AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Voyages Kuoni, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 5 novembre 1993 par la cour d'appel de Paris (21e Chambre, Section B), au profit de M. Rachid X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 octobre 1995, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Carmet, conseiller rapporteur, MM. Boubli, Brissier, conseillers, Mmes Girard-Thuilier, Brouard, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Carmet, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 7 novembre 1974 par la société Voyages Kuoni en qualité d'aide-comptable, puis promu adjoint au chef comptable en 1989, a été licencié pour motif économique le 19 mars 1991 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir écarté l'exception de fin de non-recevoir que la société Voyages Kuoni avait soulevée concernant la dénonciation par le salarié du reçu pour solde de tout compte, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 122-17 du Code du travail, la dénonciation de reçu pour solde de tout compte doit être "écrite et dûment motivée", que la lettre de dénonciation doit, en particulier, préciser les droits dont le salarié entend se prévaloir et les moyens sur lesquels il se fonde, que la dénonciation faite par le salarié ne remplissait pas ces conditions et qu'en la déclarant cependant recevable, la cour d'appel a violé les dispositions du texte précité ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le salarié avait dénoncé par lettre le reçu pour solde de tout compte qu'il avait signé, en indiquant qu'il considérait come abusif le motif économique de son licenciement, a exactement décidé que cette dénonciation répondait aux exigences de l'article L. 122-17 du Code du travail ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu que pour décider que le licenciement n'avait pas de motif économique, la cour d'appel a retenu que les résultats de l'exercice, connus postérieurement au licenciement, avaient révélé une situation bénéficiaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'appréciation des difficultés économiques doit se faire au jour du licenciement, la cour d'appel a violé le texte ci-dessus visé ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que, sur le fondement de ce texte, M. X... sollicite l'allocation d'une somme de 11 600 francs ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. X..., envers la société Voyages Kuoni, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Rejette la demande présentée par M. X... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-neuf novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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