AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Eddy Z..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 20 décembre 1991 par la cour d'appel de Douai (5e chambre sociale), au profit du Basket club maritime de Gravelines, domicilié Place du Polder, 59820 Gravelines, défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 novembre 1955, où étaient présents :
M. Gélineau-Larrivet, président, M. Frouin, conseiller référendaire rapporteur, MM. D..., Y..., B..., A...
C..., MM. Merlin, Desjardins, Finance, conseillers, M. X..., Mme Trassoudaine-Verger, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Frouin, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Z..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 122-3-8 du Code du travail ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. Z... a été engagé le 27 mai 1989, par contrat à durée déterminée de trois saisons, par le Basket club maritime (BCM) de Gravelines, en qualité de basketteur professionnel ; qu'ayant été victime d'un accident à l'entraînement le 23 février 1990, il a dû être opéré et un arrêt de travail lui a été prescrit jusqu'au 23 avril 1990 ;
que, n'ayant pas justifié auprès de son employeur la prolongation de son absence au-delà du 23 avril 1990, son contrat a été rompu par l'employeur pour faute grave le 16 juin 1990 ;
Attendu que, pour décider que la rupture du contrat de travail de M. Z... par le BCM de Gravelines était justifié par une faute grave et débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture anticipée et abusive de son contrat de travail, l'arrêt retient que de la date de l'expiration de son arrêt de travail, le 23 avril 1990, jusqu'au jour de la rupture, le 16 juin 1990, M. Z... n'a pas fait parvenir à son employeur un arrêt de prolongation, que la circonstance qu'il ait averti le 25 avril 1990 son entraîneur qu'il solliciterait, le 1er juin, jour de son rendez-vous avec lui, une prolongation auprès du professeur qui l'avait opéré, ne substitue en aucun cas la formalité d'envoi du certificat de prolongation d'arrêt de travail, dès l'expiration du précédent, que s'il est effectif que ledit professeur a avalisé la prolongation de l'arrêt de travail du 24 avril 1990 au 30 juin 1990, la cour d'appel, quels que soient les motifs invoqués, ne peut prendre en considération un tel certificat établi a posteriori pour justifier l'absence de M. Z..., ce dernier ayant la possibilité, dès le 24 avril 1990, de consulter un autre médecin à cet égard ;
qu'à titre surabondant, la cour d'appel relève que cette absence paraît d'autant plus suspecte que c'est sans l'accord de la Caisse au 1er juin 1990 et sans avis de prolongation d'arrêt de travail que M. Z..., dès le 3 juin 1990, s'est rendu à la Guadeloupe aux frais de son employeur selon le contrat et qu'il n'a pas retiré le 1er juin 1990 la lettre recommandée relative à son entretien préalable dans laquelle il lui était demandé de se présenter pour examiner sa situation ;
qu'il en résulte que l'absence non motivée de M. Z... pendant près de deux mois, à laquelle s'ajoutent les circonstances ci-dessus évoquées qui traduisent de sa part une volonté sérieuse et non équivoque d'abandonner son emploi, peu important que postérieurement le médecin ait fixé au 30 juin sa date de reprise de travail, M. Z... n'ignorant pas les formalités qui lui incombaient, en cas de maladie, constituait en l'espèce une faute grave d'autant que l'inexactitude qu'il a laissé peser sur la date de sa reprise n'a pas manqué de désorganiser la vie du club et la compétition de la saison ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait avisé l'employeur, à l'expiration de son arrêt de travail, de ce qu'il n'était pas apte à reprendre immédiatement le travail et que le seul fait du retard du salarié dans l'envoi d'un certificat de prolongation d'arrêt de travail ne suffisait pas à caractériser une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise jusqu'au terme du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que M. Z... sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 10 000 francs ;
Et attendu qu'il y a lieu d'accueillir la demande présentée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne le Basket club maritime de Gravelines à payer à M. Z... la somme de 10 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Le condamne également, envers M. Z..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Douai, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-seize.
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