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08/02/1996 | FRANCE | N°94-85106

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 février 1996, 94-85106


REJET des pourvois formés par :
- X... Chantalle, épouse Y...,
- l'administration des Douanes et droits indirects, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 6 octobre 1994 qui, pour infraction à la législation des contributions indirectes, a condamné la première à des pénalités fiscales, et, après relaxe partielle, n'a pas fait droit entièrement aux demandes de la seconde.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation pr

oposé par Chantalle X... et pris de la violation de l'article 8 de la Déclaration ...

REJET des pourvois formés par :
- X... Chantalle, épouse Y...,
- l'administration des Douanes et droits indirects, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 6 octobre 1994 qui, pour infraction à la législation des contributions indirectes, a condamné la première à des pénalités fiscales, et, après relaxe partielle, n'a pas fait droit entièrement aux demandes de la seconde.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par Chantalle X... et pris de la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, du principe de proportionnalité des peines, à valeur constitutionnelle, de l'article 1804 du Code général des impôts, article 35-2 du règlement de la CEE, daté du 16 mars 1987, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué après avoir déclaré la prévenue coupable d'insuffisance de livraison de prestation d'alcool vinique, l'a condamnée en application de l'article 1804 du Code général des impôts à une pénalité proportionnelle de 33 282, 60 francs ;
" alors, d'une part que l'arrêt attaqué ne pouvait, sans se contredire, affirmer que les dispositions de l'article 1804 du Code général des impôts qui sanctionnent la violation des dispositions législatives et réglementaires relatives aux mesures prises pour l'amélioration de la qualité des vins s'appliquent en cas de méconnaissance du règlement CEE 822-87 qui a pour objet, selon son préambule, de prévoir la distillation obligatoire des marcs et des lies et de viser ainsi à l'amélioration de la qualité des vins, tout en ayant précédemment relevé que si l'article 35-2 dudit règlement impose à tout vinificateur la livraison des marcs et des lies calculée en fonction d'un certain pourcentage spécifique à la région concernée, il autorise néanmoins, en cas d'insuffisance de marcs et de lies, le producteur à s'acquitter de son obligation par des livraisons de vins issus de sa propriété ; que la décision est ainsi privée de toute base légale ;
" alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, le principe de la proportionnalité des peines prévu par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme, à valeur constitutionnelle, s'applique aux sanctions fiscales ; que dès lors, la pénalité proportionnelle prévue par l'article 1804 du Code général des impôts, dont le montant est compris entre 1 fois et 3 fois la valeur des vins sur lesquels a porté la fraude doit être fonction de la gravité des faits commis ; que dès lors, les juges d'appel ne pouvaient pas, sans méconnaître le principe susvisé, sanctionner par une pénalité proportionnelle égale à une fois la valeur des vins, l'insuffisance de livraison de prestations d'alcool vinique au cours de la campagne 1990-1991, cette sanction de 33 282, 60 francs étant manifestement excessive eu égard à l'omission concernant seulement 753 litres " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par l'administration des Douanes et droits indirects, pris de la violation des articles 35 du règlement CEE 827-87 du 16 mars 1987, 2 du règlement CEE 3105-88 du 7 octobre 1988, de l'arrêt du 19 décembre 1990, des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 59-125 du 7 janvier 1959, de l'article 1804 du Code général des impôts, de l'article L. 238 du Livre des procédures fiscales, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, refus de statuer, défaut et contradiction de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Chantalle Y... des faits dénoncés à la poursuite en tant que ces faits concernaient les campagnes 1988 / 1989, 1989 / 1990 et 1991 / 1992 et rejeté en conséquence les demandes de la Direction générale des Douanes et droits indirects ;
" aux motifs qu'il appartient à l'administration fiscale, partie poursuivante, lorsque les textes font l'objet d'une interprétation favorable aux assujettis, d'établir le contenu de la règle coutumière ainsi appliquée dans tous ses éléments ; qu'à défaut de preuve de l'usage dérogatoire, la juridiction répressive ne peut écarter la prise en compte des livraisons de marcs réellement effectuées par Chantalle Y... ; que les obligations de Chantalle Y... s'élevaient à 3, 23 hl pour l'année 1988 / 1989, 3, 13 hl pour l'année 1989 / 1990, 9, 20 hl pour l'année 1990 / 1991 et 1, 86 hl pour l'année 1991 / 1992 ; que pour ces 4 années, les livraisons de marcs ou lies effectuées par Chantalle Y... se sont élevées, en quantité d'alcool pur, respectivement à 5, 21 hl, 6, 92 hl, 1, 67 hl et 5, 09 hl ; que Chantalle Y... a donc satisfait à ses obligations pour les années 1988 / 1989, 1989 / 1990 et 1991 / 1992 ; que pour la campagne 1990 / 1991, l'insuffisance de livraison est égale à (9, 20 hl 1, 67 hl) 7, 53 hl ;
" alors que, premièrement, dès lors que la norme à respecter découle d'un usage, il appartient au juge répressif de vérifier le contenu de cet usage, au besoin en procédant à un supplément d'instruction, sans pouvoir refuser de statuer, au motif que cet usage ne serait pas établi ; que de ce premier point de vue déjà, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
" alors que, deuxièmement, les juges du fond ne pouvaient, sans contradiction, énoncer que la preuve de l'usage n'était pas établie, dès lors qu'ils constataient que 2 abattements de 50 % étaient pratiqués, le premier pour tenir compte de ce que les viticulteurs détruisent eux-mêmes leurs marcs, le second pour prendre en considération le fait que les lies légères sont distillées avec les vins ;
" alors que, troisièmement, les juges du fond ne pouvaient décider que Chantalle Y..., pour 3 des exercices, avait satisfait à ses obligations, sans constater préalablement les moyens de preuve produits par l'intéressée à l'effet de combattre les constatations des procès-verbaux, lesquels font foi jusqu'à preuve contraire ; d'où il suit que l'arrêt attaqué est privé de base légale au regard de l'article L. 238 du Livre des procédures fiscales ;
" alors que, quatrièmement, l'obligation de livrer à la distillerie pesant sur l'exploitant porte, non seulement sur les marcs, mais également sur les lies ; qu'en omettant de rechercher au cas d'espèce si Chantalle Y... avait satisfait à ses obligations tant en ce qui concerne les marcs que les lies, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que Chantalle X..., épouse Y..., est poursuivie sur citation directe de l'Administration, en application des articles 35 du règlement CEE 822-87 du 16 mars 1987, 2 et 4 du règlement CEE 3105-88 du 7 octobre 1988, 1er et 2 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, ainsi que des articles 1959 et 1804 du Code général des impôts, pour défaut et insuffisance de livraisons à la distillerie de sous-produits provenant de la vinification de ses récoltes de 4 campagnes ;
Attendu que, pour condamner la prévenue à une amende fiscale de 500 francs et à une pénalité proportionnelle de 33 282, 60 francs du chef d'insuffisance de livraisons de prestations d'alcool vinique concernant la seule campagne 1990 / 1991, et la renvoyer des autres chefs de la poursuite, la cour d'appel rappelle d'abord qu'en vertu du règlement CEE 822-87, visant à l'amélioration de la qualité des vins, toute personne ayant procédé à une vinification est tenue de livrer à un distillateur agréé la totalité des sous-produits issus de cette vinification, qui doivent comporter une quantité d'alcool au moins égale à 10 % du volume d'alcool contenu dans le vin obtenu par vinification directe des raisins, complétée, en cas d'insuffisances de marcs et lies, par des livraisons de vin de sa propre production ;
Attendu que l'arrêt attaqué relève ensuite que, dans la région délimitée de Cognac, l'Administration, prenant en considération les usages locaux de distiller une partie des lies avec les vins, au titre des dérogations autorisées, par le dernier alinéa de l'article 35-2 du règlement précité, pour certaines catégories de producteurs et certaines régions de production, admet une première déduction de 50 % du total des prestations normalement dues, pour tenir compte des marcs détruits sur place, puis, sur le chiffre ainsi obtenu, une réfaction de 50 %, pour tenir compte des lies distillées avec le vin, pourvu cependant que la récolte globale n'excède pas le rendement maximal autorisé de 100 hl à l'hectare ;
Attendu que, pour écarter les prétentions de l'Administration qui, tout en reconnaissant l'existence de cette dérogation, soutenait qu'en cas d'application du double abattement forfaitaire, la quantité des marcs effectivement livrée à la distillation ne fait pas disparaître l'obligation de livrer les lies, les juges énoncent qu'il appartient à la partie poursuivante, " non seulement d'indiquer les textes sur lesquels est fondée la poursuite, mais encore, lorsque ces textes, comme en l'espèce, font l'objet de manière habituelle d'une application interprétative à caractère dérogatoire favorable aux assujettis dans une aire géographique et des cas déterminés, d'établir le contenu de la règle coutumière ainsi appliquée, dans tous ses éléments " ; qu'à défaut d'une telle preuve, la cour d'appel appliquera sa propre interprétation de la règle coutumière ;
Attendu que réintégrant, dès lors, les livraisons de marcs effectuées par Chantalle X... dans le calcul des prestations viniques, la juridiction du second degré constate que, selon les chiffres non contestés de l'Administration figurant dans les procès-verbaux, Chantalle X... a satisfait à ses obligations, sauf en ce qui concerne la campagne 1990 / 1991 pour laquelle l'insuffisance de livraison ressort à 7, 53 hl ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations non contradictoires, déduites de son appréciation souveraine des éléments de fait et du contenu de la règle coutumière fondée sur des usages locaux non contraires à la loi, la cour d'appel, qui a prononcé une pénalité proportionnelle égale à la valeur des vins, objet de la fraude, par application de l'article 1804 du Code général des impôts, dont les juridictions répressives n'ont pas à apprécier la constitutionnalité, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que doivent être écartés tant le moyen de la prévenue que celui de l'Administration ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-85106
Date de la décision : 08/02/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Dispositions spécifiques à certaines marchandises ou prestations - Boissons - Vins - Règlement communautaire n° 822-87 - Obligation de livrer à la distillerie les sous-produits de la vinification - Marcs et lies - Dérogations - Usages locaux - Preuve - Interprétation - Office du juge.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - Règlements - Règlement n° 822-87 du 16 mars 1987 - Impôts et taxes - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Dispositions spécifiques à certaines marchandises ou prestations - Vins - Obligation de livrer à la distillerie la totalité des sous-produits de la vinification - Marcs et lies - Règle coutumière dérogatoire - Usages locaux - Preuve - Interprétation - Office du juge

LOIS ET REGLEMENTS - Règlement pris par la Communauté européenne - Dérogation - Usages locaux - Preuve - Interprétation - Office du juge

COMMUNAUTES EUROPEENNES - Impôts et taxes - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Dispositions spécifiques à certaines marchandises ou prestations - Vins - Règlement n° 822-87 - Obligation de livrer à la distillerie les sous-produits de la vinification - Marcs et lies - Dérogations - Usages locaux - Preuve - Interprétation - Office du juge

Les dérogations autorisées par le dernier alinéa de l'article 35-2 du règlement CEE n° 822-87, pour certains producteurs et certaines régions de production à l'obligation de livrer, à un distillateur agréé, la totalité des sous-produits de la vinification, peuvent résulter d'une règle coutumière interne, fondée sur des usages locaux et non contraire à la loi. Tel est le cas de l'usage, dans la région délimitée de Cognac, de distiller une partie des lies avec le vin. Lorsque l'administration fiscale refuse de consentir l'abattement forfaitaire, habituellement admis par elle pour tenir compte de ces usages locaux, sans établir de façon précise le contenu de la règle coutumière, il appartient au juge d'appliquer à celle-ci sa propre interprétation.


Références :

CGI 1959, 1804
Règlement 3105-88, art. 2, art. 4
Règlement 822-87 du 16 mars 1987, art. 35-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers (chambre correctionnelle), 06 octobre 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 fév. 1996, pourvoi n°94-85106, Bull. crim. criminel 1996 N° 71 p. 208
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 71 p. 208

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Galand.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Culié.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, M. Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:94.85106
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