AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Joël X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 27 mai 1992 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), au profit :
1 / du Centre de traitement électronique intercaisses de sécurité sociale -CETELIC- Nord-Artois, dont le siège est ...,
2 / de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales de la région Nord-Pas-de-Calais, prise en la personne de son directeur et en sa qualité de délégataire du Préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 novembre 1995, où étaient présents :
M. Gélineau-Larrivet, président, M. Brissier, conseiller rapporteur, MM. Lecante, Carmet, Boubli, conseillers, Mme Brouard, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Brissier, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de M. X..., de la SCP Célice et Blancpain, avocat du Centre de traitement électronique intercaisses de sécurité sociale -CETELIC- Nord-Artois, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que selon l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 27 mai 1992), M. X..., employé par le Centre de traitement électronique intercaisses de sécurité sociale, atelier Nord-Artois (CETELIC), a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que sa démission donnée par lettre du 16 mars 1990 n'était pas l'expression d'une volonté libre et non équivoque et pour obtenir sa réintégration ou à défaut, le paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes et d'avoir alloué au CETELIC une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le moyen, que, d'une part, la démission du salarié suppose une manifestation de volonté sérieuse et non équivoque, exclue lorsqu'elle est provoquée par des pressions de l'employeur ;
qu'en s'abstenant de rechercher si la remise, le dimanche 18 mars 1990, d'une lettre antidatée au 16 mars, soit avant la notification de la procédure de licenciement disciplinaire notifiée le 17 mars, au domicile personnel du directeur n'était pas inconciliable avec une volonté librement exprimée du salarié et aussi avec les modalités de rupture prévues par la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale, l'arrêt attaqué, dont il ressort que les garanties disciplinaires n'ont pas été accordées à M. X..., n'a pas légalement justifié la qualification de démission volontaire retenue au regard des articles L. 122-5 du Code du travail et 1134 du Coce civil ;
alors que, d'autre part, un licenciement reposant sur des faits auxquels l'employeur attribue une qualification de faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire et impose d'accorder au salarié les garanties d'ordre public prévues par le Code du travail ou la convention collective ;
que la procédure disciplinaire, mise en oeuvre par le CETELIC, visant l'article 48 de la convention collective, avec convocation à un entretien préalable fixé au 20 mars 1990, n'a pas eu lieu à la suite de l'entrevue, le dimanche 18 mars, au domicile du directeur, qui a obtenu, sous sa dictée, une seconde lettre de M. X... ; qu'en tirant de la première lettre de "démission", remise dans de telles conditions, que la gravité de la faute unilatéralement alléguée ne suffisait aucunement à normaliser, la déduction que le CETELIC avait pu priver M. X... des garanties d'ordre public de la procédure de licenciement disciplinaire, préalablement engagée et notifiée mais non menée à son terme, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 122-40 et L. 122-41 du Code du travail, ensemble et par fausse application l'article L. 122-5 du même code ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le salarié avait apporté une lettre de démission au domicile de son employeur et estimé qu'il n'établissait pas avoir fait l'objet de menace ou pression de la part de ce dernier pour l'amener à démissionner, la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., envers le Centre de traitement electronique intercaisses de sécurité sociale -CETELIC- Nord-Artois, et la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales de la région Nord-Pas-de-Calais, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du treize décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
5231