AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Michel X..., demeurant ..., immeuble Hortensia, appartement 76, 4ème étage, 76380 Cantelieu, en cassation d'un arrêt rendu le 21 mai 1992 par la cour d'appel de Douai (2ème chambre civile), au profit de la société Calif crédit-bail, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 octobre 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Grimaldi, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Grimaldi, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X..., de Me Vincent, avocat de la société Calif crédit-bail, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par acte du 13 mars 1985, un contrat de crédit-bail a été conclu entre la société Calif crédit-bail (société Calif) et la société X..., représentée par son gérant, M. X..., lequel s'est constitué, envers le crédit-bailleur, caution solidaire des engagements de la société X... ; que cette dernière ayant été mise en règlement judiciaire le 15 avril 1985, la société Calif a assigné, devant le tribunal de commerce de Lille, M. X... en paiement des sommes qu'elle disait lui être dues ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'incompétence du tribunal de commerce qu'il avait soulevée au profit du tribunal de grande instance alors, selon le pourvoi, que le cautionnement des engagements d'une société par le gérant ne peut être considéré comme commercial à l'égard de ce dernier que s'il trouve dans l'opération un intérêt personnel ;
qu'ainsi, la cour d'appel, en se bornant à relever que le créancier a produit l'acte souscrit par M. X... en sa qualité de gérant de la société X... aux intérêts de laquelle il était associé, sans constater que M. X... s'était engagé à titre personnel et avait également un intérêt personnel à garantir la dette de la société, n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 2015 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que M. X... s'était porté caution solidaire de la société X... "aux intérêts de laquelle il était associé", ce dont il résulte que celui-ci avait un intérêt personnel à garantir la dette de la société ;
que le moyen manque en fait ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 1er du Code de commerce et 48 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter l'exception d'incompétence territoriale de la cour d'appel de Douai, soulevée par M. X... qui faisait valoir qu'il était domicilié dans le ressort de la cour d'appel de Rouen, l'arrêt retient que l'acte de cautionnement "attribue compétence, en cas de litige, aux tribunaux compétents de Lille" ;
Attendu, qu'en statuant ainsi, alors que la clause attributive de compétence territoriale est réputée non écrite, à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et que cette qualité ne pouvait être attribuée à M. X... pour avoir accompli un acte isolé ayant un caractère commercial, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles 48 à 52 du décret du 22 décembre 1967 ;
Attendu que, pour condamner M. X... à payer à la société Calif la somme de 38 021,47 francs en sa qualité de caution de la société X..., l'arrêt retient que "si la créance de la société Calif n'apparaît pas au nombre des créances admises dans l'état établi le 16 avril 1985," en application de l'article 49 du décret du 22 décembre 1967, "il ressort d'une correspondance ultérieure qu'elle n'a pas été exclue des répartitions" ;
Attendu, qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le rejet de la créance de la société Calif avait été contesté dans les formes et délais prévus aux articles 48 à 51 du décret du 22 décembre 1967, et, dans l'affirmative, quelle avait été la décision prise par le Tribunal sur cette contestation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mai 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Rejette par voie de conséquence, la demande présentée par la société Calif crédit bail sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la société Calif crédit-bail, envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Douai, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt et un novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
1918