AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Etablissements Hentz, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 7 avril 1992 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre sociale), au profit de M. Jean-Pierre X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 novembre 1995, où étaient présents :
M. Gélineau-Larrivet, président, M. Boubli, conseiller rapporteur, MM. Lecante, Carmet, Brissier, conseillers, Mme Brouard, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Boubli, les observations de Me Blanc, avocat de la société Etablissements Hentz, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 avril 1992), que M. X..., salarié de la société Etablissements Hentz depuis 1974, a été licencié pour motif économique le 1er septembre 1989 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Etablissements Hentz fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 321-1-1 du Code du travail relatif à l'ordre des licenciements, alors, selon le moyen, d'une part, que le troisième alinéa de l'article L. 321-1-1 du Code du travail, qui énonce qu'en cas de licenciement individuel pour motif économique, l'employeur doit prendre en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères posés par l'alinéa premier du même article relatif à l'ordre des licenciements en cas de licenciement collectif pour motif économique, est entré en vigueur le 9 août 1989 et n'est pas applicable aux procédures de licenciement engagées avant cette date ;
que cette disposition n'était donc pas applicable en l'espèce, dès lors que la société Etablissements Hentz avait informé M. X... de son intention de le licencier et avait convoqué ce dernier pour un entretien préalable dès le 4 juillet 1989 (violation des articles 2 du Code civil, L. 321-1-1, alinéa 3, du Coce du travail et 36 de la loi n 89-549 du 2 août 1989) ;
alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse le salarié qui occupe un emploi n'ayant pas d'équivalent dans l'entreprise et qui fait l'objet d'une mesure de licenciement individuel pour motif économique en raison de la suppression de son emploi, ne peut se prévaloir, à l'encontre de son employeur, du fait que ce dernier n'aurait pas respecté l'ordre des licenciements ;
que, par suite, après avoir expressément constaté que MM. X... et Z... n'exerçaient pas des fonctions comparables dans la mesure où le premier, à la différence du second qui effectuait lui-même des travaux de tirage au même titre que les ouvriers qu'il était chargé de surveiller, se bornait à surveiller et à organiser le travail des ouvriers sans réaliser lui-même aucun travail de dorure ou de tirage, la cour d'appel ne pouvait, après avoir par ailleurs estimé que la réalité du motif économique invoqué par l'employeur et tiré de la suppression de l'emploi spécifique occupé par M. X... était établie, juger que ce dernier était fondé à reprocher à la société Etablissements Hentz de l'avoir licencié plutôt que M. Y... ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en vertu de l'article L. 321-1-1, du Code du travail dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, l'employeur est tenu de respecter les critères relatifs à l'ordre des licenciements et que cette obligation s'impose à lui même lorsque le licenciement est individuel ;
Attendu, en second lieu, que les critères relatifs à l'ordre des licenciements s'appliquent à l'ensemble du personnel de l'entreprise dans la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié dont l'emploi est supprimé ;
d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est aussi reproché à la cour d'appel d'avoir condamné la société Etablissements Hentz à payer à M. X... une somme de 39 129 francs à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le moyen, qu'un employeur n'est lié par les dispositions d'un accord collectif du travail que s'il a lui-même signé cet accord, s'il est adhérent d'un groupement d'employeurs qui l'a signé ou bien enfin si cet accord a fait l'objet d'un arrêté ministériel d'extension ;
qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait décider que la convention collective du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques était applicable en l'espèce dès lors qu'elle était applicable aux professionnels de la reliure-brochure-dorure en vertu d'un accord passé entre la Chambre syndicale nationale de la reliure-brochure-dorure et diverses organisations syndicales, sans relever également soit que la société Etablissements Hentz avait elle-même signé cet accord, soit qu'elle était adhérente d'un des groupements signataires, soit enfin que cet accord avait fait l'objet d'une mesure d'extension (défaut de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L. 133-8, alinéa 1 et L. 135-1 du Code du travail) ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé qu'il avait été définitivement jugé par le conseil de prud'hommes dont le jugement n'était pas frappé d'appel sur ce point, que la convention collective des imprimeries de labeur était applicable à l'entreprise ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Etablissements Hentz, envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du treize décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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