AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Treilhard finance, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 22 mars 1994 par cour d'appel de Paris (1ère chambre section D), au profit de M. Daniel X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 décembre 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mlle Fossereau, conseiller rapporteur, MM.
Douvreleur, Deville, Chemin, Fromont, Villien, Mme Y..., M. Peyrat, conseillers, Mmes Cobert, Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mlle le conseiller Fossereau, les observations de Me Capron, avocat de la société Treilhard finance, de Me Ricard, avocat de M. X..., les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 1994), que la société Treilhard finance a donné, suivant contrat du 6 décembre 1990 à M. X..., architecte, mission de déposer un permis de démolir et un permis de construire en vue d'une opération immobilière ; qu'il était stipulé qu'aucun honoraire ne serait dû si les dossiers de demandes n'étaient pas déposés le 15 décembre 1990, et le permis de démolir ainsi que celui de construire une certaine surface, obtenus le 15 avril 1991 ;
que les demandes de permis ont été déposées dans les délais, mais que le permis de démolir a été refusé ;
Attendu que la société Treilhard finance fait grief à l'arrêt de la condamner à payer les honoraires de l'architecte, alors, selon le moyen, "1 ) que l'obligation sous condition suspensive n'existant qu'en cas de réalisation de celle-ci, c'est au créancier qu'il revient de prouver que le débiteur en a empêché l'accomplissement ;
que, si la cour d'appel énonce que la société Treilhard finance n'a pas fourni les documents que lui réclamait la ville de Paris, elle ne justifie pas que cette société a, en agissant de la sorte, empêché la réalisation de la condition stipulée par le contrat du 6 décembre 1990 ;
qu'ayant donc dispensé M.
Daniel X... de rapporter la preuve qui lui incombait, elle a violé les articles 1178 et 1315 du Code civil ; 2 ) que la condition qui a défailli n'est réputée accomplie qu'à la condition que le débiteur, obligé sous cette condition, en ait empêché l'accomplissement ;
qu'il ressort des constatations, auxquelles procède la cour d'appel, que le permis de démolir a été refusé au motif que les locaux à usage d'habitation n'étaient pas libérés ;
qu'en faisant grief à la société Treilhard finance de n'avoir pas fourni certains documents à la ville de Paris, la cour d'appel, qui ne tire pas les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1134 et 1178 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le permis avait été refusé par la ville de Paris au motif que la libération des locaux à usage d'habitation n'avait pas été effectuée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant que la société Treilhard finance, qui s'était abstenue de fournir le mandat requis pour démolition, la liste des occupants, leurs titres d'occupation, leur accord de départ, documents réclamés par la ville et qui reconnaissait qu'aucun accord n'avait été conclu avec les occupants, ne pouvait se prévaloir de la non obtention du permis pour refuser le paiement des honoraires de M. X... ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour actualiser au jour du paiement le montant des honoraires en fonction de l'index d'ingénierie, l'arrêt retient que cette actualisation est stipulée au contrat ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il était contractuellement prévu que la revalorisation s'opérerait au jour de l'établissement de la note d'honoraires, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cette clause, a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il est équitable de laisser à la charge de la société Treilhard finance les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la somme de 200 000 francs serait actualisée au jour du paiement, l'arrêt rendu le 22 mars 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Dit n'y avoir lieu à indemnité en aplication de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la société Treilhard finance ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de M. X... ;
Condamne M. X..., envers la société Treilhard finance, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile , et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-seize.
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