, 33 à 36 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, 5, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, méconnaissance de la prohibition des arrêts de règlement :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré irrecevables les demandes de la société Ivoclar tendant à la réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de marques et de l'usage qui en a été fait ;
" aux motifs que par jugement du 22 juillet 1992, le tribunal de grande instance de Colmar a condamné la société Gema Diffusion à payer à la société Ivoclar 1 000 francs par usage de marque contrefaite en lui faisant interdiction de tout nouvel usage sous astreinte du même montant ;
" que le tribunal a également condamné l'entreprise Gema Diffusion à payer à la société Ivoclar la somme de 50 000 francs de dommages-intérêts et que sa décision a été généralement confirmée à l'exception de sa publication, par arrêt du 10 janvier 1995 ;
" que le 27 novembre 1992, Me Z... agissant pour l'exécution de cette décision, a constaté la présence de 2 autres bidons de résine portant des étiquettes photocopiées, malgré la saisie contrefaçon de Me Y... de l'ensemble du stock conditionné de cette façon et qu'il a retrouvé ouvert le carton de produits saisis en 1990 ;
" que la société Ivoclar a saisi la juridiction correctionnelle de la présente procédure et le juge des référés d'une demande visant à interdire à Marcel X... toute nouvelle commercialisation de ses produits, à peine d'une lourde astreinte ;
" que le juge des référés a fait droit à sa demande en modérant un peu l'astreinte proposée, et que le tribunal correctionnel a rendu le jugement actuellement appelé ;
" qu'en cet état, et statuant sur l'exception tirée de l'article 5 du Code de procédure pénale, la Cour estime qu'elle a été écartée à tort en l'espèce par les premiers juges ;
" qu'en effet, bien que certains faits puissent être postérieurs à la saisie contrefaçon de Me Y..., il a été jugé dans une espèce analogue que l'action intentée entre les mêmes parties devant la juridiction civile et procédant de la même cause interdisait le recours à la voie pénale, même pour des faits postérieurs au jugement civil qui avait retenu, pour augmenter les dommages et intérêts, la persistance de la contrefaçon ;
" que le souci de cette jurisprudence est de rendre le tribunal civil primitivement saisi globalement compétent pour connaître d'un même litige, y compris dans ses manifestations ultérieures, dès lors que le juge civil les avait envisagées dans sa décision ;
" qu'en l'espèce, le juge civil a bien statué sur les manifestations ultérieures du même litige en prononçant une astreinte pour sanctionner tout nouvel usage de la marque ;
" que dès lors il n'est plus permis d'intervenir dans l'appréciation du dommage causé au plaignant (arrêt, pages 3 et 4) ;
" 1° alors qu'il n'est pas permis aux juges du fond de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ;
" qu'en l'espèce, pour accueillir l'exception tirée de la règle una via electa, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur une jurisprudence ancienne aux termes de laquelle l'action intentée entre les mêmes parties devant la juridiction civile et procédant de la même cause interdisait le recours à la voie pénale, même pour des faits postérieurs au jugement civil qui avait retenu, pour augmenter les dommages et intérêts, la persistance de la contrefaçon ;
" qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui se borne à se référer à des précédentes décisions, a violé l'article 5 du Code civil, l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble le principe de la prohibition des arrêts de règlement ;
" 2° alors, subsidiairement, que l'astreinte dont le juge peut assortir sa décision de condamnation ne présente aucun caractère indemnitaire et ne constitue qu'un moyen de pression destiné à inciter le débiteur à exécuter la décision prise à son encontre ;
" que, dès lors, en estimant qu'en prononçant une astreinte pour sanctionner tout nouvel usage de la marque, le juge civil avait, en l'espèce, d'ores et déjà statué sur les manifestations ultérieures du litige originaire dont il était saisi, la cour d'appel a violé les articles 33 à 36 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;
" 3° alors, subsidiairement, que seule la liquidation de l'astreinte, prononcée par le juge de l'exécution, conformément à l'article 35 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, emporte allocation d'une somme d'argent au créancier de l'obligation assortie de l'astreinte ;
" qu'ainsi, en l'espèce, en estimant que par le prononcé d'une astreinte pour sanctionner tout usage ultérieur de la marque contrefaite, le juge civil avait d'ores et déjà statué sur les préjudices résultant d'actes de contrefaçon postérieurs à la saisie-contrefaçon du 10 octobre 1990, ayant donné lieu au jugement du 22 juillet 1992, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 4° alors, subsidiairement, qu'une action en référé ne peut s'analyser en une action en justice au sens de l'article 5 du Code de procédure pénale ;
" que, dès lors, si la cour d'appel a entendu déduire de la saisine du juge des référés l'existence d'une action en dommages et intérêts rendant irrévocable l'option prise par la partie civile, en application de la règle una via electa, ladite Cour a violé l'article 5 susvisé " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que la règle prévue par l'article 5 du Code de procédure pénale n'est applicable à la victime d'une infraction que si l'action qu'elle a portée devant la juridiction civile comporte une identité de cause et d'objet avec celle exercée par elle contre la même partie devant le tribunal correctionnel ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la société Ivoclar, titulaire de marques déposées pour désigner du matériel de prothèse dentaire qu'elle commercialise au moyen d'un réseau de distribution sélective, s'est plainte de la vente par correspondance de produits identiques revêtus de ces marques par Marcel X... ;
Que sur la base d'un procès-verbal de saisie-contrefaçon du 10 octobre 1990, elle l'a fait assigner en contrefaçon de marques devant la juridiction civile ; que par jugement du 22 juillet 1992, confirmé par la cour d'appel le 10 janvier 1995, le tribunal a notamment condamné Marcel X... à indemniser la société Ivoclar, et lui a interdit de faire usage des marques appartenant à celle-ci sous astreinte de 1 000 francs par infraction constatée ;
Attendu qu'au cours de l'instance d'appel, et sur la base d'un procès-verbal d'huissier, dressé le 27 novembre 1992 à l'occasion de l'exécution du jugement, la société Ivoclar, se plaignant de la réitération du délit, a fait directement citer Marcel X... devant le tribunal correctionnel pour contrefaçon de marques ainsi que pour bris de scellés des produits marqués précédemment saisis ;
Attendu que, pour accueillir l'exception régulièrement soulevée par le prévenu, fondée sur l'article 5 du Code de procédure pénale, et dire irrecevable l'action civile de la victime en contrefaçon, l'arrêt attaqué qui a néanmoins statué sur l'action publique de ce chef de délit énonce que bien que certains faits visés dans la citation directe soient postérieurs à ceux soumis à la juridiction civile, les 2 actions intentées entre les mêmes parties présentent une identité de cause et d'objet dès lors que " le juge civil a statué sur les manifestations ultérieures du même litige " en sanctionnant par une astreinte tout nouvel usage illicite de marque ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action portée par la victime devant le tribunal correctionnel n'avait pas pour objet la réparation du même délit que celui déféré à la juridiction civile, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
I. Sur le pourvoi de Marcel X... :
Le REJETTE ;
II. Sur le pourvoi de la société Ivoclar :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions civiles relatives à la contrefaçon de marque, l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, du 17 février 1995, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy.


Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Electa una via - Conditions d'application - Identité de parties, d'objet et de cause - Action devant le juge civil en contrefaçon de marque - Action civile dans une poursuite pour réitération de la contrefaçon.

La règle prévue par l'article 5 du Code de procédure pénale n'est applicable à la victime d'une infraction que si l'action qu'elle a portée devant la juridiction civile comporte une identité de cause et d'objet avec celle exercée par elle contre la même partie devant le tribunal correctionnel. Encourt dès lors la censure l'arrêt qui, dans une poursuite pour contrefaçon de marque, accueille l'exception d'irrecevabilité de l'action civile fondée sur ce texte aux motifs que le juge civil, déjà saisi par la victime de faits antérieurs de contrefaçon commis par le prévenu, a sanctionné par une astreinte tout nouvel usage illicite de marque.


Références :

Code de procédure pénale, art. 5

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre correctionnelle), 17 février 1995


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 20 mar. 1996, pourvoi n°95-82255, Bull. crim. criminel 1996 N° 118 p. 345
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 118 p. 345
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Composition du Tribunal
Président : Président : M. Jean Simon, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Galand.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocat : M. Guinard, M. Cossa.

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 20/03/1996
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 95-82255
Numéro NOR : JURITEXT000007067991 ?
Numéro d'affaire : 95-82255
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1996-03-20;95.82255 ?
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