AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le Conseiller référendaire FOSSAERT-SABATIER, les observations de Me BOULLEZ avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Ismaïl, contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 1994, qui l'a condamné, pour dénonciation calomnieuse à l'égard de Monique Z..., à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 226-10 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un prévenu coupable de dénonciation calomnieuse et en répression, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis simple et à 30 000 francs de dommages-intérêts ;
"aux motifs qu'en ce qui concerne Monique Z..., celle-ci s'est trouvée à la suite du décès de son mari gérante de la SCI, constituée par ce dernier avec l'épouse de Younès X... ;
il n'a jamais été soutenu qu'elle aurait eu également des intérêts dans la SARL, ni qu'elle serait intervenue à quelque titre que ce soit dans l'acquisition des parts de celle-ci par Ismaïl Y... ;
"elle était donc manifestement en droit de prendre en cette qualité, toute décision jugée par elle conforme à ses intérêts, et notamment de poursuivre la résiliation du bail en suite d'impayés locatifs anciens et importants, et ceci d'autant plus qu'elle avait déjà renoncé au bénéfice d'une précédente décision sous réserve d'une régularisation non intervenue ;
la dénonciation était donc, dès l'origine, dénuée de pertinence en ce qui la concerne ;
il apparaît en fait qu'elle n'a été englobée par Ismaïl Y... dans ses accusations qu'à la suite d'un évident délire interprétatif de victime et en raison de ses qualités d'avocat au barreau de Grenoble et d'élue municipale, ce qui ne saurait suffire à constituer le dénonciateur de bonne foi ;
"alors que le délit de dénonciation calomnieuse n'est pas caractérisé par la seule constatation de la fausseté du fait dénoncé, la mauvaise foi exigée par l'article 226-10 du Code pénal, impliquant que le dénonciateur ait connu au jour de la dénonciation la fausseté des faits qu'il imputait à autrui ;
qu'en l'espèce, la Cour qui se borne à constater la fausseté des faits dénoncés par le demandeur et à affirmer l'absence de bonne foi de ce dernier, n'a pas caractérisé la mauvaise foi de le demandeur, laquelle aurait dû être constituée par la connaissance qu'il aurait eu, au jour de la dénonciation, de la fausseté des faits imputés, et n'a pas, en conséquence, donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, par des motifs exempts d'insuffisance, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de dénonciation calomnieuse dont elle a déclaré le prévenu coupable;
Que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, ne peut qu'être écarté;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Milleville conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Fossaert-sabatier conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pinsseau, Joly, Pibouleau, Mme Simon, M. Farge conseillers de la chambre, Mme Batut conseiller référendaire, M. Amiel avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;