AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Liziane X..., épouse Y..., en cassation d'un arrêt rendu le 15 décembre 1993 par la cour d'appel de Paris (7e chambre), au profit de M. Jean-Louis Y..., défendeur à la cassation ;
M. Jean-Louis Y..., par mémoire déposé au greffe, le 21 septembre 1994, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience du 19 octobre 1995, où étaient présents :
M. Zakine, président, M. Pierre, conseiller rapporteur, M. Michaud, conseiller, M. Tatu, avocat général, Mme Claude Gautier, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Pierre, les observations de Me Roger, avocat de Mme X..., épouse Y..., de Me Vuitton, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Y... et Mme X... se sont mariés le 12 mai 1990 ;
que M. Y... a formé une demande en divorce sur le fondement de l'article 242 du Code civil en faisant grief à son épouse, d'une part, de ne pas l'avoir informé avant le mariage qu'elle était séropositive par suite d'une opération chirurgicale et, d'autre part, d'avoir quitté le domicile conjugal en juillet 1990 ;
que, sur la demande reconventionnelle de la femme, la cour d'appel a prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari et a, par ailleurs, débouté Mme Y... de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 266 du Code civil ;
Sur les deux moyens réunis du pourvoi incident de M. Y..., qui sont préalables :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé le divorce à ses torts exclusifs en retenant d'une part, qu'il avait été informé de la maladie de son épouse avant le mariage et, d'autre part, que le comportement du mari lui rendait imputable l'abandon par la femme du domicile conjugal, alors, selon le moyen, s'agissant du premier grief, qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel s'est prononcée par voie d'affirmation pure et simple, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
et que, par ailleurs, en laissant sans réponse les conclusions dans lesquelles M. Y... faisait valoir que le silence de son épouse sur son état de santé était particulièrement grave, dès lors qu'il souhaitait avoir des enfants, comme l'attestaient d'ailleurs divers témoins, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
et alors, s'agissant du second moyen, qu'ayant constaté que l'intimée se prévalait de faits rapportés par sa propre mère, la cour d'appel devait rechercher si le comportement allégué à l'encontre de M. Y... était établi, qu'en se contentant d'énoncer que le comportement de l'exposant, tel que décrit par sa belle-mère, n'apparaissait pas inventé sans relever l'existence de faits concrets, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 242 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, après avoir analysé les attestations versées aux débats ainsi que certaines circonstances de la cause, en a déduit que M. Y... avait eu connaissance de la maladie de Mme Y... préalablement au mariage et que l'abandon du domicile conjugal ne pouvait être reproché à l'épouse ;
qu'elle a ainsi, répondant aux conclusions, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le pourvoi principal de Mme Y... :
Vu les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts présentée par Mme Y..., la cour d'appel énonce que celle-ci ne démontre pas le préjudice matériel et moral que la dissolution du mariage lui ferait subir ;
Qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions de Mme Y... qui alléguait l'existence d'un préjudice matériel lié surtout au fait qu'elle avait quitté son emploi et son logement pour venir s'installer avec son mari et d'un préjudice moral lié à la gravité de son état de santé et aux espoirs qu'elle avait fondés sur cette installation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 15 décembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi et les condamne, ensemble, aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-deux novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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