AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Christian X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 5 décembre 1991 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre, section A), au profit de la société Protecma, société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 octobre 1995, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Ferrieu, Monboisse, Finance, conseillers, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Boinot, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X..., de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la société Protecma, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Protecma a conclu le 21 avril 1989 avec M. X... un contrat de représentant exclusif soumis à la convention collective nationale interprofessionnelle des VRP, ce contrat prévoyant notamment la réalisation, à l'expiration de la période d'essai de trois mois, d'un chiffre d'affaires minimal de 90 000 francs par trimestre civil ;
qu'elle l'a licencié par lettre du 29 novembre 1989 pour défaut de rapport journalier, manque d'activité, quota insuffisant et visite irrégulière de la clientèle ;
que M. X... faisant valoir qu'il avait perçu une rémunération inférieure à la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5 de la convention collective nationale interprofessionnelle des VRP en cas d'emploi à temps plein, a alors saisi la juridiction prud'homale pour demander le paiement d'un rappel de salaire ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 212-4-3 et L. 122-42 du Code du travail et l'article 5-1 de la convention collective nationale interprofessionnelle des VRP du 3 octobre 1975 ;
Attendu, que, selon le dernier de ces textes, lorqu'un représentant de commerce est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il a droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à temps plein, à une ressource minimale forfaitaire ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappel de salaire, l'arrêt, après avoir relevé que le salarié n'avait jamais réalisé le quota de chiffre d'affaires contractuellement prévu, énonce que l'extrême faiblesse des commandes personnellement prises par l'intéressé, en sept mois, au nombre de sept selon l'employeur et de douze selon le VRP, crée une présomption d'activité réduite que confirme la circonstance qu'en tout état de cause M. X... n'a reçu aucune commande d'août à novembre 1989, et que, par ailleurs, l'intéressé, en s'étant abstenu de respecter les dispositions de son contrat de travail qui lui faisaient obligation d'adresser à son employeur des rapports d'activité journaliers, s'est mis dans l'incapacité d'établir que, comme son contrat lui en faisait également l'obligation, il visitait mensuellement un minimum de soixante clients et qu'ainsi la faiblesse de ses résultats n'était pas la conséquence d'une activité professionnelle réduite, qu'il résulte de l'ensemble des circonstances de l'espèce, que le salarié n'a pas rempli les conditions d'emploi effectif à temps plein au bénéfice de la société Protecma ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, en l'absence d'un écrit constatant l'existence d'un contrat de travail à temps partiel, le contrat qui avait lié les parties était présumé conclu pour un horaire à temps complet, justifiant le paiement de la ressource minimale forfaitaire prévue par la convention collective applicable, et qu'il incombait donc à l'employeur de rapporter la preuve de l'accord sur un temps partiel, et alors que, d'autre part, en procédant à une diminution de la rémunération du salarié sous prétexte que son travail était mal effectué, l'employeur pratiquait une sanction pécuniaire prohibée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ;
Attendu que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;
Attendu que, par son arrêt, la cour d'appel qui, infirmant la condamnation prononcée par les premiers juges, a ordonné le remboursement par M. X... des sommes qui lui avaient été versées par la société Protecma en exécution du jugement du conseil de prud'hommes, l'a condamné au paiement des intérêts au taux légal à compter du jour des versements ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne les rappels de salaire, d'indemnité de préavis et d'indemnité de congés payés, et les intérêts au taux légal sur les sommes restituées, l'arrêt rendu le 5 décembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Protecma, envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Rennes, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale , et prononcé par M. le président en son audience publique du sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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