AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Fiat auto France, dont le siège social est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 15 janvier 1993 par la cour d'appel de Lyon (3e Chambre), au profit :
1 / de la société Pyramide, société anonyme, dont le siège social est ... Vaise,
2 / de la société Garnier, dont le siège social est ...,
3 / de M. Bruno Y..., administrateur judiciaire, pris en sa qualité de syndic du règlement judiciaire et en tant que commissaire à l'exécution du plan de la continuation de la société Pyramide, domicilié ...,
4 / de M. X..., administrateur judiciaire, pris en sa qualité de représentant des créanciers de la société anonyme Pyramide, domicilié ..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 1996, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Edin, Grimaldi, Apollis, Mme Clavery, MM. Lassalle, Badi, Armand-Prevost, conseillers, MM. Le Dauphin, Rémery, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Tricot, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la société Fiat auto France, de Me Ricard, avocat de la société Pyramide, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Lyon, 15 janvier 1993), que la société Garage La Pyramide a assigné, le 26 avril 1991, la société Fiat auto France devant le tribunal de commerce de Lyon pour que soit prononcée, au tort de la société condédante, la "résolution" du contrat de concession de vente qui les liait ;
qu'après ouverture du redressement judiciaire de la société Garage La Pyramide par le tribunal de commerce de Lyon, le 15 mai 1991, son administrateur judiciaire a repris l'instance ;
que celui-ci ayant présenté, le 13 juin 1991, une requête aux fins de continuation du contrat en application de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, le juge-commissaire a autorisé, le 12 juillet 1991, la société Garage La Pyramide et son administrateur devant le tribunal de commerce de Paris en invoquant la clause contractuelle d'attribution de juridiction, pour faire constater la résiliation du contrat de concession de vente ;
que, dans la présente instance engagée le 26 avril 1991 par la société Garage La Pyramide devant le tribunal de commerce de Lyon, celui-ci a rejeté les exceptions d'incompétence territoriale et de connexité soulevées par la société Fiat auto France au profit du tribunal de commerce de Paris et, se déclarant compétent, a sursis à statuer sur le fond dans l'attente de la décision à intervenir dans l'instance engagée sur le recours formé contre l'ordonnance du juge-commissaire du 12 juillet 1991 ;
que la société Fiat auto France a formé contredit et demandé le renvoi de l'affaire devant les juridictions parisiennes, juges du contrat ;
Attendu que la société Fiat auto France reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, que la décision à intervenir du tribunal de commerce de Lyon, sur opposition à une ordonnance du juge-commissaire ayant décidé la continuation du contrat de concession, est sans influence sur le litige engagé par la société concessionnaire avant l'ouverture de la procédure collective et ayant pour objet la résiliation du contrat de concession aux torts du concédant, le Tribunal n'ayant, en effet, que le pouvoir de statuer sur la seule contestation relative à la continuation du contrat et ne pouvant se prononcer sur les éventuels manquements contractuels du concédant avant le redressement judiciaire ;
qu'ainsi, en statuant comme elle a fait afin d'écarter l'exception d'incompétence territoriale fondée sur la clause attributive de compétence stipulée au contrat de concession, la cour d'appel a violé les articles 174 du décret du 27 décembre 1985 et 48 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'à l'occasion de la procédure collective de la société Garage La Pyramide, la société Fiat auto France s'était vue contrainte, par une ordonnance du juge-commissaire, de poursuivre l'exécution de ses obligations contractuelles et constaté que la société Garage La Pyramide avait demandé, avant l'ouverture de sa procédure collective, la résiliation du contrat en raison d'infractions imputées à la société concédante, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985, écartant ainsi le jeu de la clause attributive de compétence convenue entre les parties, en énonçant que le recours formé contre cette ordonnance relative à la continuation du contrat exerçait une influence sur la demande de résiliation du même contrat ;
d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur les demandes présentées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que la société Fiat auto France sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 15 000 francs et que la société Garage La Pyramide demande, sur le même fondement, le versement d'une somme de 10 000 francs ;
Attendu qu'il y a lieu de rejeter la première demande et d'accueillir la seconde ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Fiat auto France à payer à la société Garage La Pyramide la somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette la demande présentée par la société Fiat auto France sur le fondement du même texte ;
La condamne aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt février mil neuf cent quatre-vingt-seize.