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27/02/1996 | FRANCE | N°95-82150

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 février 1996, 95-82150


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept février mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Pierre, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 7 mars 1995, qui, pour violences

avec préméditation, l'a condamné à la peine de 4 000 francs d'amende et a prononc...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept février mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Pierre, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 7 mars 1995, qui, pour violences avec préméditation, l'a condamné à la peine de 4 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 460, 513 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que, lors des débats qui se sont déroulés à l'audience du 7 février 1995, le prévenu a présenté ses moyens de défense avant l'audition du ministère public ;

"alors que, selon l'article 513, alinéa 3, du Code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 4 janvier 1993, les parties en cause ont la parole dans l'ordre prévu par l'article 460 du même Code ;

qu'il en résulte que la défense du prévenu doit être présenté après les réquisitions du ministère public ;

qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que le prévenu a été astreint à présenter sa défense avant les réquisitions du ministère public, l'atteinte ainsi portée à ses intérêts ne pouvant être réparés par la mention qu'il a eu la parole en dernier de sorte que la cassation est encourue" ;

Attendu qu'il appert des mentions de l'arrêt attaqué, qu'ont été entendus dans l'ordre et successivement : le prévenu en ses interrogatoires et moyens de défense, l'avocat de la partie civile en sa plaidoirie, l'avocat général en ses réquisitions, puis l'avocat du prévenu en sa plaidoirie et le prévenu à nouveau qui a eu la parole en dernier ;

Attendu qu'en cet état l'ordre de parole prévu par l'article 513 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993, n'a pas été méconnu ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 309 de l'ancien Code pénal, des articles 111-3, 111-4, 112-1 et 222-16 du nouveau Code pénal, des articles 388, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre X... coupable d'avoir à Paris, courant 1992 et 1993, par des appels téléphoniques malveillants ou agressions sonores réitérées, troublé la tranquillité d'autrui, en répression l'a condamné à la peine de 4 000 francs d'amende et l'a condamné à des dommages-intérêts envers la partie civile, Pierre Y... ;

"aux motifs, d'une part, que l'article 222-16 du Code pénal, loin de créer une infraction nouvelle comme il est affirmé maladroitement dans une circulaire, érige seulement en délit distinct des faits qui étaient antérieurement punis par l'article 309 ancien et les réprime d'un an d'emprisonnement et de 100 000 d'amende ; qu'en effet une jurisprudence constante qualifie de violence "les appels téléphoniques multiples et intempestifs dans le but de troubler l'existence de la personne appelée" ;

que cette jurisprudence est très proche dudit article 222-16, quoique certains commentateurs estiment ce dernier article plus sévère dans son incrimination ;

qu'en conséquence, pour respecter les principes fondamentaux de l'article 112-1, la Cour appliquera l'incrimination de l'article 309 en vigueur au moment des faits et les peines plus douces de l'article 222-16 ;

"aux motifs, d'autre part, que Jean-Pierre X... a dû reconnaître avoir passé des appels téléphoniques pendant le mois de février 1992 se répartissant en 7 appels au cabinet et 3 au domicile du docteur Y..., en général vers 20 heures ;

que ces appels ayant été enregistrés, il était impossible pour le prévenu de les nier ;

qu'en outre, il a été également enregistré des appels en provenance de cabines téléphoniques ;

qu'il s'agit également d'appels anonymes comme dans le cas précédent ;

qu'il peut donc être admis que certains de ces appels ont été multiples et réitérés, une dizaine d'appels anonymes suffisent à les caractériser ainsi ;

que Jean-Pierre X... a soutenu que ces appels avaient pour but de vérifier si son épouse ne se trouvait pas chez le docteur Y... ;

que cette explication est parfaitement illogique puisque, d'une part, ces appels étaient anonymes, Jean-Pierre X... se gardant de prendre la parole, d'autre part, en raison de ce qu'on ne peut imaginer qu'une femme adultère réponde à la place de son amant, surtout à son propre cabinet ;

qu'il en résulte que ces appels avaient pour seul but de troubler l'existence du docteur Y..., étant précisé qu'il est particulièrement insupportable et même traumatisant de recevoir des appels téléphoniques sans interlocuteur ;

que leur réitération établit leur préméditation ;

"alors, d'une part, que les dispositions des lois ou règlements, même non expressément abrogés, cessent d'être applicables dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle ;

que sous l'empire de l'ancien Code pénal, les "persécutions téléphoniques" ne pouvaient être poursuivies sous le visa de l'article 309 que si elle constituaient des violences avec préméditation dès lors qu'en raison de leur multiplicité et de leur caractère agressif, elles étaient de nature à provoquer un choc émotif ;

que selon les termes de la circulaire du 14 mai 1993, l'article 222-16 du nouveau Code pénal a créé une infraction nouvelle et autonome réprimant les appels téléphoniques malveillants ou les agressions sonores réitérées en vue de troubler la tranquillité d'autrui ;

que d'évidence, les dispositions de la loi nouvelle sont inconciliables avec celles de la loi ancienne puisque les éléments constitutifs des deux infractions ne sont pas identiques et que, dès lors, les dispositions de l'article 309 de l'ancien Code pénal cessaient d'être applicables aux agressions téléphoniques en sorte que l'arrêt attaqué ne pouvait fonder sa décision, sur la culpabilité, sur les dispositions de la loi ancienne ;

"alors, d'autre part, qu'en l'état des énonciations de l'ordonnance de renvoi visant la nouvelle infraction de l'article 222-16, les éléments constitutifs étaient différents de ceux de la loi ancienne dont l'abrogation était expressément constatée, la cour d'appel ne pouvait, en dehors de toute comparution volontaire du prévenu, se saisir d'office de faits constituant le délit de l'article 309 de l'ancien Code pénal appliqué aux agressions téléphoniques ;

"alors, enfin, que pour être constitué, le délit de coups, violences ou voies de fait commis avec préméditation suppose, sinon la constatation d'une incapacité de travail personnelle, du moins la constatation que les faits soient de nature à causer un choc émotif excluant le simple trouble léger et que la seule considération abstraite "qu'il est particulièrement insupportable et traumatisant de recevoir des appels téléphoniques sans interlocuteur" ne permet pas de caractériser un tel effet en sorte que la cassation est encourue" ;

Attendu que pour retenir la culpabilité du prévenu du chef de l'article 309, alinéa 2, du Code pénal en vigueur au moment des faits, les juges relèvent que la victime des appels téléphoniques malveillants a subi une émotion violente qui l'a perturbée gravement ;

qu'ils ajoutent que ce comportement, qui entre dans les prévisions de l'article 222-16 du Code pénal applicable depuis le 1er mars 1994, s'agissant d'appels téléphoniques malveillants en vue de troubler la tranquilité d'autrui, doit être sanctionné des peines moins sévères prévues audit article, conformément aux dispositions de l'article 112-1 du Code pénal ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la Cour a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Milleville conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Pibouleau conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pinsseau, Joly, Mme Françoise Simon, MM. Challe, Mistral conseillers de la chambre, MMes Fossaert-Sabatier, de la Lance, M.

Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, M. Arnoult greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-82150
Date de la décision : 27/02/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le second moyen) COUPS ET VIOLENCES VOLONTAIRES - Violences - Définition - Atteinte naturelle ou incapacité - Nécessité (non) - Appels téléphoniques réitérés - Sanction - Article 222-16 du code pénal - Peines moins sévères (article 112-1 2e alinéa du code pénal).


Références :

Code pénal 222-16, 112-1
Code pénal ancien 309

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12ème chambre, 07 mars 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 fév. 1996, pourvoi n°95-82150


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.82150
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