AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Luigi X..., agissant tant en sa qualité de dirigeant de la société "Colani Design Bern", dont le siège est à Bern (Suisse), qu'en son nom propre, en cassation d'une ordonnance rendue le 16 septembre 1993 par le président du tribunal de grande instance de Castres qui a autorisé des agents de la Direction générale des Impôts à effectuer des visites et des saisies qu'il estimait lui faire grief,
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 octobre 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Geerssen, conseiller référendaire rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. de Gouttes, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Geerssen, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de M. X... et de la société Colani Design Bern, de Me Foussard, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, par ordonnance n 122-93 du 16 septembre 1993, le président du tribunal de grande instance de Castres a autorisé des agents de la direction générale des Impôts à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux professionnels de M. X... et de la société Colani Design Bern cadastrés A 996, 1016, 1051, 1052 à L'Albarède-Saint-Paul Cap de Joux (Tarn) en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de M. X... et de la société Colani Design Bern ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la défense :
Attendu que le directeur général des Impôts conteste la recevabilité de la déclaration de pourvoi qui ne précise pas que l'ordonnance attaquée émane du tribunal de grande instance de Castres ;
Mais attendu que la déclaration de pourvoi effectuée le 27 septembre 1993 sur un document à entête de la cour d'appel de Toulouse, tribunal de grande instance de Castres contre "une ordonnance n 122 93 rendue par M. J. Richiardi, président du tribunal de grande instance en date du 16 septembre 1993... etc" signée de l'avocat au barreau de Castres et du greffier du tribunal de grande instance de Castres, fait ainsi ressortir que le président du tribunal de grande instance qui a rendu l'ordonnance attaquée est celui de Castres ; que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... et la société Colani Design Bern font grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors selon le pourvoi, qu'en autorisant onze agents de la Direction générale des Impôts, sans constater pour quatre d'entre eux (Mmes Z... et B... et MM. A... et Y...), qu'ils avaient au moins le grade d'inspecteur, le président du Tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de l'article 108 de la loi du 29 décembre 1989, applicable en la cause, les agents de l'administration des Impôts ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités par le directeur des Impôts peuvent être assistés par d'autres agents des Impôts habilités dans les mêmes conditions que les inspecteurs ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... et la société Colani Design Bern font enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors selon le pourvoi, d'une part, que la procédure tendant à la répression des agissements frauduleux est distincte de celle tendant à l'établissement des impôts dus par le contribuable ;
qu'il s'ensuit que la procédure des visites et saisies prévue à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, ne peut être utilisée pour déterminer si l'activité déployée par un contribuable de nationalité étrangère en France entre dans le champ d'application territoriale de l'impôt français ;
que dès lors, en l'espèce, en tentant de rechercher elle-même si le domicile fiscal de la société CDB ou de M. X..., de nationalité allemande, pouvait être situé en France, l'ordonnance attaquée a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ; et alors, d'autre part, que le juge qui autorise les visites ou les saisies doit vérifier de manière concrète si la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ;
qu'en l'espèce, en se bornant à rechercher si M. X... exerçait en France par l'intermédiaire de la société CDB une activité professionnelle qui y était imposable sans caractériser de façon concrète un comportement du contribuable laissant présumer la fraude, l'ordonnance attaquée n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
Mais attendu que l'ordonnance retient par l'analyse des éléments d'information fournies par l'Administration qu'il existe à l'encontre de M. X... et de la société Colani Design Bern des présomptions de fraude fiscale selon lesquelles ceux-ci se soustraieraient à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les revenus catégorie BIC ou BNC, de l'impôt sur les sociétés et de la TVA ;
que le moyen ne tend dès lors qu'à contester le bien-fondé de cette fraude ;
que de tels moyens sont inopérants pour critiquer l'ordonnance dans laquelle le juge a recherché par l'appréciation des éléments fournis par l'Administration s'il existait des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite en tous lieux même privés et d'une saisie de documents s'y rapportant ;
que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
1985