AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Brigitte Y..., épouse Z..., demeurant ..., La Chevauché, 19200 Ussel, agissant tant en son nom personnel qu'ès qualité d'administratrice légale de ses enfants : Bertrand, né le 3 juillet 1986 et Julie, née le 19 octobre 1989, en cassation d'un arrêt rendu le 27 mai 1993 par la cour d'appel de Limoges (2e chambre civile), au profit :
1 / de M. Didier X..., demeurant ...,
2 / de la société Transports Eizat, société anonyme, dont le siège est ...,
3 / de la compagnie d'assurance Présence assurances, dont le siège est ...,
4 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Corrèze, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 janvier 1996, où étaient présents : M. Zakine, président, M. Dorly, conseiller rapporteur, M. Michaud, conseiller, M. Tatu, avocat général, Mme Claude Gautier, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dorly, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de Mme Z..., de la SCP Célice et Blancpain, avocat de M. X..., de la société Transports Eizat et de la compagnie d'assurance Présence assurances, les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 27 mai 1993), qu'une collision de sens inverse est survenue entre l'automobile de M. Z... et l'ensemble routier de la société transports Eizat (la société) conduit par M. X... ;
que M. Z... a été tué dans l'accident ;
que Mme Z..., en son nom et celui de ses deux enfants mineurs, a demandé réparation des préjudices à M. X..., à la société et à leur assureur, la compagnie Présence assurances ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ces demandes, alors, selon le moyen, que, d'une part, les fautes prouvées à l'égard du conducteur du poids lourd sont la cause exclusive de l'accident ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pu - sans se contredire - retenir, d'un côté, que M. X... qui pilotait un ensemble routier ne se serait pas trouvé au lieu de l'accident si ce dernier n'avait pas enfreint tant la législation interdisant aux véhicules d'un PTAC supérieur à six tonnes de circuler avant 22 h 00 le dimanche, que l'interdiction de conduire avant cette même heure résultant de la suspension de son permis de conduire, et, d'un autre côté, que ces infractions ne peuvent être retenues comme ayant joué un rôle causal direct dans la génèse de l'accident ;
qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
que, d'autre part, la cour d'appel a omis de répondre à un chef déterminant des conclusions d'appel de Mme Z... faisant valoir que M. X... n'a pas assez serré sur le côté droit de la chaussée, le point de choc étant situé par les gendarmes sur l'axe médian de la chaussée ;
qu'ainsi, M. Z..., qui se trouvait dans son couloir de circulation, n'a pas empiété sur celui réservé aux véhicules circulant en sens inverse ;
qu'ici encore la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
qu'enfin, il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. X... conduisait en état d'ivresse, que ses pneus étaient usagés, qu'il n'a tenté aucune manoeuvre d'évitement, circonstances propres à établir la faute du conducteur du poids lourd, causes exclusives de l'accident ;
qu'en refusant de tirer de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient nécessairement la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'au moment du choc le véhicule de M. Z... avait franchi l'axe médian de la chaussée et que le poids lourd, dont les pneus n'étaient pas défectueux, roulait normalement dans son couloir de circulation, et énonce que la circonstance que M. X... conduisait avec un taux d'alcoolémie de 2,07 g un véhicule qui, vu son poids total avec charge (PTAC), et la mesure de suspension de son permis de conduire dont son chauffeur faisait l'objet, n'aurait normalement pas dû circuler à cette heure ce jour là , était étrangère à la survenance de l'accident ;
Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si M. X... pouvait éviter l'accident, répondant aux conclusions, hors de toute contradiction et justifiant légalement sa décision, a pu déduire que les infractions commises par M. X... ne pouvaient être retenues comme ayant joué un rôle causal dans l'accident, et décider que la faute de M. Z... excluait l'indemnisation de ses ayants-droit ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z..., envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février mil neuf cent quatre-vingt-seize.
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