AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Georges Z..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 9 septembre 1993 par la cour d'appel de Montpellier (5e chambre, section A), au profit :
1 / de M. André X..., demeurant ...,
2 / de Mme Monique X..., épouse Y..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 octobre 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Bourrelly, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Aydalot, Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Borra, Stephan, M. Peyrat, conseillers, MM. Chollet, Pronier, conseillers référendaires, M. Lucas, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Bourrelly, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Z..., de Me Blondel, avocat des consorts X..., les conclusions de M. Lucas, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. Z..., auquel Mme Marie X... avait donné à bail à métayage deux parcelles de terre, dont elle était propriétaire, fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 septembre 1993) d'annuler ce bail à la demande de Mme Monique X..., nue-propriétaire desdites parcelles, alors, selon le moyen, "1 ) que le bail consenti par le propriétaire apparent de la chose louée est opposable au véritable propriétaire lorsque le locataire a traité de bonne foi sous l'empire de l'erreur commise ;
qu'en l'espèce, il est établi que, le 15 mai 1976, M. Z... a conclu un bail à métayage avec Marie X..., celle-ci s'étant déclarée propriétaire des terres données à bail ;
que le jugement, dont la confirmation était demandée, avait relevé que, en prenant la qualité de propriétaire, Mme X... avait entendu garantir au preneur la totalité de la jouissance convenue ;
que, dès lors, le bail consenti par Marie X... était opposable à la nue-propriétaire, Mme Monique X... ;
qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1714 du Code civil ; 2 ) que la prescription de l'action en nullité des conventions commence à courir du jour de l'acte litigieux, sauf erreur, dol ou violence et qu'il incombe à la victime de l'erreur, du dol ou de la violence de prouver à quelle date le vice a cessé, faute de quoi la prescription court du jour de l'acte ;
qu'en décidant qu'il appartenait à M. Z... de faire la preuve du moment où Mme Monique X... aurait eu connaissance du bail litigieux cependant que la charge de cette preuve incombait à Mme Monique X... elle-même, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 et 1304 du Code civil ;
3 ) que Mme Monique X... qui avait, le 20 novembre 1991, donné à M. Z... congé du bail à métayage consenti par sa mère, Marie X..., pour le 31 octobre 1993, avait démontré qu'elle avait connaissance de ce bail et avait, par ce congé, renoncé de façon non équivoque à en invoquer la nullité ;
qu'en accueillant la demande en nullité du bail du 15 mai 1976 engagée par Mme Monique X... postérieurement au congé par elle délivré, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 2221 du Code civil" ;
Mais attendu, d'une part, que M. Z... n'ayant pas soutenu, devant la cour d'appel, que Mme Marie X... avait la qualité de propriétaire apparent, le moyen est, de ce chef, nouveau, mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a relevé exactement qu'il appartenait à M. Z..., qui prétendait que le droit de la nue-propriétaire d'agir en nullité du bail était prescrit, d'établir que Mme Monique X... avait eu connaissance de ce bail depuis plus de cinq ans à la date de l'assignation et que la délivrance du congé, le 20 novembre 1991, ne pouvait suffire à établir une renonciation à la nullité ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... à payer aux consorts X... la somme de 8 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. Z..., envers les consorts X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-deux novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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