AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société SMAC Acieroid, société anonyme, dont le siège est 41, avenue du Centre, ..., en cassation d'un jugement rendu le 26 octobre 1993 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Chartres, au profit de l' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Eure-et-Loir, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 octobre 1995, où étaient présents :
M. Gélineau-Larrivet, président, M. Favard, conseiller rapporteur, MM. Gougé, Ollier, Thavaud, Mme Ramoff, conseillers, MM. Choppin X... de Janvry, Petit, conseillers référendaires, M. Martin, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Favard, les observations de Me Blondel, avocat de la société SMAC Acieroid, de Me Delvolvé, avocat de l'URSSAF d'Eure-et-Loir, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Chartres, 26 octobre 1993), qu'à la suite d'un contrôle portant sur la période 1989-1991, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales de l'établissement secondaire situé en Eure-et-Loir la valeur des vêtements de travail que la société SMAC Acieroid distribue à ses salariés une fois par an ;
que le tribunal des affaires de sécurité sociale a confirmé ce redressement ;
Attendu que la société SMAC Acieroid fait grief au jugement d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen, d'une part, que lorsque les juges du fond entendent retenir une pièce importante régulièrement versée aux débats pour asseoir leur décision, ils ne peuvent se contenter de faire état de certains éléments en gardant totalement le silence sur des données convergentes résultant du même document ayant une incidence directe sur la solution du litige ;
qu'il ressort du document faisant état d'un article qualifié :
"le nouveau look des vêtements de travail", que "les nouveaux vêtements de travail ont été conçus pour assurer aux compagnons protection et confort, tout en respectant les normes de sécurité et la réglementation en vigueur : protection contre les flammes, les coupures grâce à la résistance à la déchirure du tissu choisi..., protection contre les risques de feu et de brûlures par projection de bitume, grâce à un degré d'inflammabilité et son faible degré de fusibilité" ;
que, dans ses écritures, la société SMAC Acieroid insistait expressément sur ces données ;
qu'en gardant le silence sur leur incidence sur la solution du litige, le tribunal des affaires de sécurité sociale viole les articles 6, 7, 12 et 16 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 16 du décret n 65-48 du 8 janvier 1965 et l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ;
alors que, d'autre part, comme cela a aussi été soutenu par la société SMAC Acieroid, il ressortait très clairement d'une attestation émanant du fournisseur des vêtements en cause que le tissu utilisé possédait des caractéristiques particulières en liaison avec les différentes activités de la société SMAC Acieroid, de telle sorte que lesdits vêtements apportaient protection et sécurité aux salariés qui les portaient ;
qu'en l'état de ces données émanant d'un professionnel de haut niveau, le tribunal des affaires de sécurité sociale n'a pu, sans inverser la charge de la preuve et violer l'article 1315 du Code civil, se contenter de dire que "l'affirmation du fournisseur est insuffisante en elle-même pour établir la réalité de la protection et de la sécurité qui serait assurée par le vêtement" ;
alors qu'en outre, en cas de doute, s'agissant d'un aspect nécessairement très technique du dossier : oui ou non, les vêtements constituaient-ils des équipements de protection, le juge se devait, avant de pouvoir utilement débouter la société de sa demande, d'ordonner une mesure d'instruction pour faire le point ;
qu'en n'y recourant pas et en se contentant de motifs imprécis et inopérants pour rejeter le recours de la société SMAC Acieroid, le tribunal des affaires de sécurité sociale méconnaît derechef son office au regard de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, de l'article 16 du décret n 65-48 du 8 janvier 1965 et de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ;
alors qu'au surplus, il est notoire, ainsi que la société SMAC Acieroid le faisait valoir et sans que ses allégations à ce sujet aient été remises en cause par l'URSSAF, que ses salariés sont exposés à des dangers particuliers eu égard à l'activité de l'entreprise spécialisée dans le domaine de l'étanchéité supposant l'usage constant d'asphalte ;
qu'en affirmant que ladite société ne démontrait pas que ses salariés étaient exposés à un danger particulier nécessitant le port de vêtements spéciaux, le tribunal des affaires de sécurité sociale méconnaît les règles qui gouvernent la charge de la preuve et partant viole l'article 1315 du Code civil, en l'état d'une situation non contestée ;
et alors, enfin, que ce même tribunal n'a pu, sans se contredire en fait et donc méconnaître les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, relever que le tissu à partir duquel étaient confectionnés les vêtements litigieux présentait une résistance à la déchirure, à l'attaque des acides et aux abrasifs et affirmer par ailleurs qu'il n'est pas démontré une résistance particulière à l'acide ;
Mais attendu que le tribunal, qui n'était pas tenu d'ordonner une mesure d'instruction, a estimé, par une appréciation des éléments qui lui étaient soumis, que les vêtements considérés, dont il n'est pas démontré qu'ils offrent une résistance particulière à l'acide, aux produits en fusion ou à l'inflammabilité, sont destinés, par leur résistance à l'usure et aux salissures, à donner aux salariés un aspect impeccable, sous les couleurs et sous le sigle de la société SMAC Acieroid ;
qu'il a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que ces vêtements ne répondant pas à la qualification d'équipement de protection individuelle au sens de l'article 16 du décret n 65-48 du 8 janvier 1965, alors applicable, l'employeur devait cotiser sur leur valeur ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SMAC Acieroid, envers l'URSSAF d'Eure-et-Loir, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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