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07/12/1995 | FRANCE | N°92-45325

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 1995, 92-45325


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Gisèle X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 5 novembre 1992 par la cour d'appel de Paris (18ème chambre, section C), au profit de Mme Nathalie Y..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 octobre 1995, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Bourg

eot, conseiller référendaire rapporteur, M. Ferrieu, conseiller, M.

Frouin, c...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Gisèle X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 5 novembre 1992 par la cour d'appel de Paris (18ème chambre, section C), au profit de Mme Nathalie Y..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 octobre 1995, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, M. Ferrieu, conseiller, M.

Frouin, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Bourgeot, les observations de la SCP Gatineau, avocat de Mme X..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 1992) que Mme Y..., employée par Mme X... en qualité de secrétaire chargée de la réception et de l'entretien, a fait connaitre le 10 mai 1990 à son employeur son état de grossesse ;

qu'elle était licenciée le 19 mai 1990 et signait le 10 juillet 1990 un reçu pour solde de tout compte ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevables les demandes de la salariée en paiement de salaires et de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors, selon le moyen, premièrement, qu'il résulte de l'exposé des prétentions des parties devant la cour d'appel que Mme Y... s'est contentée d'invoquer la recevabilité de ses demandes en raison des irrégularités de forme qui auraient affecté le reçu pour solde de tout compte qu'elle avait signé mais non dénoncé ;

qu'elle n'a jamais soutenu ni qu'il convenait d'examiner si le licenciement dont elle avait fait l'objet était nul avant d'examiner la portée et l'effet du reçu pour solde de tout compte, ni que la nullité du licenciement entraînait celle du reçu pour solde de tout compte lui-même ;

qu'ainsi en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, deuxièmement, que dans tous les cas de licenciement, y compris celui d'une salariée en état de grossesse, le reçu pour solde de tout compte régulièrement établi et non dénoncé a un effet libèratoire et entraîne une forclusion ;

que lorsque le salarié qui a signé un reçu pour solde de tout compte non dénoncé, conteste son licenciement et réclame à son employeur différentes sommes à titre de rémunérations et d'indemnités, le juge doit, avant même de se prononcer sur le bien-fondé de ce licenciement, préalablement examiner la recevabilité de la demande du salarié et rechercher si cette demande ne porte pas sur des éléments dont le paiement a été ou a pu être envisagé au moment de la signature du reçu ;

qu'en se prononçant tout d'abord sur le bien-fondé du licenciement de Mme Y... sans examiner au préalable la recevabilité de sa demande et rechercher si les salaires et les dommages-intérêts qu'elle réclamait n'avaient pas été envisagés lors de la signature du reçu pour solde de tout compte, alors même que celui-ci visait les salaires et indemnités de toute nature qui seraient dûs au titre de l'exécution et de la cessation de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-17 du Code du travail ;

alors, troisièmement, que la signature par le salarié du reçu pour solde de tout compte vaut manifestation de volonté de sa part de renoncer aux demandes concernant les éléments de rémunération dont le paiement a été envisagé ou a pu être envisagé au moment du règlement de compte ; que la nullité du licenciement qui constitue un acte unilatéral de l'employeur ne peut entraîner la nullité du reçu pour solde de tout compte qui demeure parfaitement valable ;

qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et l'article L. 122-17 du Code du travail ;

alors, quatrièmement, que la mention manuscrite "pour solde de tout compte" a été apposée par Mme Y... après la mention dactylographiée selon laquelle la salariée reconnaissait avoir reçu de Mme X... la somme de 605 francs en paiement des salaires, accessoires de salaires, remboursement de frais et de toutes indemnités, quelqu'en soit la nature, qui lui étaient dûs au titre de l'exécution et de la cessation de son contrat de travail ;

que Mme Y... avait ainsi donné "solde de tout compte" pour l'ensemble du texte qui constituait son accord, peu important que cette mention manuscrite ait été séparée de sa signature par une courte mention relative au nombre d'exemplaires du reçu établi et au délai de dénonciation dudit reçu ; qu'en affirmant le contraire et en en déduisant que le reçu pour solde de tout compte était irrégulier, la cour d'appel a dénaturé ledit reçu et violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que la formulation du reçu pour solde de tout compte était ambigue et de nature à rendre celui-ci irrégulier, a par ce seul motif, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par le moyen, justifié sa décision ;

que le moyen ne saurait être accueilli dans aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la salariée diverses sommes à titre de salaires et de dommages-intérêts pour rupture abusive (outre les intérêts légaux à compter du prononcé du jugement), alors, selon le moyen, d'une part, que même en l'absence de faute grave, le licenciement d'une salariée en état de grossesse médicalement constaté n'est pas nul lorsque l'employeur justifie de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse, de maintenir le contrat ;

qu'il ressortait des termes mêmes de la lettre de licenciement et des conclusions d'appel de Mme X... que Mme Y... avait été engagée dans le cadre de l'embauche d'un premier salarié pour assurer à la fois les tâches de secrétariat, de réception et d'entretien du cabinet médical qu'elle assumait elle-même auparavant ; que compte tenu du cumul de ces tâches, il lui avait été consenti un salaire nettement supérieur à celui prévu par la convention collective, ce qui représentait un coût financier important pour l'employeur ;

qu'ainsi en ne recherchant pas si le refus par Mme Y... d'effectuer désormais l'entretien du cabinet médical ne s'opposait pas au maintien de son contrat de travail, dès lors, que du fait de ce refus, Mme X... aurait été dans l'obligation d'embaucher une autre salariée, ce qui était impossible compte tenu notamment de la charge financière supplémentaire qui en serait résultée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-25-2 du Code du travail ;

d'autre part, qu'en cas de licenciement d'une salariée en état de grossesse médicalement constaté et non justifié par une faute grave ou par l'impossibilité du maintien du contrat, les dommages-intérêts ne sont pas dûs du seul fait que l'employeur a procédé à un licenciement irrégulier ;

que ces dommages-intérêts ne peuvent être attribués qu'en l'absence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

qu'en accordant à Mme Y... des dommages-intérêts sans même rechercher si son licenciement n'était pas justifié comme le soutenait Mme X..., par une cause réelle et sérieuse de licenciement tenant notamment au refus de cette dernière d'effectuer désormais l'entretien du cabinet médical de Mme

X...

, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-5 et L. 122-30 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que l'employeur n'ayant invoqué dans sa lettre de licenciement qu'un motif disciplinaire, le moyen qui invoque des raisons économiques, est irrecevable ;

Attendu, ensuite, que par motifs adoptés des premiers juges, la cour d'appel a relevé que le licenciement de la salariée ne reposait pas sur un motif réel ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X..., envers Mme Y..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.

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Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 92-45325
Date de la décision : 07/12/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (18ème chambre, section C), 05 novembre 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 1995, pourvoi n°92-45325


Composition du Tribunal
Président : Président : M. WAQUET conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:92.45325
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