AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. le receveur des Impôts de Wissembourg, comptable chargé du recouvrement, demeurant en ses bureaux, rue de l'Industrie, 67160 Wissembourg, en cassation d'un arrêt rendu le 11 janvier 1994 par la cour d'appel de Colmar (1re Chambre civile), au profit de Mme Fabienne X..., mandataire judiciaire, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL TFR Usitech, domiciliée ..., défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 octobre 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Lassalle, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Lassalle, les observations de Me Foussard, avocat de M. le receveur des Impôts de Wissembourg, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 janvier 1994), que la société Usitech ayant été mise en redressement judiciaire le 23 octobre 1989, un plan de redressement par voie de continuation de l'entreprise a été arrêté le 24 septembre 1990 ;
que ce plan a été résolu et une nouvelle procédure de redressement judiciaire ouverte le 9 septembre 1991 qui a abouti à la liquidation judiciaire prononcée le même jour ;
que le receveur principal des Impôts de Wissembourg a déclaré une créance de TVA pour la période écoulée du 1er au 24 septembre 1990 et de majorations et intérêts de retard du 1er janvier au 24 septembre 1990 et a demandé son inscription sur la liste des créances établie par le liquidateur judiciaire en application de l'article 61 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu que le receveur principal des Impôts fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que cette créance ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 au titre de la procédure de redressement et de liquidation judiciaires ouverte le 9 septembre 1991 et d'avoir refusé son inscription sur la liste des créances relevant de cet article, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, les créances qui y sont visées sont payées à l'échéance lorsque l'activité est poursuivie ou, par priorité, à toutes les autres créances, à l'exception des créances privilégiées, en cas de cession totale ou de liquidation ;
qu'aux termes de l'article 40 de la même loi, la résolution du plan de continuation, si elle permet l'ouverture d'un second redressement judiciaire, ne peut tendre qu'à la cession totale ou à la liquidation ;
qu'il résulte de la combinaison de ces deux textes que les créanciers de l'article 40, qui doivent être payés par priorité et ne sont pas assujettis au plan, n'ont aucune obligation de déclarer leur créance après résolution de ce dernier ; qu'en vertu même de l'article 80 précité, ladite résolution n'a pas pour effet de faire disparaître le droit de priorité visant les créances de l'article 40 restées impayées ;
qu'en effet, la seconde procédure ouverte après résolution du plan de redressement n'entraîne pas les conséquences d'une "nouvelle" procédure collective, qui supprimerait purement et simplement, sans fondement légal, la cause de préférence attachée aux créances de l'article 40 ;
qu'en décidant qu'en raison de l'ouverture d'un redressement judiciaire, consécutif à la résolution du plan de continuation de l'entreprise, les créances nées lors de la période d'observation de la première procédure ne pouvaient bénéficier des dispositions de l'article 40 dans le cadre de la seconde procédure collective et devaient être déclarées au passif, au même titre que les autres créances, la cour d'appel de Colmar a violé les articles 40 et 80 de la loi du 25 janvier 1985 ;
et alors, d'autre part, que la liste des créances de l'article 40, non payées à l'échéance, qui est déposée au greffe après l'expiration de la période d'observation, conformément à l'article 61 du décret du 27 décembre 1985, peut être complétée par le liquidateur, en application de l'article 122 du décret précité ; qu'aucune disposition particulière ne s'oppose à ce que les créances de l'article 40, nées au cours de la période d'observation de la première procédure, soient reprises sur la liste que dresse le liquidateur ;
qu'en refusant la possibilité pour le liquidateur d'inscrire sur cette liste les créances nées au cours de la période d'observation de la première procédure, la cour d'appel a méconnu les articles 40 et 80 de la loi du 25 janvier 1985, 61 et 122 du décret du 27 décembre 1985 ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant énoncé exactement que la résolution du plan de redressement entraîne, en application de l'article 80 de la loi du 25 janvier 1985, l'ouverture d'une nouvelle procédure et que tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement doivent déclarer celle-ci, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que la priorité de paiement conférée par l'article 40 aux créances nées pendant la première période d'observation, dont la créance fiscale litigieuse, devait être écartée ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant énoncé exactement encore qu'il incombe au mandataire de justice, administrateur ou liquidateur, d'établir la liste des créances mentionnées à l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, qui n'ont pas été payées, chaque fois qu'une période d'observation est ouverte, la cour d'appel en a justement déduit que la créance fiscale née pendant la première période d'observation ne pouvait être portée sur la liste établie pour la seconde période ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que Mme X... sollicite sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 10 000 francs ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Rejette également la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. le receveur des Impôts de Wissembourg, envers Mme X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt et un novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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