AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean X..., demeurant place de l'Eglise, 07430 Vernosc-les-Annonay, en cassation d'un arrêt rendu le 19 novembre 1991 par la cour d'appel de Montpellier (1ère et 4ème chambres réunies), au profit de la société Corona, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 octobre 1995, où étaient présents :
M. Gélineau-Larrivet, président, Mme Ridé, conseiller rapporteur, MM. Ferrieu, Monboisse, Merlin, Desjardins, Finance, conseillers, MM. Frouin, Boinot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine-Verger, conseillers référendaires, M. Martin, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Ridé, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Corona, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 novembre 1991), que M. X... a été embauché le 29 octobre 1974 par la société Corona en qualité d'agent commercial "bâtiment" au coefficient 246 de la Convention collective nationale des industries chimiques ;
qu'il a été promu, par la suite, agent régional des ventes avec le coefficient 250 ;
qu'il a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, entretien qui a eu lieu le 12 mars 1984 ;
que le même jour, les parties ont signé une transaction, qui devait être datée du 21 mars et qui réglait les conséquences de la rupture du contrat de travail ;
que le 16 mars suivant, le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle ;
qu'il a saisi le conseil de prud'hommes de demandes en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnités complémentaires ;
que la société Corona a alors soutenu que la transaction avait mis fin à tout litige né de la rupture du contrat de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt, statuant sur renvoi après cassation d'un arrêt de la cour d'appel de Nîmes, d'avoir, pour apprécier les concessions réciproques conditionnant la validité de la transaction, considéré que M. X... ne pouvait prétendre à la qualité de cadre, mais uniquement à celle d'agent de maîtrise, alors d'une part, que l'insuffisance de motifs équivaut à une absence de motifs ;
qu'en affirmant que les fonctions réellement exercées par M. X... ne l'assimilaient ni à un représentant ni à un cadre sans préciser la teneur des activités du salarié comme pourtant l'y invitaient les conclusions de celui-ci, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
alors d'autre part, que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;
qu'en retenant qu'il y avait lieu de confirmer la décision des premiers juges qui reconnaissait la qualité de cadre de M. X... en raison de son activité comparable à celle de VRP tout en affirmant que ses fonctions ne l'assimilaient ni à un représentant ni à un cadre, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, répondant aux conclusions invoquées et motivant ainsi sa décision, a relevé que M. X... avait toujours été classé dans la catégorie "agents de maîtrise" depuis son embauche et que les fonctions qu'il exerçait effectivement dans l'entreprise ne l'assimilaient ni à un représentant, en l'absence de secteur fixe de prospection, ni à un cadre, puisqu'il ne disposait d'aucun pouvoir de commandement sur d'autres salariés, d'aucune délégation d'autorité de l'employeur ;
Attendu, ensuite, qu'une cour d'appel n'est réputée avoir adopté les motifs de la décision qu'elle confirme que si elle n'a pas expressément substitué d'autres motifs à ceux de cette décision ;
que la cour d'appel ayant expressément énoncé que le salarié n'avait pas la qualité de cadre, ce motif s'est trouvé substitué à celui des premiers juges selon lequel l'activité de l'intéressé était en tout point comparable à celle d'un VRP ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié reproche encore à la cour d'appel d'avoir déclaré valable la transaction et rejeté ses demandes alors que la transaction ne peut porter que sur des droits déjà nés et ne peut qu'être postérieure à l'acte de volonté par lequel il a été mis fin au contrat ;
qu'ainsi la transaction ne peut intervenir lors de l'entretien préalable au licenciement ;
qu'après avoir constaté que la notification du licenciement de M. X... était intervenue le 16 mars 1984 et que la transaction avait été conclue lors de l'entretien préalable du 12 mars 1984, ce dont il résultait nécessairement que la transaction avait porté sur des droits non encore nés et auxquels M. X... ne pouvait valablement renoncer par avance, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient au regard des articles 2044 du code civil et L. 122-14-7 du Code du travail ;
Mais attendu qu'une transaction peut être reconnue valable lorsqu'elle a été passée après l'entretien préalable et en raison d'un licenciement d'ores et déjà décidé et non contesté en son principe ; qu'ayant constaté que la transaction avait été conclue à l'issue de l'entretien préalable alors que la rupture du contrat de travail avait déjà été décidée en son principe par la société, ce dont le salarié avait été informé, la cour d'appel qui a, par ailleurs relevé l'existence de concessions réciproques, en a justement déduit que cette transaction était valable et s'opposait à ce qu'il soit statué sur les demandes du salarié ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., envers la société Corona, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du six décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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