AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Entreprises Saunier Duval-Bâtiment, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 11 mars 1992 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), au profit de M. Gérald X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 octobre 1995, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Bèque, conseiller rapporteur, M. Ransac, Mme Aubert, conseillers, Mmes Pams-Tatu, Barberot, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Bèque, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Entreprises Saunier Duval - Bâtiment, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 11 mars 1992) que M. X... a été engagé le 1er juillet 1969 en qualité de monteur électricien par la société nouvelle Sausset aux droits de laquelle se trouve depuis le 1er juillet 1983 la société Entreprises Saunier Duval Bâtiment ;
que le salarié ayant refusé un changement d'affectation, l'employeur a considéré qu'il était démissionnaire ;
que M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement des indemnités de rupture ;
Attendu que, l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité de préavis, alors, selon le moyen, d'une part, que méconnaît les termes du litige et viole les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui fonde sa solution aux motifs soulevés d'office qu'en informant M. X... de son changement de rattachement, l'employeur ne lui avait donné aucune précision sur les conditions dans lesquelles seraient pris en charge les déplacements supplémentaires qu'il devrait inévitablement accomplir pour venir prendre ses ordres au centre de Nangis et s'y approvisionner en matériels, tant sur le plan des horaires - pendant ou en dehors des heures de travail - que sur l'indemnisation des frais occasionnés pour le parcours Maizières-Nangis, et alors, d'autre part, que depuis 1987, le contrat de travail de M. X... stipulait : "Le lieu d'emploi :
compte tenu de la structure et des activités de la société Entreprises Saunier Duval et du groupe Entreprises Saunier Duval, vous pourrez être appelé à travailler sur l'ensemble des bureaux et chantiers de la société, tant sur le territoire métropolitain qu'à l'étranger, ainsi que dans les filiales de son groupe.
Votre lieu d'affectation et de rattachement est le centre de travaux de Maizières La Grande Paroisse" ;
qu'en l'état de cette clause de mobilité d'emploi, la cour d'appel ne pouvait purement et simplement considérer que le changement de quelques dizaines kilomètres du lieu de rattachement de l'intéressé aurait constitué une modification substantielle de son contrat de travail, parce que l'employeur n'aurait pas précisé les conditions dans lesquelles seraient pris en charge les déplacements supplémentaires du salarié pour venir prendre ses ordres au nouveau centre de rattachement et s'y approvisionner en matériels ;
que l'arrêt attaqué a, en effet, omis de s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de l'employeur faisant valoir que les déplacements en question auraient été effectués par le salarié "pendant son temps de travail, ce qui ne pouvait évidemment lui causer aucun préjudice", solution qui impliquait non seulement que le temps des déplacements était rémunéré, mais aussi que les frais de déplacements étaient supportés par l'employeur ;
qu'il s'ensuit que, faute de s'être expliqué sur ce moyen des conclusions d'appel de la société, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa solution au regard des articles 1134 du Code civil, L. 122-4, L. 122-8 et L. 122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu que, sans méconnaître les termes du litige, la cour d'appel, qui a estimé que le changement d'affectation constituait une modification portant sur une condition essentielle du contrat de travail, a exactement décidé que la rupture du contrat de travail, suite au refus du salarié d'accepter cette modification, s'analysait en un licenciement et ouvrait droit au profit du salarié aux indemnités de rupture ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Entreprises Saunier Duval - Bâtiment, envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du six décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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