AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Y...,
2 / Mme Nicole Y..., demeurant tous deux ..., en cassation d'un arrêt rendu le 16 septembre 1993 par la cour d'appel de Douai (3e chambre civile), au profit de M. X..., pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de Mme Y..., domicilié ..., défendeur à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 octobre 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Armand-Prévost, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Armand-Prévost, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat des époux Y..., de Me Blondel, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé (Douai 16 septembre 1993), que, par ordonnance du 24 avril 1992, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de Mme Y... a autorisé le liquidateur à procéder à la vente, par voie d'adjudication amiable, de l'immeuble dépendant de l'actif de la liquidation et que, sur demande de celui-ci, le président du tribunal de grande instance a, par ordonnance du 20 octobre 1992, ordonné l'expulsion des époux Y... ;
Attendu que le pourvoi fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé cette ordonnance, alors, selon le pourvoi, de première part, qu'aux termes de l'article 215 du Code civil, les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie, que la résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord, que les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille ni des meubles meublants dont il est garni et que celui des deux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut en demander l'annulation ;
que dès lors, en prononçant l'expulsion des époux Y... de leur logement, sans rechercher si le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de Mme Y... n'avait pas, par son ordonnance du 24 avril 1992, privé M. Y... du bénéfice de la protection prévue par l'article 215 du Code civil, de sorte que l'expulsion ne pouvait, dans ces circonstances, être prononcée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte précité ;
alors, de deuxième part, qu'en s'abstenant de rechercher si les dispositions de l'article 215 du Code civil ne constituaient pas nécessairement, en l'espèce, une contestation sérieuse excluant la compétence du juge des référés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 808 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, de troisième part, qu'il résulte des dispositions de l'article 1er de la loi du 25 janvier 1985 que la liquidation judiciaire est prononcée en l'absence de toute perspective de redressement ;
que, dès lors, la cour d'appel, qui retient que les époux Y... ne produisent au soutien de leur appel aucun élément de nature à justifier de la réalité de leur situation critique, tout en constatant que la liquidation judiciaire des biens de Mme Y... a été prononcée et que le logement familial en cause dépend de l'actif de la liquidation, n'a pas tiré les conséquences juridiques de ses propres constatations et a violé les dispositions de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, enfin, qu'une ordonnance de référé ne prononce qu'une condamnation à titre provisoire et qu'il ne peut être déduit des seules conclusions produites en appel de l'ordonnance de référé refusant d'octroyer des délais de grâce aux époux Y..., la renonciation de ceux-ci à contester le bien-fondé de la demande du liquidateur quant au prononcé de leur expulsion ;
qu'ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions des articles 808 du nouveau Code de procédure civile et 1351 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de leurs conclusions ni de l'arrêt que les époux Y... aient soutenu devant la cour d'appel l'argumentation dont fait état le moyen en ses deux premières branches ;
Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel, sans méconnaître l'objet du litige, a estimé souverainement que la situation des époux Y... ne justifiait pas l'octroi de délais venant s'ajouter à ceux dont ils avaient déjà bénéficié du fait de la procédure ;
Attendu, enfin, que n'ayant pas contesté dans leurs conclusions devant la cour d'appel, le bien-fondé de la demande du liquidateur quant au prononcé de leur expulsion, les demandeurs ne peuvent reprocher à l'arrêt d'avoir, dans ses motifs, relevé ce fait ;
D'où il suit qu'irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en ses première et deuxième branches, le moyen est, pour le surplus, sans fondement ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que M. X..., ès qualités, sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 9 500 francs ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
REJETTE également la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne les époux Y..., envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt et un novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
1937